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Culture - Musique

Quand Sofia dénoue les cordes de la sagesse

Des chansons comme des aveux, la première qu'elle chuchote à l'oreille de sa mère et d'autres pour dépeindre l'univers dans lequel elle évolue. Sofia B, un talent pur, est une rescapée de la vie. Elle signe, après « Once Upon a Time », son second EP, « In The City ».

Si la première école de philosophie a été fondée vers la fin du VIIe siècle avant Jésus-Christ à Milet, en Asie Mineure, par un personnage nommé Thalès, la véritable école de sagesse demeure la vie, celle qui nous entraîne sur des chemins sans signalétiques avec pour seul mode d'emploi cette capacité de persévérance dans l'action, la volonté. Le volontaire est celui qui fait un choix et qui s'y tient fermement. Sofia B en est une.

Je m'appelle Sofia
Est-ce que les prénoms prédestinent les personnes qui les portent ? À bien chercher autour du sens du mot « sagesse », on y trouve, parmi tant d'autres, celui qui consiste à fuir la colère et la violence. Des colères, elle aurait pu en avoir des centaines, face à la maladie, à l'exclusion et à la difficulté de réaliser des rêves d'enfance. Pourtant, les secousses de la vie ne réussiront qu'à déplacer ses doigts sur les cordes d'un violon et à malmener sa voix pour atteindre l'inébranlable. De père libanais et de mère vénézuélienne, Hilda Sofia Boustany grandit à Caracas jusqu'à l'âge de 5 ans. C'est à cet âge-là, face à un virtuose du violon, qu'elle déclare à son père guitariste et ravi : « Voilà ce que je veux faire. » La famille s'installe à Londres où Sofia est scolarisée et s'adonne à sa passion : la musique. Elle réussit tous les grades avec excellence, sous le regard fier de ses professeurs.

À l'âge de 13 ans, une guitare à la main, elle compose ses premières chansons. À l'école, elle fait partie du chœur, se produit à toutes les fêtes. Quand elle est sélectionnée pour interpréter La Passion selon Mathieu au Royal Albert Hall au sein du Bach Choir, c'est une adolescente de 15 ans qui hypnotise un public averti. Elle passera cinq semaines dans l'une des plus grandes écoles de musique privées des États-Unis, le Berklee College of Music à Boston où elle décidera de faire le même choix que John Mayer, Miles Davis, Quincy Jones, Keith Jarrett ou Diana Krall, et d'intégrer, une fois l'école terminée, cet établissement qui compte environ 3 800 élèves et 460 professeurs. Elle a 18 ans et toute la vie devant elle.

Je m'appelle Crohn
Elle entame sa première année universitaire lorsqu'une maladie auto-immune, la maladie de Crohn, la rattrape. Après six séjours passés à l'hôpital sur une période de quatre mois où les médecins tardent à la diagnostiquer, elle échappe par miracle à une ablation de la rate et à la mort. Convalescente, elle poursuit ses études en alternant traitements lourds et cours, passera plus de temps assise sur le carrelage des toilettes à s'injecter que sur les bancs de classe. Elle décroche son diplôme envers et contre maux, s'embarque pour New York où elle est engagée chez Round Hill Music dans un premier temps puis chez Cornerstone Agency (Fader magazine).

Sofia avoue que les conditions de vie dans la cité de la pomme étaient incompatibles avec son état de santé. Le froid, la pollution, l'ouragan qui a dévasté la ville ont eu raison de son endurance. Suite à des problèmes administratifs pour cause d'assurance médicale impossible à obtenir, elle décide de rentrer chez elle à Londres accompagnée d'une amie musicienne. Elles achètent d'abord un ticket de bus puis un ticket de train et enfin un ticket pour la vie dont elles rêvent. Elles arpentent les routes pour dix tournées à travers toutes les villes d'Angleterre et d'Écosse, déterminées, libres et vivantes.
Finaliste au « Pride's Got Talent », elle chante à Trafalgar Square et sera invitée à participer en tant qu'artiste à tous les événements de la communauté LGBT. Un combat de plus à mener.

Je m'appelle la vie
« Pour moi, nous confie Sofia, l'identité sexuelle et l'orientation sexuelle sont deux choses complètement différentes. À l'école (Queen Gate School), je tombais amoureuse de toutes mes maîtresses, et découvrais ma sexualité sans trop savoir comment m'y prendre, le règlement était strict et les pantalons interdits. » Plus tard, à Berklee, Sofia, dans un regain de confiance et un geste rédempteur, décide de couper ses cheveux, d'en faire don aux cancéreux et de garder la tête rase mais haute.

C'est dans un moment de colère, qu'elle regrettera, qu'elle lance à sa mère : « I am gay. » Plus tard, elle lui dédiera sa première chanson enregistrée, Mum I Like a Girl. Cette chanson gagne un prix, une standing ovation et les larmes de sa mère. « Elle sera pour moi cette passerelle entre le silence des enfants et le regard interrogateur des parents. » Sofia enchaîne avec un second EP, composé à New York et enregistré au Liban avec des musiciens locaux. Une appartenance qu'elle revendique.

Pour un parcours en douleurs et en batailles gagnées, Sofia compose ses chansons tantôt pour sublimer la maladie, tantôt pour transcender la vie. Dans sa voix cristalline, la colère ne trouve pas de place, l'amour remplit toutes les cases. Celui qu'elle porte à ses parents, à ses mentors, à ses anges gardiens en blouse blanche, à ses amies et à la vie qui a bien voulu d'elle.

Si la première école de philosophie a été fondée vers la fin du VIIe siècle avant Jésus-Christ à Milet, en Asie Mineure, par un personnage nommé Thalès, la véritable école de sagesse demeure la vie, celle qui nous entraîne sur des chemins sans signalétiques avec pour seul mode d'emploi cette capacité de persévérance dans l'action, la volonté. Le volontaire est celui...

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