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Lifestyle - Photographie

Josef Koudelka, atypique

André Breton l’avait surnommé l’œil sauvage. Josef Koudelka, membre de Magnum photos et l’un des plus grands photographes vivants, a surtout l’œil curieux, inspiré et libre. Grâce à l’initiative commune de l’Institut français du Liban et de l’École supérieure des affaires, ses aficionados ont pu le rencontrer et assister à la projection de trois séries de ses photos. Moment d’échanges et de bonheur...

Josef Koudelka, un grand photographe à l’ESA. Photo Houssam Mchaiemch

18 heures vingt. À quelques instants du rendez-vous fixé, Josef Koudelka n’est toujours pas arrivé à l’auditorium de l’École supérieure des affaires. Petite inquiétude... L’homme, débarqué au Liban un peu plus tôt dans la journée, aurait-il décidé de ne plus venir?


Koudelka, on le sait, n’aime pas les interviews. Les longs discours qui expliquent et qui vendent. Ses photos sont ses meilleurs ambassadeurs et, pour lui, les réponses à toutes les questions, nombreuses, que tentent de lui poser les journalistes du monde entier. Il sera tout de même à l’heure pour la projection de quelques-uns de ses clichés les plus célèbres et acceptera de répondre à certaines questions dans un français approximatif.


Josef Koudelka est un OVNI sur la planète terre et la planète photo. Éternel voyageur qui n’a jamais prémédité ses escales, ses décisions, ses photos, et même son succès, l’homme aux cheveux blancs hirsutes, à la barbe blanche, a déposé ses seuls bagages, des appareils photo, au Liban pour un mois. Il n’y était plus venu depuis 1991. Après avoir parcouru dix pays du pourtour méditerranéen, il revient pour poursuivre son travail photographique sur les sites archéologiques grecs et romains, qui feront partie d’une grande exposition «Vestiges», dans le cadre de Marseille-Provence, Capitale européenne de la culture en 2013. «Moi, dit-il, j’arrive dans un pays dont je ne veux rien savoir. Je préfère marcher seul, découvrir, réagir. Je n’essaye pas de comprendre les choses. Pour moi, le véritable bonheur est de me réveiller, de sortir, d’aller regarder. Regarder tout.»

 

 

Liban. Beyrouth - 1991 ©Josef Koudelka/ Magnum photos

 


Nomade
Né dans un village de Moravie en 1938, ce solitaire bohême démarre la photo tout en poursuivant ses études en aéronautique à l’Université technique de Prague. «J’ai travaillé 7 ans dans ce domaine. J’ai adoré les avions comme j’adore la photo. J’ai oublié une grande partie des choses apprises, mais j’ai conservé la méthode, un système de pensée, un équilibre qui se ressent dans mon travail.»


Joueur de violon et d’accordéon, il décide de photographier des Gitans. Il les suit, partage leur quotidien en Tchécoslovaquie, en Roumanie, en Hongrie, en Espagne et en France. «Je n’arrivais pas à m’arrêter. Il se passait quelque chose. J’aimais leur musique, les paysages qui les entouraient. J’aimais leurs visages...» De 1965 à 1970, il collabore au théâtre Za Branou de Prague en photographiant les représentations, mais surtout, ce qui l’intéresse, «les comédiens comme dans la vie, entre pénombre et lumière.»


Le véritable déclic se produira en 1968, lors du printemps de Prague. Durant dix jours, Koudelka prendra des photos des chars soviétiques, des décombres d’une ville envahie et de ses compatriotes terrifiés. Ses clichés parviennent en secret à l’agence Magnum qui les publie sans mentionner son nom, de peur des représailles. Il deviendra «le photographe praguois anonyme», lauréat l’année suivante du prix Robert Capa. «La guerre ne m’intéresse pas. Pourquoi, tu penses, demande-t-il, que j’ai réussi ces photos? C’était mon pays, ça me concernait directement. Je les ai prises pour moi-même.» En 1970, il quitte son pays, part se
réfugier en Angleterre, et devient membre de l’agence Magnum. En 1980, il s’installe en France où il sera naturalisé en 1987. Il se lie d’amitié avec Henri-Cartier Bresson, Robert Delpire, et poursuit sa quête de lieux et de rencontres. Koudelka a remporté plusieurs prix importants, dont le prix Nadar (1978), le Grand prix national de la Photographie (1989), le Grand prix Cartier-Bresson (1991) et le prix international de photographie de la Fondation Hasselblad (1992).

 

Son travail a fait l’objet d’expositions importantes au musée d’Art moderne et à l’International Center of Photography à New York, ainsi qu’à la Hayward Gallery (Londres), au Stedelijk Museum d’Amsterdam et au palais de Tokyo à Paris. Et de quatre publications: Les Gitans: la fin du voyage (1975), qui a obtenu le prix Nadar en 1978, Exils (1988), Chaos (1999) et Invasion Prague 68 (2008). Le ministère français de la Culture l’a fait chevalier de l’ordre des Arts et Lettres en 1992.

Échange
L’auditorium de l’ESA est plein d’individus qui connaissaient tous l’essentiel de la vie et de l’œuvre de Koudelka. Pas de présentations ni d’introduction de la part de l’hôte encore silencieux... Le photographe est là, assis au premier rang, presque impatient de démarrer une projection qui décrirait en images son propre parcours. Sous les titres «Invasion», «Gitans» et «Chaos», les trois thèmes principaux de son travail défilent sur un grand écran, accompagnés d’une musique appropriée. Ambiance. Les clichés sont exclusivement en noir et blanc. «J’ai essayé une fois la couleur, précisera-t-il plus tard. Je venais d’intégrer l’agence Magnum qui m’avait demandé de prendre des photos couleurs en Espagne. Je ne l’ai plus jamais refait. Techniquement, l’émotion du noir et blanc me correspond plus.»

 

Émotion, c’est sans doute le mot qui convient le mieux à la motivation et au travail de Josef Koudelka. Longtemps saisis en panoramique, les visages sont tendus vers l’objectif, formidablement bien cadrés. Que ce soit l’«Invasion de Prague» et ses clichés mythiques, «Les Gitans», magnifiques portraits de groupe, de couples, d’enfants, imprégnés de cette musique particulière. Ou enfin «Chaos», un chaos de paysages démolis et usés. Désastres de guerres dans différents pays dont le Liban de 1991, superbement bien organisés dans de rigoureux clichés panoramiques. L’horizontalité des lignes et leur surprenante verticalité les transforment en de sublimes paysages graphiques et abstraits.


«La seule chose qui m’intéresse, c’est de faire des photos, continuer et ne pas me répéter. Aller plus loin et essayer de voir où sont mes limites.»
«Ça va? C’est fini?» conclut-il, soulagé. Et le voilà reparti.

18 heures vingt. À quelques instants du rendez-vous fixé, Josef Koudelka n’est toujours pas arrivé à l’auditorium de l’École supérieure des affaires. Petite inquiétude... L’homme, débarqué au Liban un peu plus tôt dans la journée, aurait-il décidé de ne plus venir?
Koudelka, on le sait, n’aime pas les interviews. Les longs discours qui expliquent et qui vendent....

commentaires (1)

Le Liban un pays dont je ne veux rien savoir , mais plutôt découvrir moi-même , bonne impression pour un géant en photographie. Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

08 h 06, le 02 avril 2012

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Commentaires (1)

  • Le Liban un pays dont je ne veux rien savoir , mais plutôt découvrir moi-même , bonne impression pour un géant en photographie. Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    08 h 06, le 02 avril 2012

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