Rechercher
Rechercher

Liban - Archéologie urbaine

Le paléolithique moyen, clou des découvertes archéologiques en 2011

Beyrouth, théâtre de nombreux chantiers de construction donnant accès à des opérations de fouilles archéologiques, est un véritable feuilleté historique. À chaque coup de pioche, Perses, Hellènes, Romains et Byzantins émergent de leur long sommeil. Le Neandertal a même fini par se raconter en cette année 2011.

Le cimetière omeyyade posé sur le terrain « Landmark », où sera érigé le mégacomplexe dessiné par Jean Nouvel.

L’année 2011 a apporté sa moisson de découvertes archéologiques. Ainsi, dans le cadre des opérations de fouilles de sauvetage menées sur un chantier d’infrastructure, rue Béchara el-Khoury, des outils préhistoriques – silex taillés en forme de burin, de racloir et de couteaux – ont été recueillis au sein même du niveau paléolithique moyen, une période de la préhistoire qui a débuté autour de 300 000 ans avant J.-C. et s’est achevée autour de 30 000 ans avec la disparition de l’homme de Neandertal et l’arrivée des Homo sapiens.
« Cette découverte, la première du genre dans cette partie de Beyrouth, va permettre d’étudier et de comprendre la relation entre l’homme et son environnement à cette phase de l’histoire », souligne l’archéologue Assaad Seif, responsable à la Direction générale des antiquités (DGA). Et de rappeler que le secteur du Palais de justice (Adlieh) avait livré il y a quelques années des vestiges d’habitations de l’âge du bronze ancien ; et qu’une collection de microlithes datant du kebarien géométrique (17 350 à 14 650 avant notre ère) et du natoufien, utilisée par les chasseurs-cueilleurs pour tailler les os des cervidés, avait été retrouvée sur le chantier du campus de l’innovation et du sport, rue de Damas.
Par ailleurs, Assaad Seif signale que l’énigme de la muraille datée de l’époque romaine découverte sur le bien-fonds 1 056 secteur Saïfi (à proximité du restaurant George) n’a pas été résolue. La construction pourrait laisser penser que la cité hellénistique a connu une extension à l’époque romaine, mais aucun document historique ne mentionne cette installation, affirme l’archéologue avant d’ajouter que les experts planchent toujours sur le sujet.
Secteur Medawar, les fouilles effectuées sur une surface de 6 000 m² dans le sous-sol de l’ancien parking de l’école Sainte-Famille ont mis au jour les structures d’un bâtiment doté d’entrepôts, typique des constructions romaines en zone agricole, et de bassins sans doute destinés à contenir une provision d’eau pour irriguer le domaine. Sur le même terrain, mais du côté de la rue Gouraud cette fois, les archéologues ont relevé les indices matériels de la présence de tombes, dont aucune n’a été préservée complètement. Car « à l’époque byzantine, explique Assaad Seif, des zones entières ont été rasées horizontalement pour le projet d’extension de la ville ; et sous les Ottomans, on creusait dans les couches archéologiques pour récupérer les pierres qui servaient aux nouvelles constructions, et le marbre pour en faire de la chaux ». Le spécialiste rappelle que la rue Gouraud, qui avait dans le passé révélé de nombreuses tombes, s’inscrit dans la continuité géographique de la nécropole romaine qui s’étend de Gemmayzé à Zokak el-Blat, en passant par Rmeil, Mar Mitr, Saint-Nicolas, Furn el-Hayek, la rue Ghandour el-Saad, la rue du Liban, SNA, sans oublier Akkaoui où sur le site de l’ancien parking de l’immeuble Sofil, une cité des morts s’étalant sur plus de trois mille mètres carrés a été exhumée. Les caveaux creusés dans la paroi rocheuse et scellés avec des murs de pierre ont dévoilé des « loculis » ou chambres funéraires renfermant chacune un sarcophage en terre cuite, en plomb ou en pierre. Aujourd’hui, dans la deuxième tranche de ce bien-fonds appartenant à l’entrepreneur Jamil Ibrahim, la DGA continue ses travaux de fouilles, mettant au jour des vestiges d’habitations datant du quatrième millénaire.

