Rechercher
Rechercher

À La Une - Interview

Corée du Nord : un dérapage est « toujours possible »...

Pour Édouard Pfimlin, Pyongyang cherche à « affirmer le nouveau pouvoir » de Kim Jong-un et à renforcer sa légitimité.

Des soldats nord-coréens s’entraînent au tir, ayant pour cible le ministre sud-coréen de la Défense, Kim Kwan-jin.KCNA/AFP

Deux mois après l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, désigné, à moins de 30 ans, numéro un de la Corée du Nord après l’annonce de la mort de son père Kim Jong-il, Pyongyang, en février 2012, donnait son accord pour une suspension de ses activités nucléaires et balistiques en échange d’une aide alimentaire américaine.
Le jeune Kim allait-il être l’homme qui porterait la Corée du Nord sur de nouveaux rails ?


L’espoir fut de courte durée. Le mois suivant, le régime annonce son intention de lancer une fusée, ce qu’il finit par faire en décembre 2012, après un premier échec en avril. Pyongyang évoque une fusée visant à mettre en orbite un satellite civil d’observation terrestre, mais une partie de la communauté internationale estime qu’il s’agit d’un nouvel essai de missile balistique.
Le mois suivant, les sanctions internationales tombent. Le bras de fer entre Pyongyang et la communauté internationale est lancé.
En février, Pyongyang procède à son troisième essai nucléaire, d’une puissance bien supérieure aux deux précédents. Le mois suivant, alors que les condamnations internationales pleuvent, la Corée du Nord brandit le spectre d’une « guerre thermonucléaire » et menace Washington d’une frappe nucléaire « préventive ». Ce à quoi la communauté internationale répond par de nouvelles sanctions. Pyongyang coupe ensuite une partie des canaux de communication avec Séoul, qui entame des manœuvres militaires avec les États-Unis. Le Nord lance alors ses propres exercices militaires.
Depuis fin mars, la péninsule coréenne fait régulièrement la une de l’actualité et suscite l’inquiétude.

Levier
Pour Édouard Pfimlin, chercheur associé à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) et spécialiste des enjeux stratégiques de l’Asie, en lançant cette escalade des menaces, la Corée du Nord vise à « affirmer le nouveau pouvoir de Kim Jong-un » et à renforcer la légitimité. « Le discours martial et menaçant vise aussi à montrer que Kim Jong-un est ferme, qu’il ne transigera pas, et aussi à mobiliser le peuple », estime le chercheur.
L’enchaînement de menaces vise également, selon lui, à « obtenir un levier de négociations pour être en position de force avec les Américains », afin de décrocher « une garantie que la Corée du Nord ne sera pas attaquée et négocier des avantages et compensations économiques » si la Corée devait opter pour la retenue.
Ce jeu, mené depuis de nombreuses années par le régime, n’est toutefois « pas pris au sérieux » et reste un jeu « très dangereux ».


Alors que Pyongyang multiplie les menaces de frappe et ferme l’accès à la zone industrielle intercorréenne de Kaesong, que les États-Unis annoncent le déploiement d’un système de missiles antibalistiques sur l’île de Guam et envoient des bombardiers, la situation risque-t-elle de déraper ?
Pour certains experts, comme David Albright, ancien inspecteur de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) et désormais à la tête de l’Institut pour les sciences et la sécurité internationale, un centre de réflexion à Washington, il est important de ne pas sous-estimer les capacités de la Corée du Nord et sa détermination, rappelle Édouard Pfimlin.
Chuck Hagel, secrétaire américain à la Défense, a lui aussi indiqué que les menaces nord-coréennes posent un « grave et réel danger » et qu’il faut les « prendre au sérieux ».

Modération
« Un dérapage est toujours possible, il y a eu ces dernières années des incidents graves », note Édouard Pfimlin.
Le 26 mars 2010, rappelle le chercheur, un bâtiment de guerre sud-coréen, le Cheonan, sombrait après une explosion dans la zone maritime disputée entre les deux Corées. Bilan : 46 marins tués. Séoul estime qu’une torpille nord-coréenne a coulé la corvette. Le 23 novembre 2010, la Corée du Nord tirait 170 obus et roquettes sur l’île de Yeonpyeong, en Corée du Sud (qui vient alors d’accueillir le G20), dans la mer Jaune. Bilan : quatre morts et quatorze blessés, et une riposte sud-coréenne. Cette attaque était la première contre une zone peuplée de civils depuis la guerre de Corée.


Toutefois, relativise le chercheur de l’IRIS, « il existe des facteurs modérateurs et dissuasifs », comme par exemple le déploiement annoncé par Washington d’un système de missiles antibalistiques sur l’île de Guam, dans le Pacifique. Comme, également, l’annonce par le Pentagone de son intention de déployer dans les prochaines semaines un système de missiles intercepteurs THAAD sur l’île de Guam, désignée comme cible potentielle par Pyongyang au même titre que Hawaii et la côte ouest des États-Unis, rappelle le spécialiste.
« Pour faire face à d’éventuelles frappes nord-coréennes, les États-Unis, mais aussi la Corée du Sud et le Japon, disposent de toute une panoplie d’intercepteurs, fixes ou mobiles, à terre ou en mer », souligne-t-il.
Mais au-delà des déploiements militaires américains dissuasifs (Washington a également déployé des bombardiers B-52 et B-2 ainsi que des avions de chasse furtifs F-22 de 5e génération), « le régime nord-coréen n’obéit toutefois pas toujours à la logique rationnelle », insiste le chercheur.

Stratégie chinoise
Reste la Chine, proche de Pyongyang, et que plusieurs représentants de la communauté internationale ont appelée à intervenir pour éviter le pire.
« Pékin, en tant que principal partenaire économique et commercial de la Corée du Nord, a un levier possible. Cependant, le régime nord-coréen est très fermé et fonctionne de façon autarcique. Ce qui limite les possibilités pour influencer positivement ses décisions », note Édouard Pfimlin.


Se pose également la question de savoir si Pékin veut agir. « La Chine n’a pas intérêt à une dégradation de la situation dans la péninsule coréenne ; une guerre, outre les destructions et le risque nucléaire, pourrait conduire à la fin du régime de Pyongyang qui reste un allié, estime le chercheur. Pékin n’a pas intérêt à une Corée réunifiée et démocratique à ses frontières, ce qui pourrait être déstabilisateur pour le régime communiste chinois... »
D’où une stratégie chinoise d’invitation à la modération de toutes les parties, tout en évitant de stigmatiser Pyongyang.

Deux mois après l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, désigné, à moins de 30 ans, numéro un de la Corée du Nord après l’annonce de la mort de son père Kim Jong-il, Pyongyang, en février 2012, donnait son accord pour une suspension de ses activités nucléaires et balistiques en échange d’une aide alimentaire américaine. Le jeune Kim allait-il être l’homme qui porterait la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut