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Culture - Musique

L’Orchestre philharmonique libanais à l’heure polonaise

Rendez-vous avec le charme et les sortilèges de la musique polonaise à l’église Saint-Joseph (USJ). Sous la baguette de Jerzy Salwarowski et l’archet du soliste Bartosz Bryla, l’inspiration du pays de Chopin a déversé tempêtes et échappées belles sur les fidèles mélomanes des vendredis soir.

Le maestro Jerzy Salwarowski et le soliste Bartosz Bryla ont offert un moment musical d’exception.  Photo Ibrahim Tawil

Placé sous les auspices de l’ambassade de Pologne à Beyrouth, le concert donné par l’Orchestre philharmonique libanais a fait résonner des œuvres d’une grande richesse sonore avec, en pointe de la houlette de maestro Jerzy Salwarowski, des pages de Winiawski, Karlowicz et, touche locale dans la programmation, une partition de notre feu compatriote Georges Baz.
La barbe et les cheveux blancs comme neige, la corpulence impressionnante, le frac couvrant bedon et effleurant le pupitre, Jerzy Salwarowski, cracovien de souche, entame la frémissante Esquisses (initialement écrite pour piano, mais qu’on écoute ici dans sa version orchestrale) de George Baz.
Sept pièces brèves, d’un lyrisme « debussyste », où se succèdent des tableaux vivaces aux nuances impressionnistes. Évocation en notes luisantes d’un voyage heureux, resté dans le cœur et la mémoire comme un rai de lumière. À l’image de ce musicien, délicat et d’une délicieuse courtoisie qui s’asseyait toujours modestement et avec recueillement dans cette même salle, aux dernières rangées, les mélodies, fluides et scintillantes, serpentent au cœur de l’auditeur comme une eau vive et chantante. Une giclée d’onde qui se fraye facilement un chemin aux bordures verdoyantes, sur une terre accueillante.
Touchant hommage pour un musicien, doublé d’un homme de la Banque centrale, disparu doucement l’été dernier à 86 ans, suite à une douloureuse maladie. Et qui disait, en toute simplicité et conviction : « Quand on fait silence en soi, on entend toute la musique du monde. »
Et souffle brusquement, après cette ouverture pleine de fraîcheur, de couleurs et de sensibilité, dédiée à la musique de l’un des enfants du pays du Cèdre, les vents de l’équinoxe. Un vent emporté et caressant, à la fois bourrasque et zéphyr. Et on nomme bien entendu ce fastueux et éminemment romantique Concerto n2 en ré mineur pour orchestre et violon de Henryk Wieniawski.
Trois mouvements (Allegro moderato, Romance : andante non troppo et allegro con fuoco-allegro moderato) habitent cette partition ensorcelante. Surtout pour les lignes réservées aux trémolos et rubatto du violon... Virtuose dès son jeune âge pour manier les cordes d’un archet et faire dégorger au violon toute sa captivante magie, Wieniawski a été sacré, à juste titre, comme le Chopin du violon.
Pour cet impétueux romantisme «paganinien» (et Sarasate n’a pas été insensible à cette éblouissante partition), tout le talent du soliste Bartosz Bryla, lauréat du « Concours Wieniawski » et « chairman » depuis 2007 de la société Wieniawski à Poznan.
Jeune violoniste, vêtu tout de noir avec une large ceinture en soie sur la taille, parfaitement à l’aise dans ces cadences accélérées et ces harmonies en cascade, il a donné un souffle magnétique et ébouriffant à cette œuvre d’une beauté envoûtante, à la célérité parfois déconcertante. Avec, dans une tonalité apaisée, cette vibrante « romance » d’une transparence de voile, d’une poésie absolument diaphane.
Après ces pages d’un lyrisme dissolvant, un des sommets de l’inspiration polonaise, comme pour une continuation d’esprit de narration chargée de rêveries, de passion et d’un sentiment nationaliste, voilà les poèmes symphoniques Les Chants éternels de Mieczyslaw Karlowicz.
Issu d’une famille de lettrés dont le salon à Varsovie a groupé l’élite intellectuelle de l’époque, Karlowicz (tout comme Wieniawski) a eu très vite le violon comme premier et indéfectible compagnon. Il savait en jouer avec maestria et brio.
Somptueux poèmes postromantiques où se mêlent en grandes vagues tonnantes ou subtils nuages de passage des envolées qui rappellent les accents de Scriabine, Mahler ou Sibelius. Fastueuses images sonores mêlant méditation, contemplation, description pour un univers oscillant entre spiritualité et philosophie sans rien renier des troublantes exigences de la chair. Sans nul doute ce sont là des réminiscences des études de sciences et de philosophie entreprises entre Varsovie et Berlin.
Une œuvre d’une grande tenue sonore et au modernisme décapant. Avec des éclats d’un romantisme sombre et enfiévré. Une belle révélation pour l’auditoire qui découvre là un moment musical polonais d’exception...

E.D.
Placé sous les auspices de l’ambassade de Pologne à Beyrouth, le concert donné par l’Orchestre philharmonique libanais a fait résonner des œuvres d’une grande richesse sonore avec, en pointe de la houlette de maestro Jerzy Salwarowski, des pages de Winiawski, Karlowicz et, touche locale dans la programmation, une partition de notre feu compatriote Georges Baz. La barbe et les cheveux...
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