Réveillé par le bruit du canon qui pilonne la périphérie de Damas, Ammar, 3 ans, se réfugie en pleurs dans les bras de sa mère qui le rassure en lui expliquant que ce n’est qu’un ballon qui a heurté le mur de la maison.
Longtemps épargnée, la capitale syrienne est désormais entrée dans la guerre entre les troupes régulières et les rebelles qui veulent renverser Bachar el-Assad arrivé au pouvoir depuis douze ans après le décès de son père, Hafez el-Assad. Mais à Damas, la guerre s’entend plus qu’elle ne se voit. Si les attaques se sont multipliées, la capitale n’est pas en proie à une guérilla urbaine comme Alep ou Homs. « Il se rendort, mais c’est moi qui passe la nuit à avoir peur qu’un obus nous tombe sur la tête », confie Oum Ammar, 34 ans, à son amie Oum Alma, 31 ans. « La mort peut arriver à tout moment et le petit a peur de tout », ajoute cette jeune femme vêtue d’un manteau et d’un foulard de couleur noire. Originaires de Qoudsaya, au nord de Damas, elles ont fui quand leur ville, perchée à 900 m d’altitude, est devenue un champ de bataille. Elles se sont réfugiées à Damas, chacune dans un quartier différent. Aujourd’hui, place Arnous, dans le centre de la capitale, elles se retrouvent pour la première fois. « Ma fille Alma commence à s’habituer à la guerre et de toute façon je ne peux pas rester cloîtrée. La vie doit continuer », assure Oum Alma coiffée d’un foulard rose.
L’armée, notamment la 4e division blindée, une unité d’élite dirigée par Maher el-Assad, le frère du président, est chargée d’empêcher les rebelles d’entrer dans la ville et si possible de les repousser hors de leurs fiefs dans les banlieues sud et est. Le roulement de l’artillerie et le vrombissement des avions de combat résonnent en permanence. Pour empêcher les infiltrations, la capitale s’est recroquevillée sur elle-même en se coupant de sa périphérie par de multiples barrages. Selon une source des services de sécurité, elle a été découpée en huit carrés, pour qu’en cas d’attaque, le secteur soit isolé, puisse résister et être reconquis par la suite.
Cadre supérieur dans un ministère, Amira est arrivée en retard et épuisée à son bureau : non seulement elle n’a pas dormi à cause du crépitement des armes, mais elle a mis deux heures pour y parvenir de son domicile situé à juste 20 km. « Je n’en peux plus. Chaque trajet est un calvaire car, il y a sept points de contrôle et sur le chemin, je risque d’être tuée ou enlevée contre une rançon ou pour des motifs confessionnels », dit cette femme de 30 ans, qui trompe son angoisse dans le café et la cigarette. Elle sait aujourd’hui que le conflit sera long. « Ce n’est pas demain que le gouvernement va négocier avec les terroristes », lâche-t-elle. Le mot « terroriste » signifie dans le vocabulaire du régime les rebelles.
Théâtre d’attentats et surtout de voitures piégées, la capitale est aujourd’hui défigurée avec ses murs de béton, ses sacs de sable, ses rues barrées et ses multiples points de contrôle. Elle ressemble à sa voisine Bagdad des années sanglantes et le soir les habitants ne s’aventurent plus hors de leurs quartiers. « Les barrages sont exaspérants mais je supporte encore moins de voir les civils innocents mourir dans les explosions », affirme Yazan, un fonctionnaire de 24 ans.
Autre sujet d’inquiétude, l’économie qui flanche. À Salhiyé, dans le centre-ville, le propriétaire d’un magasin de jeans se plaint de la baisse de 30 % de son chiffre d’affaires. « Les gens économisent sur les vêtements et dépensent pour la nourriture, les fournitures scolaires, l’électricité et l’eau », déplore Toufik, 64 ans. « Dans les années 1980 (à cause de l’économie dirigée), on avait des clients mais pas de marchandises, maintenant c’est l’inverse. » Son voisin, Fateh, le bijoutier, est moins ronchon. « On ne vend plus de bracelets ou de babioles. Les gens achètent des pièces de monnaie ou des chaînes en or pour préserver leur capital. »
Farouq Chamane Hassiyane, 36 ans, avec sa galabiya noire, n’a pas ce type de préoccupations. Il a fui Rastan il y a huit mois avec sa femme et ses sept filles car, selon lui, ses voisins lui ont volé sa voiture et ses vaches et ont squatté sa maison. Depuis, il a mis son monde au travail à Damas : aujourd’hui, toute la famille mendie.
Longtemps épargnée, la capitale syrienne est désormais entrée dans la guerre entre les troupes régulières et les rebelles qui veulent renverser Bachar el-Assad...
commentaires (8)
Longue Guerre, en effet ! En sus de ces Confessionnalités éhhh d’Ici et d’à Côté, qui ont été souvent au fil de ces longs siècles passés, un Assemblage de Communautés divisées sur de disparates Sandjaks et/ou Wilâïyâhs . Rassemblées de temps à autre au fil de l’Histoire mahééék n’est-ce pas, en des Câïmacâmîyâhs et autres bien sûûûr Mouttassarifîyâhs au IXXème dépassé. Yââ hassratâââh et yââ waïylatâââh !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
10 h 58, le 10 novembre 2012