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Moyen Orient et Monde - Tribune

Mali : un problème de civilisation

Le Mali est un superbe pays d’Afrique occidentale de 1 240 000 km², désertique pour les trois quarts, avec une population approchant de 14 millions d’habitants. Au XIVe siècle, ce puissant royaume incluait le Sénégal, le Ghana et une partie du Niger. Puis il fut vaincu et divisé, devint colonie française au XIXe siècle et obtint sa complète indépendance en 1960. La population est très diverse, nomades du désert notamment touareg, au Nord, et Noirs sédentaires au Sud, majoritaires. On y parle des langues multiples et on y est musulman à plus de 90 %.
Le pays est totalement enclavé. Très pauvre en ressources minérales exploitées, il vit surtout de l’agriculture, notamment dans le vaste delta intérieur du fleuve Niger, région habitée entre autres par le peuple Dogon, l’un des plus étonnants d’Afrique en matière de sculpture et d’architecture. Longtemps dictature militaire, le Mali fut de 1991 à 2012 une success story de la démocratie en Afrique. Puis un nouveau coup d’État affaiblit encore sa rudimentaire puissance publique.


Dans sa partie nord, les nomades du désert, principalement touareg, se déplaçant jusqu’en Mauritanie, en Algérie et au Niger, sont très affaiblis par l’effondrement de l’économie caravanière. Beaucoup sont devenus trafiquants d’armes, d’esclaves et même d’or, certains demandent l’indépendance.
À la suite de la féroce guerre de religion qui déchira l’Algérie pendant la décennie 90, de nombreux Arabes intégristes musulmans fuirent vers le Sud, vers le vaste Sahara dont le Mali fait partie. Puis le « printemps arabe libyen » en 2011 et sa conclusion relativement démocratique firent fuir encore vers le désert un autre flot d’Arabes intégristes. Tout ce monde réussit à s’approprier une part importante des armements lourds et des véhicules rassemblés par l’ex-colonel Khadafi. Les intégristes musulmans, devenant eux aussi un peu bandits, pactisèrent avec les nomades trafiquants, eux aussi plus ou moins musulmans. Le discours intégriste de vengeance contre les infidèles devint la proclamation commune, bandits compris.


Courant janvier 2013, plusieurs colonnes se formèrent, de plusieurs centaines de véhicules pick-up, 4x4, portant des combattants très armés, et notamment des mitrailleuses lourdes. Toutes les villes du désert, Gao, Kidal, Tombouctou furent prises. Des monuments musulmans, gloires de cette dernière ville, furent détruits. La charia s’applique, les femmes, qui ne l’avaient jamais été, furent obligées de se voiler. Les colonnes motorisées menacèrent même la capitale Bamako, ville de Noirs sédentaires à l’extrême sud.
Dans cette panique, le président par intérim, un colonel noir sédentaire du Sud, musulman, Dioncounda Traoré, fit appel à la France, au nom du pacte de défense qui liait les deux pays, alors qu’il avait lui-même participé au coup d’État qui avait chassé le dernier dirigeant légal du pays, le président Amadou Toumani Touré, et provoqué par là l’effondrement de l’État.
Il reste dans ce pays moins d’un millier de français. Hors leur protection, la France n’y a plus aucun intérêt, pas même économique, et guère davantage stratégique, sinon la stabilité de toute la région. Elle avait d’ailleurs retiré toute force militaire sédentaire du Mali.


Courageusement, le président français François Hollande décida, très seul mais fermement, de répondre à cet appel à l’aide. En France, tout le monde comprit et approuva. Rarissimes furent ceux qui firent semblant d’y voir une tentative militaire de la France de reconquérir son empire colonial... Seuls les États-Unis, fort indifférents à l’intégrité de l’État malien, dont ils n’ont rien à faire, mais sensibles à la possible constitution d’un pôle terroriste intégriste maître de l’essentiel du désert, offrirent une partie de la logistique de transport et de télécommunications. La Grande-Bretagne, étrangère à toute logique européenne de défense, mais pour la même raison, offrit deux avions. L’Europe, elle, ne bougea pas, ce qui était prévisible.


La France fit merveille. Elle sut envoyer en quelques jours près de 3 000 hommes puissamment armés et efficacement motorisés. Gao, Kidal puis Tombouctou furent reprises, Bamako fut sauvée. Les assaillants, perdant l’essentiel de leurs véhicules et de leurs armes, se lancèrent dans une fuite éperdue vers les grottes du désert. Voilà. Les troupes lourdes françaises n’ont plus d’usage et vont rentrer. Il reste au désert des milliers de tueurs intégristes, mal motorisés maintenant, mais toujours armés. Faut-il rentrer ?


