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Moyen Orient et Monde - Libye

Ces émigrés qui vivent dans la clandestinité et meurent dans l’anonymat

Selon les chiffres de l'Organisation internationale des migrations, plus d'un million d'immigrés sont en situation irrégulière.
« Identité inconnue », « ressortissant africain » ou encore « autorité portuaire » figurent en guise d'épitaphes sur des centaines de tombes dans les cimetières de Tripoli. Les corps d'émigrés rejetés par la Méditerranée y sont enterrés sans cérémonie et dans l'anonymat le plus complet. Cruelle ironie du sort, les tombes de ces victimes du rêve européen sont souvent creusées ou entretenues par d'autres immigrants prêts eux aussi à braver la mort sur de frêles esquifs pour atteindre les côtes européennes.
Au fond du cimetière de Sidi Hamed, dans le quartier résidentiel de Gargarech à Tripoli, la capitale libyenne, une parcelle réservée à ces tombes est ceinturée d'un muret de briques grises, à l'abri des regards. « La partie réservée à ces émigrés devient exiguë. Maintenant ils les enterrent dans d'autres cimetières », affirme Ahmad, un Égyptien, s'attelant à creuser une tombe sous un soleil de plomb. Lui aussi attend l'occasion pour partir. « Je n'ai pas quitté mon pays pour faire ce boulot. C'est juste une étape », explique-t-il, affirmant ne pas craindre la mort. « Si je meurs, ce sera la volonté de Dieu. »
Comme Ahmad, plus d'un million d'immigrés sont en situation irrégulière en Libye, prêts à tenter une traversée périlleuse vers les côtes italiennes ou maltaises, selon les chiffres de l'Organisation internationale des migrations (OIM). Mohammad, un Nigérien de 35 ans, n'a pas vu sa femme et sa fille depuis sept ans. Il est venu en Libye chercher du travail et économiser le prix de la traversée pour l'Europe, « autour de 2 000 euros », selon lui. « Je n'ai pas pu économiser car je dois envoyer de l'argent à la famille chaque mois, dit-il. Les Libyens aussi ne nous payent pas tout le temps. Et le problème c'est qu'on ne peut rien faire de crainte qu'ils ne nous dénoncent aux services de l'immigration. »
« C'est un drame et un cercle vicieux », estime le représentant de l'OIM en Libye, Laurence Hart. « Le sentiment d'humiliation » à l'idée d'un retour dans leur pays les mains vides force de nombreux migrants à rester illégalement en Libye pour tenter une traversée de la Méditerranée vers l'Europe, selon lui. « Les clandestins se trouvent dans des conditions d'extrême vulnérabilité. Ils n'ont le droit à aucune assistance médicale, juridique ou en cas de mort », déplore-t-il.
Dans le « cimetière chrétien » où reposent des centaines de soldats italiens et britanniques de la Seconde Guerre mondiale, une parcelle est aussi consacrée aux « émigrés anonymes » relégués du coup parmi les chrétiens sans se soucier de leurs croyances.
Mais si ces immigrés ont eu droit à une inhumation, d'autres n'ont pas ce privilège dans la mesure où les corps ne sont pas tous rendus par la mer. Pire encore, comme pour deux cadavres trouvés sur la plage et gardés depuis près d'un an à la morgue de l'hôpital de Garaboulli à Tripoli, faute d'autorisation d'inhumation, selon le directeur de l'établissement cité par le journal privé Oéa. « Mais le calvaire des familles est dans tous les cas sans limites et le sort des leurs restera toujours inconnu », résume un diplomate africain en poste à Tripoli.
Le naufrage dimanche d'une embarcation d'immigrés clandestins en route pour l'Italie ayant fait au moins une vingtaine de morts et plus de 200 disparus suscite davantage les craintes de nouveaux drames en Méditerranée en ce début de « saison d'émigration clandestine », avec l'approche de l'été.

Imed LAMLOUM (AFP)
« Identité inconnue », « ressortissant africain » ou encore « autorité portuaire » figurent en guise d'épitaphes sur des centaines de tombes dans les cimetières de Tripoli. Les corps d'émigrés rejetés par la Méditerranée y sont enterrés sans...

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