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Moyen Orient et Monde - Putsch avorté

Manifestation géante à Istanbul : une démonstration de force pour Erdogan

Au moins un million de personnes se sont rassemblées à Yénikapi.

La plus grande manifestation depuis des années en Turquie a réuni des centaines de milliers de Turcs – entre un et trois millions selon les journaux progouvernementaux et autres sources. Yasin Bulbul/Presidential Palace/Handout/Reuters

Un rassemblement géant « pour la démocratie » marquant l'apothéose de trois semaines de mobilisation dans les rues après le putsch raté en Turquie s'est transformé en démonstration de force pour le président Erdogan : le peuple et l'opposition unis derrière lui.

La plus grande manifestation depuis des années en Turquie a réuni dans une mer de drapeaux nationaux rouges à Yénikapi, sur les bords de la mer de Marmara, des centaines de milliers de Turcs – entre un et trois millions selon les journaux progouvernementaux et autres sources. Prenant la parole à la fin du rassemblement « pour la démocratie et les martyrs » du putsch avorté du 15 juillet, le président Recep Tayyip Erdogan a de nouveau évoqué hier un possible rétablissement de la peine de mort en Turquie. « Si le peuple veut la peine de mort, les partis suivront sa volonté », a dit M. Erdogan devant des sympathisants qui scandaient : « Peine de mor! » « Apparemment, il n'y a pas la peine capitale en Europe, mais ils l'ont aux États-Unis, au Japon, en Chine. La plupart des pays l'appliquent », a assuré le président Erdogan.

(Lire aussi : Les États-Unis n'ont joué aucun rôle dans le putsch en Turquie, "un point c'est tout")

Selon Amnesty International toutefois, 140 pays sont abolitionnistes, en droit ou en pratique. Le chef d'état-major Hulusi Akar – brièvement enlevé par les putschistes – a été acclamé en héros par la foule et lui aussi interrompu par des cris de « peine de mort ! ».
Un rétablissement de la peine capitale abolie en 2004 sonnerait le glas des négociations, déjà très compromises, d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Tout en aggravant l'inquiétude à l'étranger sur une dérive autoritaire du président Erdogan, qui concentre les pouvoirs d'une manière inédite en cent ans de république turque.

Le rassemblement organisé par l'AKP, le parti de la Justice et du Développement au pouvoir, devait marquer le point final des manifestations quotidiennes d'un peuple exhorté à descendre dans la rue par M. Erdogan depuis le coup d'État avorté, mené par une faction de l'armée. Mais M. Erdogan a créé la perplexité en annonçant qu'il ne s'agissait que « d'une virgule », une dernière manifestation étant prévue mercredi.

« Un jardin de roses »

Il n'en reste pas moins que la manifestation géante, qui se voulait « au-dessus des partis », lui a permis d'engranger un soutien appuyé de l'opposition. Les principales formations de l'opposition s'y sont jointes, à l'exception du HDP prokurde, non invité en raison de ses liens présumés avec la guérilla du PKK, même si lui aussi avait condamné la tentative de putsch. Ankara a désigné le prédicateur exilé Fethullah Gülen comme le cerveau de la tentative de coup d'État et réclame à cor et à cri son extradition aux États-Unis.
Prenant d'abord la parole, Devlet Bahceli, leader du MHP (droite nationaliste), a rendu hommage aux Turcs avec lyrisme : « Contre les balles, vous avez marché comme si c'était un jardin de roses. » « Il n'y a aucune autre option que de se débarrasser de Feto (le réseau de Gülen) dans la société parce qu'il s'y est niché comme un cancer », a-t-il lancé, reprenant la rhétorique d'Ankara et approuvant ainsi implicitement la traque massive en cours des gulenistes. « Nous allons vivre comme des frères et sœurs », a déclaré ensuite le chef du principal parti d'opposition, le CHP social démocrate, Kemal Kilicdaroglu, saluant cette « journée importante pour la démocratie turque ». « Cette organisation terroriste a prospéré au sein de l'armée et partout dans l'État », a-t-il assuré, reprenant l'antienne officielle, tout en demandant un « renforcement de la démocratie et du système parlementaire ».

(Lire aussi : Le rapprochement russo-turc, alliance de circonstance ou alternative stratégique ?)

« Prêts à mourir »

Quant au peuple stambouliote, il n'a pas non plus fait défaut à son président, et ancien maire, dont Istanbul reste le fief politique. Tous les transports – métro, bus ou ferry – étaient gratuits pour encourager l'affluence des Stambouliotes. « Nous sommes là pour notre pays, pour le protéger, nous ne laisserons pas notre pays aux mains de voyous », a déclaré Ramazan, un manifestant, répercutant le message officiel d'unité. Un autre manifestant, Huseyin Albayrak, allait plus loin : « Nous sommes prêts à mourir pour notre président Erdogan. Nous sommes là depuis ce matin, et s'il nous demande de rester là jusqu'à demain, nous resterons. Nous ne livrerons jamais notre pays à personne. »

Plus de 15 000 policiers avaient été mobilisés sur la gigantesque esplanade de Yénikapi, alors qu'Istanbul est régulièrement ensanglantée par des attentats islamistes ou pro-Kurdes. Le rassemblement a été retransmis par écrans géants dans toute la Turquie. Y assistaient les familles des 239 « martyrs » du putsch raté – qui a fait 273 morts en comptant les insurgés. Le putsch raté a déclenché une purge implacable des pro-Gülen dans l'armée, la justice, l'éducation ou la presse notamment, avec plus de 60 000 limogeages, détentions ou gardes à vue.


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