Édith Bouvier écrit sans détours. Le poids et la grâce d’avoir échappé à la mort, frôlée de si près à Homs, soutiennent son ouvrage. Dans la ville incendiée de bombes, la maison où les reporters étrangers se trouvent est atteinte : nul abri, nulle issue ne semblent accessibles. Les reporters Marie Colvin et Rémi Ochlik meurent à quelques mètres dans la même pièce et la jambe de Bouvier, sérieusement blessée, risque l’amputation. Loin d’être un climax sensationnel, ce moment est un arrêt sur image de ce qu’endure le peuple syrien depuis mars 2011. L’ouvrage d’Édith Bouvier s’ouvre sur des vers signés Ahmad Chawki et Ounsi el-Hajj. La journaliste a à cœur de retranscrire la liberté avec laquelle et pour laquelle les opposants syriens se battent. Plus de trente mille personnes sont mortes depuis le début de cette guerre. Aujourd’hui, comme Bouvier le note, les médias parlent de moins en moins de la Syrie alors que les attaques contre les civils continuent.
Écrire Chambre avec vue sur la guerre a été « une épreuve (…), une douleur (…), un besoin » pour elle. Elle se souvient, souvent minute par minute, des périls surmontés à Homs et des connivences qui préservent, dans le feu même de la guerre, l’espoir des opposants au régime. Le rythme du récit se fond dans la voix intérieure d’Édith et suit ses sens aiguisés par la douleur et captant les odeurs et les formes de ce qui l’enveloppe ou la fait trembler. Il y a aussi tout ce que racontent les regards pudiques et les actes de courage, la volonté qu’ont eue des hommes de sauver la journaliste, même s’il leur a fallu, dans la proximité imposée par le cours des évènements, aller un peu au-delà des convenances sociales et religieuses.
Édith Bouvier a pu joindre le Liban puis la France grâce au soutien sans faille de son compagnon de route, le photographe William Daniels, sans lequel sa jambe aurait été perdue. Elle a survécu aussi grâce à la solidarité et la détermination de femmes et hommes syriens qui l’ont soignée dans un dispensaire de fortune, portée dans leur cœur puis littéralement sur le dos, au travers d’un tunnel bombardé où elle attendait sur une civière. Au bout de la peur, de la douleur puis de quatre jours de voiture, Édith Bouvier atteindra le Liban. Chambre avec vue sur la guerre est un témoignage qui parvient à être très personnel dans son tempérament, tout en observant, paradoxalement, une forme de distance dans son récit. Édith Bouvier parvient à signifier sa dette affective et éthique envers les collègues tombés sous les bombes et envers les Syriens. Elle tente d’apprivoiser l’épreuve et continuer à faire son métier de reporter, celui pour lequel elle était allée en Syrie l’hiver dernier : « Parler, raconter, témoigner pour (…) ne pas oublier. »
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commentaires (3)
On dirait le MÊME ENFER que celui de la GUERRE CIVILE libanaise !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
10 h 28, le 03 novembre 2012