Loin de ne concerner que le Mali, le problème est typique de la crise contemporaine de l’islam. Aux XV et XVIe siècles, l’islam fut grand, savant, cultivé, rayonnant. Il ne l’est plus. Il a raté son décollage économique. Culture et développement vont ensemble. Il y faut des réformes puissantes et douloureuses. En chrétienté, les victoires politiques et militaires de la réforme furent la clé de l’accès à la démocratie et au capitalisme. En islam, les pouvoirs politiques ont toujours réussi à tuer et à éliminer leurs réformateurs. L’islam en resta affaibli, en partie colonisé, humilié et économiquement impuissant. Le pétrole n’offrit au total qu’une rente à quelques princes.


Devant cette humiliation et cette rigidification, sur un milliard et demi de croyants, quelques petits milliers en sont arrivés au projet fou de tuer les incroyants, les vainqueurs occidentaux bien sûr, mais aussi les modérés de chez eux, qui pourtant partout gouvernent. Dans la confusion politique et religieuse qui en résulte, car les religieux se taisent, aucun État musulman n’est capable de régler le problème chez lui. Il y faut une aide extérieure.


Le Mali fut le premier à la demander. Cette demande est aujourd’hui appuyée par ses autorités religieuses internes. La suite sera moins militaire. Il y faut former des armées, entraîner des polices, structurer des États. Cela ne sera possible que si la demande est confirmée, religieusement appuyée. Si c’est le cas, on oubliera les croisades pour arriver au combat commun de l’Occident et de l’islam pour les droits de l’homme et la démocratie. Voilà qui concerne toute l’Europe, et pas seulement la France.

© Project Syndicate, 2013.

Le Mali est un superbe pays d’Afrique occidentale de 1 240 000 km², désertique pour les trois quarts, avec une population approchant de 14 millions d’habitants. Au XIVe siècle, ce puissant royaume incluait le Sénégal, le Ghana et une partie du Niger. Puis il fut vaincu et divisé, devint colonie française au XIXe siècle et obtint sa complète indépendance en 1960. La...

commentaires (2)

Soundiata Keita est le père fondateur du Mali, peuple fier et érudit , réduit par la colonisation à un pays mendiant vivant d'aumone des organisations internationales. Les touaregs qui vivaient du commerce principalement du sel entre tous les pays avoisinnants se sont vus du jour au lendemain sevrés de ce commerce qu'ils ont remplacé par divers trafic de cigarettes aussi bien que d'armes et de drogue, il faut survivre à l'image des planteurs sud americains qui faisaient moins de recette qu'en cultivant la coca ou le chanvre indien. L'occident a sa part de responsabilité dans l'effondrement du cours des mat 1 éres, basé sur la spéculation , et ça continue. Les bensaouds ont vu des territoires vastes dénudés où avec quelques dollars on pouvait s'acheter des arpents de terre 100 fois supérieurs à ceux dans lesquelles ils vivent, une recolonisation teintée d'islam et de salafisme pervers, l'occident a laissé la termite s'incrustrer et quand elle a réaliser le pourrissement de l'ébéne, elle a voulu réagir, je soupçonne ces territoires de regorger de matieres fossiles, mais d'un autre côté la termite s'est invitée chez eux en Europe et une partie de poker menteur fera que le moment venu, on s'accusera mutuellement d'avidité.

Jaber Kamel

13 h 59, le 28 février 2013

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Commentaires (2)

  • Soundiata Keita est le père fondateur du Mali, peuple fier et érudit , réduit par la colonisation à un pays mendiant vivant d'aumone des organisations internationales. Les touaregs qui vivaient du commerce principalement du sel entre tous les pays avoisinnants se sont vus du jour au lendemain sevrés de ce commerce qu'ils ont remplacé par divers trafic de cigarettes aussi bien que d'armes et de drogue, il faut survivre à l'image des planteurs sud americains qui faisaient moins de recette qu'en cultivant la coca ou le chanvre indien. L'occident a sa part de responsabilité dans l'effondrement du cours des mat 1 éres, basé sur la spéculation , et ça continue. Les bensaouds ont vu des territoires vastes dénudés où avec quelques dollars on pouvait s'acheter des arpents de terre 100 fois supérieurs à ceux dans lesquelles ils vivent, une recolonisation teintée d'islam et de salafisme pervers, l'occident a laissé la termite s'incrustrer et quand elle a réaliser le pourrissement de l'ébéne, elle a voulu réagir, je soupçonne ces territoires de regorger de matieres fossiles, mais d'un autre côté la termite s'est invitée chez eux en Europe et une partie de poker menteur fera que le moment venu, on s'accusera mutuellement d'avidité.

    Jaber Kamel

    13 h 59, le 28 février 2013

  • et tout cela financer par le qatar

    Talaat Dominique

    02 h 46, le 28 février 2013

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