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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Naufrages

Si profondément ancrée est l’anormalité dans nos mœurs politiques que nous crions au prodige ou craignons alors de voir le ciel nous tomber sur la tête, quand, d’aventure, une situation de crise trouve son aboutissement logique dans le cadre des institutions et non dans la rue.

 

Le gouvernement Mikati, démissionnaire depuis hier soir, était lui-même l’anormalité incarnée. Formé il y a un peu plus de deux ans à la faveur d’un soudain et très suspect renversement de la majorité parlementaire, il se prévalait de son caractère passablement homogène (un noyau dur 8 Mars agrémenté de centristes) pour promettre aux Libanais travail et productivité. Les querelles intestines s’ajoutant à la médiocrité ambiante, c’est à une déglingue sans précédent des services publics, assortie d’une cascade de scandales, que les Libanais ont eu droit en réalité. Comme si ce n’était pas assez d’empoisonner en permanence le climat politique, ce gouvernement s’est montré des plus coulants avec les trafiquants de viande avariée et de médicaments frelatés. Voilà bien ce qui s’appelle de la suite dans les idées.


Failli au plan du maintien de l’ordre et de la sécurité, ce même gouvernement aura allégué d’une mensongère et explosive neutralité face aux sanglants évènements de Syrie, avec un Hezbollah faisant ouvertement le coup de feu aux côtés du régime tortionnaire de Damas et un ministre des Affaires étrangères plus royaliste encore que le roi d’Assadie. Last but not least est l’incroyable feuilleton d’une échelle des salaires qui a suscité une longue série de grèves syndicales, dont le financement risque de saigner à blanc le pays. Et dont le Premier ministre trouvait pourtant moyen, dans son plaidoyer pro domo d’hier, de compter au nombre de ses magnifiques réalisations.


Si on ne devait reconnaître à Nagib Mikati qu’un mérite, un seul, c’est celui d’avoir fini par prendre conscience de l’inconfort et du ridicule de sa situation de patron sans cesse contredit, voire malmené, par ses propres troupes. Certes a-t-il tiré gloriole d’une démission motivée, selon ses propres dires, par son respect des échéances électorales comme par son souci d’éviter tout vide sécuritaire que laisserait le départ à la retraite du directeur de la police et de la gendarmerie le général Achraf Rifi. De même a-t-il paru sincèrement ému – il en était presque émouvant – par les risques accrus d’explosion menaçant sa ville natale de Tripoli. Et c’est dans le sens du poil qu’il a caressé l’opinion publique en affirmant qu’en s’en allant, et bien que continuant de se tenir héroïquement en réserve de la république, il ne faisait qu’ouvrir la voie à l’avènement d’une équipe de salut public groupant toutes les forces politiques du pays, ainsi que le commande la gravité de l’heure.


C’est bien ce qu’il faut espérer. Et cela dans les délais les plus brefs, comme y veillera sans doute le président Michel Sleiman qui ne cesse de s’affirmer comme un intraitable gardien des institutions : le pire qui peut arriver étant en effet le maintien durable de cette équipe, pour démissionnaire et techniquement irresponsable qu’elle soit, sous prétexte d’expédition des affaires courantes.


Ce gouvernement de naufrageurs, qu’on le laisse donc sombrer !

 

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Si profondément ancrée est l’anormalité dans nos mœurs politiques que nous crions au prodige ou craignons alors de voir le ciel nous tomber sur la tête, quand, d’aventure, une situation de crise trouve son aboutissement logique dans le cadre des institutions et non dans la rue.
 
Le gouvernement Mikati, démissionnaire depuis hier soir, était lui-même l’anormalité incarnée. Formé...

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