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À La Une - Éclairage

La présence des réfugiés syriens, un problème à plusieurs dimensions

Dans son dernier rapport, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a évalué le nombre de réfugiés syriens enregistrés au Liban à 122 000, dont 5 000 sont arrivés la semaine dernière, et le flot continue, puisque le HCR met à jour ses chiffres chaque semaine. Ces réfugiés sont officiellement recensés et bénéficient de l’aide du HCR et de nombreuses ONG. Ils suscitent en tout cas l’intérêt des instances internationales. Le président français François Hollande a évoqué leur situation au cours de son entretien avec le chef de l’État Michel Sleima, et le ministre danois des AE a abordé ce dossier au cours de ses entretiens avec les responsables libanais. C’est dire que l’Occident, en général, et l’Union européenne et les États-Unis, en particulier, accordent un intérêt soutenu à ce sujet, tout en mettant l’accent sur l’incapacité du Liban à supporter cette lourde charge économique, alors qu’il a du mal à aider ses propres citoyens.


Cette attitude arrange d’ailleurs bien les autorités libanaises qui traitent ce sujet avec beaucoup de précautions, ne voulant pas s’impliquer dans la crise syrienne et ne pouvant refuser d’accueillir les déplacés syriens pour des raisons humanitaires. Mais le problème grandit et se complique de jour en jour. D’autant que les chiffres officiels sont loin d’être conformes à la réalité. Si les réfugiés enregistrés auprès du HCR ont un statut juridique et sont sous la responsabilité de cette organisation rattachée à l’ONU, les autres, dont le nombre serait le double des premiers, n’ont aucun statut et se fondent au sein de la société libanaise. Selon des estimations officieuses, près de 200 000 Syriens seraient entrés au Liban depuis le déclenchement des émeutes en Syrie, en plus de ceux qui s’y trouvaient déjà, qu’ils soient des travailleurs permanents et saisonniers ou de simples résidents. Ce qui permet d’affirmer sans exagération que le nombre de Syriens présents actuellement au Liban approche du demi-million, précisent les sources officieuses qui rappellent que les sociétés libanaises et syriennes sont extrêmement proches, notamment dans les zones limitrophes où on a en réalité du mal à distinguer les Syriens des Libanais. Quand on pense que la Turquie qui compte 90 millions de citoyens n’a pas supporté cent mille réfugiés syriens et ferme désormais ses frontières devant eux, que l’Irak a refusé de les accueillir et que la Jordanie les a installés dans un lieu éloigné de toute habitation, on se demande comment le Liban, ce petit pays à la forte densité démographique, fait pour accueillir autant de Syriens. Sachant qu’il est difficile de les recenser avec exactitude.


Désormais, le poids de la présence syrienne au Liban se fait sentir à tous les niveaux. Mais les autorités continuent d’éviter d’ouvrir ce dossier. Avec l’arrivée de l’hiver, les besoins se font plus pressants et les Syriens exigent une attention particulière, sans oublier le fait qu’ils constituent une véritable pression sociale, sur le plan de l’éducation, et sur le plan des problèmes sociaux qu’une mauvaise installation et l’absence de ressources peuvent provoquer. Selon des sources officielles, 30 % des élèves dans la banlieue sud seraient syriens, dont un certain nombre ne paient pas les frais scolaires, faute de moyens.


Mais les Syriens ne posent pas qu’un problème humanitaire, social ou économique au Liban. Leur présence augmente le clivage interne entre les deux camps rivaux et on les voit participer à certaines activités politiques aux côtés des Libanais. Plus même, ils arrivent au Liban en tant que civils fuyant les combats et se transforment vite en combattants, enrôlés sous une bannière ou une autre et prêts à en découdre avec le camp qualifié d’adverse. Certaines sources politiques affirment qu’il y aurait près de 3 000 combattants syriens au Liban, dispersés entre le Nord, la Békaa et l’Iqlim el-Kharroub, notamment les villages sunnites de Katermaya et Chéhim. Le chef du courant des Marada Sleimane Frangié avait même déclaré publiquement qu’ils ont des camps d’entraînement au Nord. Mais il est impossible de le vérifier, tant ces combattants se fondent dans le paysage politique libanais. Interrogées sur la question, les autorités libanaises précisent que les forces de sécurité ont des instructions précises pour arrêter toute personne, syrienne ou non, qui porte des armes. Mais s’ils apparaissent en civils et cachent leurs armes, elles ne peuvent pas agir. Elles ajoutent qu’il y a beaucoup de rumeurs sur ce sujet, mais rien de prouvé.


Les milieux politiques sont plus circonspects et estiment que les autorités se cachent derrière le manque de preuves pour ne pas intervenir dans un sujet aussi délicat. Elles suivraient en quelque sorte la politique de l’autruche, précisent ces milieux politiques, mais elles savent que la présence des Syriens au Liban est une bombe à retardement. Même si la communauté internationale ne voit que l’angle humanitaire, et multiplie les aides aux réfugiés comme si elle cherchait à compenser l’absence d’une intervention militaire en Syrie, les Syriens au Liban ne peuvent donc pas être considérés comme de simples réfugiés. Ils posent aussi un problème politique et peut-être militaire. Ils affaiblissent aussi les institutions de l’État, puisqu’ils ne sont pas recensés par les services compétents et les autorités ne peuvent pas toujours intervenir, tant ils sont devenus un élément de la crise politique interne. À Majdel Anjar par exemple, l’armée avait arrêté un cheikh syrien qui avait abrité des éléments armés et celui-ci a été aussitôt relâché à cause des pressions. Même chose au Nord où les forces de l’ordre arrêtent régulièrement des hommes en armes avant d’être contraintes de les relâcher.


Aujourd’hui, la priorité est certes à l’aspect humanitaire, mais faut-il pour autant fermer les yeux sur les autres ?

 

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