Perses, Hellènes, Romains et Byzantins dévoilent leurs dessous
Côté place Riad el-Solh, l’exploration par l’équipe de Christine Matar du sol du « Landmark » – un terrain d’une superficie de 7 600 m² sur lequel sera érigé le mégabâtiment de l’architecte français Jean Nouvel – avait abouti à la découverte d’un mur romain de 17 mètres de long, six mètres de haut et huit mètres d’épaisseur. La prospection géophysique par résistivité a démontré que la structure du mur dépassait le périmètre du site fouillé pour se prolonger sous la statue de Riad el-Solh, vers le bâtiment de l’Escwa. On ne sait pas encore si l’ouvrage fait partie d’une muraille ou s’il appartient à un grand bâtiment. Sa datation, de la première moitié du Ier siècle après J.-C., correspond à la période de la pax romana, une ère de relative tranquillité pendant laquelle l’empire n’a connu ni guerre civile majeure ni invasion. « Par conséquent, la plupart des villes et des métropoles romaines n’ont pas érigé des murs de fortification », fait observer Assaad Seif. Il préfère toutefois attendre les résultats des travaux des spécialistes pour proposer une explication scientifique solide. Le « Landmark » a d’autre part livré le fragment d’un buste en marbre (15 cm), portant l’inscription du nom du philosophe grec Isocrate, et une soixantaine de tombes byzantines et omeyyades, des structures de bâtiments mamelouks, ainsi qu’une route tracée à l’époque byzantine
et utilisée jusqu’à l’époque
mamelouke...
Par ailleurs, les interventions menées sur le bien-fonds 1 474 secteur du port (sous la direction des archéologues Fady Beayno et Georges al-Haïb) ont dévoilé une remarquable stratigraphie allant de l’époque perse jusqu’à la fin de l’époque byzantine et ont permis, selon le responsable à la DGA, « d’étudier d’une manière précise l’extension préclassique de Beyrouth ». L’époque perse a notamment livré un ouvrage de fortification à la forme carrée, posé au bout d’un mur qui longe le glacis du tell. Celle hellénistique a révélé les traces d’une extension extra-muros et à ce niveau une habitation détruite par un incendie a été mise au jour. L’espace laissé à l’abandon a été ensuite réinvesti à l’époque romaine par un complexe industriel, doté de nombreux bassins et fours qui ont connu plusieurs phases de réaménagement. La forme et la disposition de ces fours, ainsi que l’analyse des résidus trouvés au fond des bassins, laissent supposer qu’il s’agit d’ateliers pour la teinture des textiles. À l’époque byzantine, la structure industrielle cède la place à une villa de deux étages, composée de plusieurs chambres dallées de mosaïques. Divers matériaux, notamment des jarres en bronze et des lampes à huile gravées de croix, y ont été découverts. La construction a été détruite par un incendie et les charpentes à moitié calcinées. Les décombres des étages écroulés ont été retrouvés in situ. Les lieux n’ont pas été nettoyés, ni réoccupés, mais totalement abandonnés après le sinistre. Quant à la séquence qui a suivi l’époque byzantine, elle a été entièrement effacée par les bulldozers mis en mouvement, selon Assaad Seif, pour raser les bâtiments des années cinquante. Cette parcelle de 1 100 m², qui représente le continuum naturel du tell, noyau de l’antique cité de Beyrouth, est traversée par la route phénicienne qui reliait la cité au port antique, situé d’après les archéologues Christophe Morhange et Mountaha Saghié-Beydoun en bas de la rue Allenby-Foch (étude parue dans Baal II, hors-série 2005, éditée par le ministère de la Culture et la Direction générale des antiquités).
Quant aux ruines de la forteresse croisée de Beyrouth, elles s’affichent rue d’Argentine (bloc 94, secteur du port, parallèle à la rue Foch) où l’équipe archéologique de l’Université libanaise dirigée par Lucia Cheikho a mené les fouilles. Érigée en pierres de grès de sable ou pierres calcaires, elle était délimitée à l’Est par le tell, au nord par un mur de glacis en pente et à découvert, et à l’Ouest par une rivière ou talweg, qui se jetait dans la mer. On distingue toujours les pierres charriées, il y a des siècles, par ce cours d’eau ainsi que la nappe d’eau qui s’est formée indiquant que la source n’a pas totalement tari. Quelques indices, dont les traces d’une herse (grille de fer coulissant de haut en bas), suggèrent qu’un pont-levis enjambait la rivière. Abritant deux tours dont l’une dresse encore avec majesté un mur de 15 mètres de haut, la citadelle est entourée d’une double muraille. Son enceinte intérieure est constituée de murs à casemate et les murs extérieurs ont six mètres d’épaisseur. Les archéologues ont d’autre part identifié une salle fortifiée dont les murs en blocs de pierre alternent avec des fûts de colonnes en boutisse, datés de l’époque romaine tardive. Cette salle a révélé des traces d’incendie, indices de combats ou de destruction. L’architecture militaire en ce lieu n’est pas due au hasard. « Autrefois, le front de mer était ici », assure Assaad Seif, indiquant les encoches (toujours visibles) créées dans la roche par l’effet des vagues. La citadelle, qui s’était posée sur un promontoire rocheux, dominait la mer et offrait un poste d’observation stratégique. Plus tard, afin d’installer un nouveau système portuaire, tout ce front marin a été asséché et remblayé par les Ottomans. Des structures de cette époque, dont les soubassements d’une caserne ou Echlé, y sont encore visibles.
L’année 2011 a apporté sa moisson de découvertes archéologiques. Ainsi, dans le cadre des opérations de fouilles de sauvetage menées sur un chantier d’infrastructure, rue Béchara el-Khoury, des outils préhistoriques – silex taillés en forme de burin, de racloir et de couteaux – ont été recueillis au sein même du niveau paléolithique moyen, une période de la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut