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À La Une - Analyse

Assad se sent assez fort militairement pour se montrer inflexible

« Aujourd’hui, la situation se stabilise quelque peu. Le régime ne gagnera pas la guerre mais il sait qu’elle sera encore longue »

Le président syrien Bachar el-Assad salué par ses partisans à la maison de la culture, à Damas, le 6 janvier 2013, après avoir donné un discours. REUTERS/Sana

Le président syrien Bachar el-Assad s’estime assez fort militairement pour se montrer intraitable, après 21 mois de conflit, et faire un pied de nez à la communauté internationale qui réclame à l’antienne son départ, estiment les experts.


Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherche et d’étude sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo), estime qu’il a choisi de s’exprimer dimanche devant un public trié sur le volet, à un moment où il jugeait que la situation lui est favorable. « C’est un moment approprié pour soutenir le moral de ses partisans parce que son armée a récemment engrangé des victoires et qu’il est toujours en place », déjouant les pronostics de ses détracteurs qui annoncent régulièrement sa chute, explique cet expert de la géographie politique de la Syrie.

 

Thomas Pierret, maître de conférence à l’Université d’Édimbourg, relève de son côté que M. Assad avait gardé le silence depuis « les bouleversements de l’été : assassinat de hauts responsables dans un attentat en juillet, défection du Premier ministre, prise de la moitié d’Alep par les rebelles, perte de contrôle des frontières turques et irakiennes, offensives rebelles dans la banlieue de Damas ». « Aujourd’hui, la situation se stabilise quelque peu. Le régime ne gagnera pas la guerre mais il sait qu’elle sera encore longue. Tous ces développements constituent un ballon d’oxygène pour un régime condamné à moyen terme, ce qui explique le timing du discours », ajoute l’auteur de Baas et islam en Syrie.


Mais sur le fond, M. Assad, dont la dernière allocution remonte à plus de sept mois, « n’a pas changé de logiciel et sa rhétorique est toujours la même », note Karim Bitar, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). « C’est un discours de guerre : Assad est inflexible et totalement réfractaire à l’idée d’un véritable processus de transition politique », renchérit M. Pierret. Devant un parterre de plus d’un millier de partisans à l’Opéra de Damas, le président a appelé à un dialogue pour lequel il a affirmé ne pas avoir trouvé de « partenaire ». « L’habileté de M. Assad, note Fabrice Balanche, est d’affirmer qu’il n’est pas celui qui refuse le dialogue », mais que c’est l’opposition qui le rejette comme interlocuteur.


Présentant pour la première fois une feuille de route détaillée, le chef d’État contesté a proposé un plan prévoyant l’élaboration d’une charte nationale soumise à référendum avant qu’un nouveau Parlement et un nouveau gouvernement n’émergent des urnes. Mais avant cela, les « terroristes », auxquels il assimile les rebelles, devront arrêter leurs opérations pour que l’armée rentre dans ses casernes « tout en conservant le droit de répliquer ». « La solution politique de M. Assad est en fait une solution militaire avec un processus politique postvictoire totalement contrôlé par son régime », estime Volker Perthes, directeur du German Institute for International and Security Affairs de Berlin.

 

(Lire aussi : Le réduit alaouite, seule option pour Assad ?)


Mais cette allocution s’adresse aussi à la communauté internationale, affirment les analystes. « M. Assad sait que des négociations russo-américaines sont en cours et espère que ce dialogue lui donnera un répit et qu’il pourra s’accrocher au pouvoir au moins jusqu’a la fin de son mandat en 2014, en attendant que ce qu’il appelle la “bulle du printemps arabe” ait éclaté », note M. Bitar. M. Perthes, auteur de La Syrie sous Bachar el-Assad, juge que le dirigeant « répond non aux propositions de l’émissaire international Lakhdar Brahimi », qui a appelé fin décembre à Damas à la formation d’un gouvernement de transition aux pleins pouvoirs avant des élections.


Mais les experts sont unanimes, la « solution politique » de M. Assad, fermement rejetée par l’opposition, « restera lettre morte ». Car dans ce discours, dit M. Pierret, « M. Assad suggère une simple réédition des réformes engagées en 2011, à savoir un pseudodialogue avec de prétendus opposants choisis par lui-même ». « Trop de sang a coulé pour que les rebelles acceptent d’en rester là. La proposition d’Assad est très en dessous de ce qui pourrait être accepté par les rebelles : c’est trop peu, trop tard », conclut M. Bitar.

 

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