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Moyen Orient et Monde - Tribune

Sauver les Syriens

De jeunes réfugiés syriens, à leur arrivée dans la Bekaa, au Liban. Joseph Eid/AFP

Malgré l’aval tardif donné par le Conseil de sécurité à la mission de l’envoyé spécial de l’ONU Kofi Annan en Syrie, il y a peu de chances de voir le président syrien Bachar el-Assad coopérer de manière sérieuse et durable et les appels en faveur d’une intervention militaire extérieure se multiplient.

 

Alors que la crise syrienne empire de jour en jour, les partisans d’une intervention armée évoquent à la fois les conséquences tragiques de l’inaction au Rwanda et en Bosnie dans les années 1990, et le succès de l’action internationale en Libye l’an dernier. Les propositions d’intervention couvrent un large éventail, de la création de zone d’exclusion aérienne, d’une zone-tampon, d’une zone d’interdiction de tuer, de zones protégées et de couloirs humanitaires – à l’approvisionnement en armes de l’Armée syrienne libre pour l’aider à combattre le régime Assad.

 

D’autres défendent l’idée d’une invasion pure et simple pour le renverser. Mais la question cruciale pour ceux qui pensent que la communauté internationale a le devoir de mettre fin aux massacres de civils n’est pas seulement de savoir si ces options sont viables, mais également de savoir si elles feront plus de bien que de mal.


À l’heure actuelle, aucune intervention militaire n’a de chance d’emporter l’adhésion du Conseil de sécurité, toujours paralysé par les critiques émises à l’encontre de l’OTAN, qui aurait largement dépassé son mandat de protection des populations en Libye. La seule option militaire ayant jusqu’à présent bénéficié d’un appui international – semble-t-il de la part des pays du Golfe sunnites voisins de la Syrie – est d’armer les forces d’opposition.

 

Cela étant, si une forme ou une autre d’intervention militaire coercitive est la voie à suivre en Syrie, cette cause doit être défendue avec passion et consistance. Mais s’agit-il vraiment d’une situation appelant à la force armée ?

 

Selon le concept de la responsabilité de protéger (R2P) adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies en 2005, une action militaire coercitive pour mettre fin à des atrocités ne se justifie que si les voies pacifiques – de la persuasion diplomatique aux sanctions et menaces de poursuites pénales – échouent. Il est clair que la situation en Syrie a atteint ce seuil. Mais envisager une intervention militaire ne signifie pas nécessairement l’approuver.

 

Tant des considérations éthiques qu’une prudence élémentaire demande que plusieurs critères soient remplis avant d’approuver l’utilisation de la force. Aucune ligne directrice de la sorte n’a encore été formellement établie par le Conseil de sécurité ou par l’Assemblée générale, mais cinq critères ont émergé du débat sur la responsabilité de protéger au cours de la dernière décennie.


Le premier critère est celui des risques potentiels encourus par les civils : la menace est-elle d’une ampleur et d’une nature qui justifient de prime abord le recours à la force ? Avec plus de 9 000 morts et un nombre de victimes qui ne cesse de s’alourdir chaque jour, ce critère semble très certainement avoir été rempli, même si les violences ne sont plus autant qu’au début le fait d’une seule partie.


Le deuxième critère, plus subjectif et difficile à appliquer – et donc non décisif à lui seul – est de savoir si le premier objectif d’une intervention militaire est d’éliminer ou de prévenir les menaces pesant sur la population civile. Le soutien enthousiaste manifesté par certains pays du Golfe pour une intervention en Syrie laisse à penser qu’un autre motif le sous-tend : un sentiment anti-iranien et prosunnite.


Troisièmement se pose la question du dernier ressort : toutes les options non militaires ont-elle été envisagées et jugées peu concluantes ? La question doit encore être tranchée, et le sera sans doute sous peu. Malgré les espoirs, il est peu probable que les talents de négociateur de Kofi Annan parviendront à dénouer la crise syrienne, même avec le soutien actuel du Conseil de sécurité, comme cela avait été le cas à la suite de l’élection présidentielle très tendue de 2008 au Kenya. Et rares sont ceux qui croient que les sanctions ou d’autres pressions entameront la détermination d’Assad à écraser ses opposants.


Le quatrième critère concerne les moyens proportionnels : l’échelle, la durée et l’intensité d’une intervention militaire planifiée correspondent-elles au minimum nécessaire pour permettre d’atteindre l’objectif de protection humaine tel que défini ? Ce point a été l’un des aspects les plus controversés de l’intervention en Libye. Le problème de la plupart des solutions minimalistes d’intervention – la création de zones-tampons, par exemple – est que dans le contexte syrien, une guerre à grande échelle sera sans doute nécessaire pour les imposer. Le minimum risque de se transformer en maximum.


Le dernier critère, et le plus important, d’une intervention est l’équilibre des conséquences : l’intervention militaire fera-t-elle plus de bien que de mal ? C’est à ce stade que la position favorable à une intervention militaire en Syrie rencontre le plus de difficultés.


Toute militarisation accrue de la Syrie risque de transformer ce qui est déjà une guerre civile en devenir en une guerre majeure, avec un nombre de victimes bien plus élevé. Les forces armées syriennes et les milices gouvernementales sont fortes et bien équipées et résisteront férocement. Les clivages sectaires en Syrie sont profonds et la communauté internationale n’a qu’une confiance limitée dans la cohésion de l’opposition syrienne et dans son respect de la démocratie et des droits de l’homme. Un conflit dans ce pays pourrait enflammer toute la région. Et compte tenu de la division de la Ligue arabe sur cette question, toute intervention occidentale ne pourra être qu’une source d’irritation dans le monde islamique en général. Étant donné que toutes les options militaires semblent être contre-productives, la médiation politique de Kofi Annan est la seule chance d’empêcher le plongeon de la Syrie dans le chaos le plus total.

 

Les prémisses sous-entendus de sa mission sont que suffisamment de dignitaires du régime pourront être convaincus de changer de camp, avec des sauf-conduits en nombre suffisant pour les membres les plus controversés du régime, pour que la situation puisse être stabilisée et des réformes entreprises. Mais il faudra pour ce faire que la Russie use de son influence de manière bien plus constructive qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent. Ce n’est qu’un mince espoir pour le peuple syrien, mais c’est malheureusement le seul.

© Project Syndicate, 2012.
Traduit de l’anglais par Julia Gallin

Malgré l’aval tardif donné par le Conseil de sécurité à la mission de l’envoyé spécial de l’ONU Kofi Annan en Syrie, il y a peu de chances de voir le président syrien Bachar el-Assad coopérer de manière sérieuse et durable et les appels en faveur d’une intervention militaire extérieure se multiplient.
 
Alors que la crise syrienne empire de jour en jour, les...

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