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À La Une - Syrie

Fuir Homs : "C'est un cauchemar, on ne sait pas comment s'en sortir, on est tout seuls"

William Daniels, photographe français, raconte les conditions de son évacuation de Syrie, jeudi dernier, avec la journaliste Edith Bouvier, grièvement blessée.

William Daniels, à son arrivée en France, vendredi 2 mars. Jacques Demarthon/AFP

Le journaliste Williams Daniels, sorti de Syrie jeudi dernier avec sa consoeur Edith Bouvier blessée à la jambe lors d'un bombardement à Homs, bastion de la rébellion syrienne, le 22 février, a raconté lundi sur France Info et France Inter leur tentative avortée pour quitter Homs par un tunnel puis leur exfiltration réussie.

 

Première tentative de fuite par le tunnel : "c'est une opération assez simple à faire. Le problème c'est que ce n'est pas adapté à l'état de santé d'Edith", a raconté le journaliste comme s'il revivait la scène. "Il faut la préparer, on la scotche complètement dans une civière, il faut la descendre par un trou et après il faut la porter dans ce tunnel qui ne fait qu'1 mètre 50 ou 1 mètre 60 de haut. Donc c'est très dur pour ceux qui portent la civière en étant pliés en deux, donc ça prend beaucoup de temps".

 

"Je pense qu'en tout on a passé quasiment trois heures dans ce tunnel et pendant qu'on transporte Edith en sueur, on est tellement lents qu'on est doublés par plein de gens, notamment des civils qui fuient, des enfants, des femmes qui fuient par ce tunnel".

 

"Le fait qu'il y ait eu beaucoup de monde, l'opération a été très, très longue et donc a fait beaucoup de bruit pendant plusieurs heures à la sortie et c'est ce qui a fait que l'armée a fini par intervenir et a tiré à la sortie du tunnel", a-t-il dit, décrivant la "peur" des gens qui fuient et des Syriens portant la civière sur laquelle se trouve sa consoeur.

 

"Le dernier Syrien qui était avec nous nous donne sa kalachnikov et nous dit +je vais revenir, je vais revenir, protégez-vous, vos narines+, car il a peur que des gaz chimiques soient envoyés et il s'en va".

 

"C'est un cauchemar, on ne sait pas comment s'en sortir, on est tout seuls", a ajouté le journaliste, qui a expliqué que la solution était "venue d'un rebelle" : il "venait essayer de récupérer des blessés avec une vieille moto. Il y a des motos qui traînent dans ces tunnels et ils s'en servent pour transporter des gens. On est à trois sur cette moto, il y a de la boue donc ça glisse. La moto roule pas très droit, Edith se cogne et s'ouvre la tête qui saigne et puis on revient à la case départ, on retourne dans Baba Amr (quartier de Homs), dans l'hôpital, donc c'est violent".

 

Ce jour-là, contrairement à Edith Bouvier et Daniels, Javier Espinosa, journaliste espagnol, et Paul Conroy, photographe britannique blessé lors du bombardement du 22 février, ont réussi à sortir du tunnel et à rejoindre le Liban.

 

Concernant l'exfiltration qui a eu lieu le lendemain, William Daniels a expliqué qu'Edith Bouvier et lui-même avaient été séparés "quelques minutes", lui sur "une moto", elle "dans un camion".

 

Les deux journalistes ont été pris en charge par des Syriens et accueillis "dans des maisons où les gens sont supers, reconnaissent Edith, l'appellent par son prénom". "On peut manger et surtout on n'a plus de bombes qui nous tombent dessus, on se sent un peu mieux, même si on est très angoissé, on comprend que c'est un passage très, très dangereux, qu'on ne sait pas ce qui va se passer, que les gens qui nous aident peuvent y passer et nous aussi d'ailleurs. C'est très angoissant mais au moins on ne se prend plus de bombes et on s'écarte de Baba Amr".

 

"Pendant tout ce trajet, on ne peut contacter personne parce qu'on n'a pas accès à internet, les lignes téléphoniques sont fermées, on n'a pas de thuraya ou d'imarsat (téléphone satellitaire), donc c'est impossible", a-t-il dit. "Même si on avait un téléphone satellite, on ne peut pas l'utiliser car ils peuvent être localisés assez facilement. Et ça faisait partie de nos grandes angoisses. On se disait +ça fait plusieurs jours que nos familles ou les autorités n'ont pas de nouvelles de nous+".

 

"Je n'ai jamais vu de forces françaises pendant cette opération. On n'a toujours été qu'avec des Syriens de l'armée libre. On doit cette opération entièrement à l'armée libre", a insisté le photographe.

 

Lors du bombardement du 22 février, deux journalistes étrangers avaient été tué : l'Américaine Marie Colvin et le phorographe français Rémi Ochlik. Les deux corps ont été envoyés en Europe ce week-end.

 

Vendredi, l'armée syrienne a repris le contrôle de Baba Amr, quartier de Homs pillonné depuis début février.

 

A la chaîne de télévision France 24, Javier Espinosa a également donné des détails sur sa propre fuite : 

 

"C’était un convoi d’une cinquantaine de personnes. Il y avait des civils, des blessés, des membres de l’Armée syrienne libre (ASL, déserteurs syriens). Nous avons fui pendant la nuit. Et le problème, c’est qu’il y avait des enfants. Ils étaient terrifiés, ils pleuraient. L’armée nous a repérés et a commencé à tirer sur le groupe. C’était le chaos absolu. Tout le monde courait pour sauver sa propre vie", a raconté Javier Espinosa qui, lui, a réussi à fuir dans une forêt où il a croisé le chemin de sympathisants de l'ASL qui l'ont aidé à rejoindre le Liban. 

 

Le journaliste d'El Mundo a également décrit les conditions effroyables de vie dans Baba Amr bombardé.

"La nourriture est devenue un luxe. Les aliments de base comme le pain ou même l’eau sont des denrées rares et je ne parle même pas de viande ou de poisson, il n’en ont pas vu depuis des semaines, des mois. Ils ne mangent que du riz, des olives ou de l’huile d’olive avec du zaatar", a expliqué le grand reporter pour qui "Baba Amr est l’un des endroits les plus dangereux où il se soit retrouvé". Pour lui, le siège de Baba Amr pouvait être comparé à celui de "Sarajevo (en Bosnie) ou Misrata en Libye".

 

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commentaires (3)

L'ILLOGISME solidaire de l'ABSURDE !

SAKR LEBNAN

12 h 34, le 05 mars 2012

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Commentaires (3)

  • L'ILLOGISME solidaire de l'ABSURDE !

    SAKR LEBNAN

    12 h 34, le 05 mars 2012

  • L'illogisme solida

    SAKR LEBNAN

    12 h 33, le 05 mars 2012

  • C'est bien qu'ils racontent ça! Au moins cela aura l'avantage de dissuader d'autres de leur genre à se rendre clandestinement et à se balader sans visa en Syrie. Comme dit très justement André Jabbour, il faudra qu'ils se rendent quand même compte que le Liban et la Syrie ne font partie de l'espace Schengen!

    Ali Farhat

    10 h 38, le 05 mars 2012

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