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Culture - Festival al-Bustan

Solennité et splendeur du «Requiem» de Verdi

Jamais l’église Saint-Joseph (USJ) ne fut plus bel écrin pour la musique sacrée. Dans le cadre des annexions du Festival al-Bustan, le « Requiem » de Verdi, en grande pompe, sombre et ardent, a retenti sous des voûtes illuminées, dans toute sa solennité et sa splendeur.

L’orchestre de Tbilissi et les chœurs libanais en pleine action.

Pour deux soirées (les samedi 23 et lundi 25 mars), le chant-hommage de Verdi à Manzoni, poète italien hugolien pour l’unité nationale, et à Rossini, orchestrateur de génie qui a croqué la vie à belles dents, a déployé le faste de sa partition à travers l’un des plus flamboyants Requiem de tous les temps.
On pense bien sûr à Palestrina, Cimarosa, Cherubini, Mozart, Brahms, Fauré et Dvorak, entre autres compositeurs, où l’homme, aux ultimes instants de la vie, se prépare à affronter le regard et l’index de Dieu... Châtiments et récompenses dans un au-delà inéluctable. Images sonores qui n’ont peut-être de correspondants visuels que les fresques de Michel-Ange de la chapelle Sixtine...
Palette d’émotions qui varie selon les êtres et les époques, et qu’on retrouve ici dans une version somptueuse avec quatre solistes, un chœur de plus de quatre-vingt personnes, un orchestre composé de plus de soixante exécutants et un maestro.
Verdi, qui fut plus mystique que pointilleux, pratiquant des rites de l’église, opère un vol plané en plein ciel et lâche, en grandes nappes sonores, éthérées et violentes, une sensibilité exacerbée, une piété proche, dans sa ferveur exaltée, de l’inspiration lyrique la plus raffinée, la plus bouleversante. Une musique qui secoue et donne de l’espérance aux cœurs les plus endormis.
Le compositeur de La Traviata et de Don Carlos se tient sur le qui-vive, tendu et attentif, au bord des précipices et de la terreur du jugement dernier.
Avec tout l’attirail d’un art lyrique qui entre en trombe dans une messe des morts aux allures d’un opéra croulant sous l’amplitude des effets vocaux et les ors d’une théâtralité à grands cris et chuchotis dans le lobe de l’oreille...On devrait jeter aux orties l’ironie et l’esprit de langue vipérine de Hans von Bûlow et se contenter d’une image littéraire quand il a dit, en parlant du Requiem de Verdi: «C’est un opéra en robe d’ecclésiastique...»

Contrastes marqués
Une armée de thuyas en pots, s’incrustant au paysage comme des forêts profondes surgies de nulle part, dans un fluide éclairage verdâtre, garde la nef centrale et celles latérales. Sous leurs flammes vacillantes, en une ceinture de lumière, des bougies à même le parapet ornent le pourtour surplombant l’autel et cernant le lieu de culte.
En guise de ligne de séparation, entre l’espace où l’Orchestre de Tbilissi a pris place, sous la baguette du maestro Gianluca Marciano (particulièrement inspiré et efficace pour cet opus de Verdi!), et les premiers bancs de l’auditoire, une haie d’hortensias multicolores serrés comme une infranchissable rangée de troènes.
Plongés dans des habits noirs sont les chœurs du Conservatoire national, ainsi que ceux des Universités antonine et Notre-Dame de Louaizé. En face du pupitre du chef de l’orchestre, les solistes Christina Nassif et Joyce el-Khoury (deux sopranes qui se partagent la vedette pour deux soirs différents), Nino Surguladze, mezzo soprane, Dario Schmunk, ténor, et Michele Bianchini, basse.
Premières mesures, dans une emphase maîtrisée, comme pour un majestueux lever de rideau de scène. Tons annonciateurs, graves, prudents et feutrés, à peine audibles. Pianissimos à l’étouffée, tenus en sourdine comme une friable poudre de papillons que le moindre geste pulvérise.
Souffle d’une impalpable douceur et délicatesse, réduisant quatre-vingt poumons en un soupir à peine exhalé. Sans jamais perdre de vue l’attente et l’inquiétude fébriles pour un moment de débâcle, d’apocalypse, de verdict, de
libération.
Et se suivent en force, après l’Introit et Kyrie, en des contrastes marqués, d’une beauté et d’une force à couper le souffle, les prières, crainte, demande de pardon, de miséricorde et de repos.
Des pages aux vents à la fois orageux et paisibles. Des pages d’une vision romantique échevelées incluant ce Dies Iraes (Jour de colère) aux sonorités effrayantes pour un monde qui tremble quand les tombes s’ouvrent, les cimetières mugissent, les dalles funéraires se fissurent, le ciel se déchire, les caveaux livrent leurs morts... L’apocalypse est au bout de ces phrases tonnantes lâchées comme des cerbères féroces échappés à la garde et surveillance du Très-Haut.
Un «Sanctus» file rapidement à la pointe des croches et des notes, comme une météorite que nul n’attrape, lumineux comme un rayon de soleil après le passage d’une tornade dévastatrice.
Les solistes, en des registres divers, assument cette part d’un chant lyrique aux contours d’arias teintées de toutes les émotivités, des multiples facettes et contradictions humaines. Accessits de prestation remarquée pour Joyce el-Khoury, soprane, et Michele Bianchini, basse. Elle pour son timbre puissant, sa voix limpide et ductile (son Libera me final est pure merveille d’émotion contenue). Lui pour ses modulations caverneuses, ses éructations hagardes et syncopées.
En prime aussi, un bravo pour le chœur, cœur battant du requiem, dirigé de main de maître par les pères Toufic Maatouk et Khalil Rahmé.
Pour ces «fortissimos» assourdissants, assez puissants pour faire voler vitraux et dômes d’église, comme réveillant les portes et brasiers des géhennes devant l’injustice et le manque d’humanité, Verdi a choisi non seulement le souffle gigantesque et coléreux des choristes, mais aussi les clairons des trompettes, appel sans pitié contre les turpitudes et les consciences molles et dévoyées.
Des «fortissimos» tempétueux, avec un «tuba mirum» cédant devant la mort, toujours un rapt, la perte des nerfs, l’angoisse et le tremblement des êtres sous un tonitruant tonnerre des percussions et des cuivres.
Sur fond de roulement de tambour, de résonance de la grande caisse, de chœur aux voix qui s’éteignent comme des chandelles épuisées, résignées à rendre l’âme quand le corps les a abandonnées, les dernières notes meurent lentement decrescendo. Comme un rideau qui tombe, comme des vagues qui se retirent, comme une kyrielle de grains de poussière qui s’agglutinent. Pour se tasser en une masse abritant pénombre, solitude, acceptation, réconciliation avec soi et les autres. Sous le trône et la mansuétude de Dieu, les dés sont jetés. La voix est à l’éternel silence...
Pour deux soirées (les samedi 23 et lundi 25 mars), le chant-hommage de Verdi à Manzoni, poète italien hugolien pour l’unité nationale, et à Rossini, orchestrateur de génie qui a croqué la vie à belles dents, a déployé le faste de sa partition à travers l’un des plus flamboyants Requiem de tous les temps. On pense bien sûr à Palestrina, Cimarosa, Cherubini, Mozart,...

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