Ce qui s’est produit mercredi à Meerab est bel et bien une tentative d’assassinat du président des Forces libanaises, Samir Geagea, par des parties bien entraînées et spécialisées, qui ont planifié et exécuté cette opération dans l’objectif d’en finir une bonne fois pour toutes avec un symbole du 14 Mars dont l’envergure commence à dépasser le cadre national. Le dernier meeting du BIEL à l’occasion de la commémoration de la dissolution du parti, durant lequel des personnalités égyptienne, libyenne, syrienne et tunisienne ont pris la parole pour rendre hommage au combat mené par Samir Geagea depuis son incarcération en 1994, a en effet transformé le chef des FL en leader arabe. Le parti est ressorti de cet événement avec une dimension régionale, sans pour autant renier ses fondements libanistes : une véritable gageure.
Certes, le directoire des FL a décidé d’attendre les résultats de l’enquête et prendre cette affaire avec beaucoup de calme, pour ne pas semer un climat d’effroi dans le pays. La réaction de Meerab est venue dépassionnée, sereine, dans l’objectif de ne pas exacerber les sentiments et les tensions sur la scène chrétienne et nationale.
Mais les faits sont parlants : la scène libanaise est envahie aussi bien par des forces extrémistes que par des parties qui œuvrent pour le compte de puissances étrangères. L’assassinat de Samir Geagea aurait constitué, dans ce cadre, un message supplémentaire pour museler la scène interne et terroriser l’opposition.
Le ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, avait déjà mis en garde contre les répercussions internes du discours de certaines parties qui tentent de lier le Liban aux développements en Syrie. Le ministre Charbel avait appelé toutes les parties à calmer le jeu et à penser d’abord à la stabilité du Liban, afin d’immuniser la scène interne contre les événements qui se produisent dans la région. Il avait vanté les mérites de la politique de mise à l’écart (à l’égard de la crise syriennne) initiée par le Premier ministre, appelant les partis politiques à respecter cette position par crainte que le maelström syrien ne finisse par toucher le pays. Le ministre de l’Intérieur s’en est par ailleurs pris à ceux qui, aux Télécoms, refusent de livrer les données requises aux forces de sécurité, surtout à cette étape. Marwan Charbel estime en effet qu’il s’agit là d’une question vitale pour le maintien de la stabilité et que la politisation de ces données téléphoniques précieuses est inexcusable.
Pour le 14 Mars, en essayant d’assassiner Geagea, on a voulu se débarrasser d’un poids lourd devenu gênant, et, en même temps, certaines parties locales cherchent à transformer le Liban en déversoir régional pour détourner les regards internationaux et locaux de ce qui se produit en Syrie. Un député de l’opposition estime ainsi qu’un succès de cette tentative d’assassinat aurait modifié l’ensemble de la donne aux dépens du 14 Mars. L’opposition est en effet plus que jamais dans la ligne de mire des assassins : Saad Hariri se trouve à Paris pour des raisons de sécurité, et les signaux qui prouvent que les attentats sont de retour sur la scène libanaise se multiplient, malgré la présence et l’action du Tribunal spécial pour le Liban.
Pourquoi Samir Geagea ? Tout simplement parce que le leader des FL a transfiguré son parti en quelques années. Le dernier meeting du BIEL est venu couronner une dynamique initiée depuis 2005, qui donne désormais aux FL une dimension régionale, assurant la jonction entre la révolution du Cèdre et le printemps arabe.
Des voix au sein de la majorité cherchent à replacer l’affaire dans le contexte des prochaines élections législatives, en laissant entendre qu’il y a une tentative de manipulation de la part des FL en vue de susciter un vent d’empathie en sa faveur qui lui permettrait de remporter la prochaine consultation de 2013. Mais l’opposition soutient de son côté qu’il y a beaucoup plus que des considérations purement locales dans l’attentat manqué contre Samir Geagea.
Une certitude, cependant : l’exécuteur a pris son temps et a agi avec un sentiment d’impunité totale. Il a ainsi visité la région à plusieurs reprises, observé le QG du leader des FL et mis en application son stratagème. Le tout s’est joué à quelques secondes près. Ce qui incite l’opposition à remettre sur le tapis la question des données téléphoniques que le ministre des Télécoms refuse systématiquement de livrer aux enquêteurs. Pourquoi la fameuse centrale de surveillance qui avait autrefois donné lieu à toute une polémique, et qui est censée être sous le contrôle du ministère de l’Intérieur, ne livre pas les données aux services de sécurité ? Et est-ce vraiment le ministère de l’Intérieur qui contrôle cette chambre de surveillance, équipée du matériel nécessaire pour se livrer aux écoutes téléphoniques, notamment en ce qui concerne le téléphone cellulaire ?
commentaires (7)
lol, Jabbour... 4 ou 5 députés ? vous vivez encore en 2005 ? le bloc parlementaire des Forces libanaises détient 8 députés : 3 à Zahlé. 2 à Becharré. 1 au Koura. 1 au Batroun et 1 au Chouf.
Élie Khoueiry
13 h 36, le 06 avril 2012