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Lifestyle - Tradition

Les danseuses aux roseaux, otages d’un roi contesté

L'opposition dénonce "un défouloir pour les pauvres à l'opposé d'un vrai processus pour trouver des solutions aux questions de fond".

De jeunes Swazies dénudées, se préparent à aller danser pour le roi, le 2 septembre 2012. AFP / CLAUDINE RENAUD

La danse des roseaux ou "Umhlanga" à laquelle participaient lundi des dizaines de milliers de jeunes Swazies à la beauté très dénudée est l'une des traditions africaines les plus vivantes, mais aujourd'hui otage d'un roi contesté.

 

Pendant de longues heures, les chants à répons qui accompagnent les danses ont résonné à la résidence royale de Ludzidzini, point d'orgue de ces festivités annuelles qui ont captivé l'imagination, et qui ont choqué aussi par l'habitude prise par sa majesté Mswati III jusqu'en 2004 de se choisir une nouvelle épouse (il en a 13 au total) parmi ces jeunes vierges aux seins nus.

 

Acheminées par camions entiers, elles seraient plus de 60.000 cette année, selon les autorités qui ont tendance à gonfler les chiffres.

 

L'"umhlanga" connaît son pendant masculin à la pleine lune de décembre, où c'est au tour des jeunes hommes du royaume de chanter les louanges du roi.

 

Si le succès est assuré dans un petit pays d'un million d'habitants offrant peu de distraction et où le folklore tient lieu de drapeau national, le charme de cette liturgie commence à être rompu sous l'effet de la crise politique et économique.

 

"J'avais l'habitude d'y aller quand j'étais ado. J'aimais être au camp, loin de la maison avec presque toutes les filles de chez moi, et le jour de la danse, j'étais au premier rang, toute cette attention, j'aimais ça", raconte à l'AFP Khosi, qui fuit désormais toute publicité et ne veut pas être identifiable.

 

Cette étudiante de 24 ans a commencé à voir les choses d'un autre oeil en fréquentant l'université, mesurant la difficulté d'obtenir une bourse ou de suivre des cours à horaires réguliers.

"L'Umhlanga exprime notre loyauté au roi et je me suis dit, pourquoi devrais-je servir le roi? Même aujourd'hui, il est muet sur la crise de l'enseignement", dit-elle.

 

La défaillance des services publics dans ce petit paradis des traditions affecte tous les domaines selon elle : "On ne trouve presque rien à l'hôpital, même pas des antibiotiques de base, du sirop pour la toux, ou un anti-venin pour les piqûres de serpent en zone rurale".

Le système de santé publique est pourtant crucial dans un pays à la pauvreté élevée, et où 26% de la population est infectée par le virus HIV, un record.

 

"Mais les gens ne font pas le lien entre les problèmes et le système politique", soupire Khosi, que ses grands-parents s'inquiètent de savoir dans les manifestations qui secouent le royaume depuis 2011. Elle a déjà passé plusieurs heures dans un commissariat en avril 2011.

 

"La danse prend de l'ampleur chaque année. Le roi s'en sert pour montrer le soutien de la population et faire passer les progressistes pour des fous", dit-elle.

 

Au palais royal, une vieille Swazie de 79 ans, Bulunga, confirme qu'elle n'a jamais vu une telle nuée de fillettes et de jeunes filles, du bébé de trois ans à la trentenaire: "Du temps de Sobhuza II (le père du roi, ndlr) on n'était pas si nombreuses".

 

L'ambiance est festive. Les jours précédents la danse, les routes des environs offre le spectacle de ces femmes et enfants s'en revenant de la coupe des roseaux destinés à l'origine de la tradition à rendre hommage à la reine-mère et à l'entretien de ses propriétés.

 

Thelumusa Hlophe, 18 ans, est ravie: "Je me suis fait de nouvelles amies", dit-elle, confiant qu'elle "adore le roi" et est fière" de danser le sein nu, tout en réajustant pudiquement l'"umgaco", l'écharpe à pompoms de laine rouge, jaune et bleu lui ceignant la poitrine et signe, souligne-t-elle, de sa "virginité".

 

Le parti d'opposition Pudemo (interdit) a dénoncé "un défouloir pour les pauvres à l'opposé d'un vrai processus pour trouver des solutions aux questions de fond" dans un communiqué.

 

Mais s'attaquer à la danse des roseaux pour critiquer le roi et l'absence de multipartisme, c'est peine perdue, explique un père de famille, Simphiwe Mngometulu, 35 ans. "Si on pense qu'on va résoudre la crise économique en interdisant à sa fille d'aller à la danse des roseaux, ça ne peut pas marcher", dit-il.

"Mais ils ne devraient pas justifier leurs errements avec la tradition", ajoute-t-il, en dénonçant le clientélisme familial du roi. "Ils utilisent la tradition pour qu'on ne pose pas de question car dans notre tradition, c'est mal de mettre en question".

 

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