Avant de se lancer dans l'aventure Fadel Jaïbi/Jalila Baccar, ces deux « géants amoureux du Liban », et après l'allocution de la directrice des lieux Nidal Achkar, le ministre de la Culture Rony Arayji a pris la parole pour annoncer son appui à un projet de loi abolissant la censure des œuvres artistiques (théâtre ou cinéma). Une décision qui a été très applaudie par le public très nombreux ce soir-là au théâtre al-Madina.
Avec un « s » ou simplement au singulier, la violence est la même, monstrueuse, carnassière, illogique, inintelligible, absurde, sotte. Pourquoi tue-t-on ? Le désespoir mène-t-il à la violence ? Celle-ci n'a-t-elle plus de frontières à notre époque ? Témoin du printemps arabe, l'auteur tunisien met en scène l'état actuel de sa société, mais embrasse également le monde entier. Après le succès d'Amnesia, pièce prémonitoire qui décrivait, quelques mois avant la révolution à la douce odeur de jasmin en Tunisie, désormais rance, Jaïbi poursuit avec Tsunami une trilogie consacrée à l'histoire contemporaine de son pays, un cycle dominé par la question de la mémoire: « Un pays sans mémoire est un pays qui ne sait jamais où il va. » Acteurs laïcs engagés dans la révolution tunisienne de 2010, Fadhel Jaïbi et Jalila Baccar questionnent aujourd'hui leurs concitoyens sur les dérives de la politique aux antipodes de toute démocratie menaçant non seulement la révolution mais aussi tout leur passé. Leur théâtre est un exutoire, il est cathartique. Persuadés qu'il est le seul tremplin à la parole, à l'action, ils s'en servent pour déverser toute cette violence contenue sur scène.
Pas de décor sur les planches. L'atmosphère est grisâtre. Seuls des bancs parsemés représentent les limites de la scénographie. Deux générations s'affrontent mais aussi dialoguent sur scène: celle des aînés du théâtre, Jalila Baccar, Fatma Ben Saidane, Lobna Mlika et Noomene Hamda, et celle des jeunes fraîchement sortis de l'École de théâtre nationale, à savoir Nesrine Mouelhi, Ahmad Taha Hamrouni, Aymen Mejri et Mouin Moumni. Pour eux, réfléchir sur la violence était devenu nécessaire. Vital.
La pièce démarre sur un rythme lent, aphasique. Pour mieux enclencher cette violence qui va petit à petit monter crescendo à travers les histoires de chacun. On passe d'un tableau à l'autre, à un nouveau crime, à une nouvelle affaire judiciaire, encore plus atroce que la précédente. Les mots sont crus, nus, ils sont proférés comme des insultes au genre humain. Par instants, on a l'impression de sombrer dans la préhistoire (longue chevelure féminine jusqu'aux genoux, manière d'un homme de traîner la femme sur le sol...), autant de gestes primitifs qui rappellent qu'il suffit d'un déclic pour réveiller la bête en nous. Mais Fadel Jaïbi ne s'arrête pas à la présentation de la violence. Il tient à rappeler aux spectateurs qu'il est en milieu théâtral et que ce miroir qu'il brandit aux hommes n'est que le reflet d'eux-mêmes, offert par le théâtre même. Il semble aussi dire que si les médias, les images invasives témoignant d'actes de violence(s), ne réussissent pas à réanimer l'humain, alors peut-être qu'il ne reste plus que ce théâtre de vivant. Et qui aurait pour fonction de nous secouer. Un peu ? Beaucoup ? C'est sûr. Mais jusqu'à l'étouffement. L'asphyxie.
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commentaires (5)
Effectivement le pire d'entres les etres vivants c'est l'homme ... car lui sait faire la différence entre le bien du mal et fait le mal avec toute conscience !! Il suffit de voire les bombardements aveugle de 87 sur Beyrouth car Assad y a envoyer plus de 3000 obus 255 après que Amin gemayel avait déclarer de washington que chaque obus tirer sur Beyrouth sera rendu sur damas !! Il suffit de voire aussi les bombardments de son propre fils sur Alep !!
Bery tus
18 h 53, le 07 octobre 2016