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Moyen Orient et Monde - Le point

L’autre « printemps »

Heureux Koweït où les crises ne sont que politiques dans un monde secoué ces temps-ci par des tempêtes écofinancières qui menacent de tout emporter sur leur passage ! On conviendra toutefois que de probables élections législatives, les secondes en six mois et les cinquièmes en six ans, plus un nouveau gouvernement, le neuvième depuis 2006, sept cabinets démissionnaires, enfin une agitation qui commence à gagner la rue, cela fait beaucoup trop de petites secousses annonciatrices peut-être d’une crise dont on ne mesure pas encore l’ampleur qu’elle pourrait prendre.
Mardi, des milliers de personnes se sont rassemblées sur la place Erada « pour dire non à l’ancien Parlement, dont les membres étaient corrompus ». La raison de cette ire populaire : il y a huit jours, la Cour constitutionnelle rétablissait l’Assemblée dissoute après avoir invalidé la Chambre élue en février, dominée par l’opposition islamiste et qui, prenant au sérieux son rôle de contrôleur des faits et gestes de l’exécutif, prétendait exiger des comptes, forçant du coup à la démission le ministre du Travail et des Affaires sociales, Ahmad el-Rajib, et son collègue des Finances, Moustapha al-Chemali. Il était temps pour les deux hommes de remettre leur tablier : plus de 30 députés sur les cinquante qui constituent l’autorité législative s’apprêtaient à voter la destitution de ce dernier. De plus,onze heures durant, il avait eu à répondre à un feu roulant de questions sur les agissements d’une Caisse de fonds relevant de son département, accusée d’opérations douteuses avec une firme soupçonnée, elle, de violer l’embargo imposé à l’Iran.
Un nouveau scrutin devrait être organisé, probablement après le mois de ramadan, mais il est devenu évident qu’il ne saurait déboucher sur un règlement de la crise. Trente-cinq membres de l’opposition ont rejeté la décision de dissoudre le Parlement prise par un organisme, la Cour constitutionnelle, qui a outrepassé ses compétences, ont-ils jugé, en intervenant dans des questions d’ordre politique. Pour compliquer encore plus la situation, le gouvernement a dû se résoudre à remettre à l’émir sa démission.
Les protestataires pavoisent, jugeant « ouverte la voie vers l’instauration d’une monarchie constitutionnelle et d’un système pleinement parlementaire ». Ce faisant, ils ne font qu’adopter, une première, la principale revendication des jeunes activistes, impatients de secouer le cocotier. Dans une harangue passionnée prononcée devant les manifestants réunis mardi, l’un des adversaires les plus acharnés du régime, Moussallam al-Barrak, a appelé les autorités à « dissoudre le Parlement de 2009 », l’un de ses collègues, l’islamiste Fayçal al-Mouslim, se chargeant d’annoncer un accord sur une plate-forme commune favorable à « un vaste mouvement de réformes constitutionnelles et législatives ». Un autre député, Obeid al-Wasmi, a plaidé, lui, pour un système en vertu duquel le gouvernement serait élu, et non plus désigné.
Dans les rangs des partisans du pouvoir, on juge que tout cela n’augure rien de bon. Le « printemps arabe », dit-on, a accéléré une dynamique déjà perceptible l’an dernier, devenue depuis irréversible. En 2011, rappelle-t-on, le pays avait été secoué par une série de manifestations pour exiger le renvoi du Premier ministre, cheikh Nasser al-Mohammad al-Sabah, un neveu de l’émir (83 ans). Certains relativisent, jugeant qu’il n’y a rien de nouveau dans la tension présente et que l’agitation finira par se tasser. Les complications, soutient-on dans ces mêmes milieux, proviennent du fait qu’en l’absence de partis politiques, les blocs en présence obéissent à des motivations d’ordre confessionnel ou tribal.
Depuis février dernier, date à laquelle a débuté le bras de fer entre les deux camps en présence, tous les projets de règlement ont achoppé sur des points de détail comme la répartition des maroquins, les opposants s’en voyant proposer quatre quand ils en réclamaient neuf. Après la poussée islamiste qui a marqué la vie politique ces derniers mois, il est probable que l’on s’achemine vers un dialogue plus mesuré dans le ton, portant sur des thèmes d’ordre pratique comme la lutte contre la corruption, principale revendication des opposants, ou encore une modernisation du système en place.
En attendant, un gigantesque chantier économique se trouve bloqué par l’instabilité rampante. Des crédits de l’ordre de 30 milliards de dinars (107 milliards de dollars) sont prévus à cette fin, qui devraient attirer un flot de capitaux étrangers et permettre d’initier un train de rénovations des infrastructures en place.
Heureux, vraiment, les Koweïtiens ?
Heureux Koweït où les crises ne sont que politiques dans un monde secoué ces temps-ci par des tempêtes écofinancières qui menacent de tout emporter sur leur passage ! On conviendra toutefois que de probables élections législatives, les secondes en six mois et les cinquièmes en six ans, plus un nouveau gouvernement, le neuvième depuis 2006, sept cabinets démissionnaires,...

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