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Culture - Correspondance

La caméra portable, nouveau matériau des postmodernistes

Quand la bande à Bonnard, Vuillard, Valloton et Rivière se doublaient d’amateurs photographes, celui qui impose sa vision n’est pas celui que l’on croit. Révélation de leurs chambres noires

«À la plage»: en tirage photo (à gauche) et sur chevalet (ci-dessus).

WASHINGTON, d’Irène MOSALLI

Sur l’affiche annonçant l’exposition intitulée «Instantanées: les peintres et la photographie, de Bonnard à Vuillard», on voit, se jouxtant, un cliché en noir et blanc d’une jeune personne enroulée dans un large kimono et étendue sur un sofa, et sa réplique à l’huile. Tous deux sont signés George Hendrik Breitner. «Il ne faut surtout pas en déduire que l’artiste a utilisé le premier pour réaliser sa toile», souligne la responsable de cette exposition dont le but est, en fait, l’exploration de la manière dont les professionnels du visuel que sont les peintres ont interprété un médium nouveau pour eux, à l’époque: la caméra portative. En 1888, cette caméra a dynamisé les méthodes de travail et la créativité de plusieurs peintres postmodernistes, notamment les adhérents au nabi, ce mouvement qui, au tournant du siècle dernier, annonce et préfigure les recherches contemporaines de l’Art nouveau.
L’exposition donne à voir 200 photographies et 70 œuvres picturales (huiles, gravures et dessins) dues à Pierre Bonnard, Maurice Denis, Édouard Vuillard, Félix Vallotton, Henri Rivière, George Hendrik Breitner et Henri Evenepoel. Ceux-ci ont été fascinés par cet appareil photo, libellé Kodak, que venait de mette entre toutes les mains, en 1888, l’industriel américain George Eastman. Ils l’ont d’abord utilisé pour capter des moments de leur vie intime, en famille ou entre amis. Il leur arrivait de retranscrire leurs photos en tableaux, mais la plupart du temps, ils se servaient de l’objectif pour l’explorer comme nouveau médium. Faisant des photos avec l’œil d’un peintre. Et ces artistes amoureux de cette nouvelle technologie ont pris des centaines et des centaines de clichés dont certains sont montrés pour la première fois dans le cadre de l’exposition de la Phillips Collection. Le slogan de Kodak était ainsi formulé: «Vous pressez le bouton et nous faisons le reste». Les postmodernistes ont fait plus que presser le bouton, s’engageant, l’œil bien ouvert, dans le monde moderne.

L’œil du peintre dans celui de la caméra
Ces artistes de grand renom n’ont donc pas hésité à jouer les amateurs photographes, essayant tous les modèles d’appareils disponibles, dont certains sont exposés là : la Kodak Bull’s Eye, la Kodak Pocket, et la Folding Pocket Kodak.
La perfection technique n’était pas leur ambition suprême. S’ils ont pris plusieurs photos d’un même sujet, c’était pour étudier certains effets. Ils étaient intéressés d’enregistrer des moments spontanés, de capter le mouvement, d’examiner la lumière, braquant leur objectif sur des événements publics ou privés, selon leur propre perspective. Breitner a consacré plus de 3 000 négatifs et gravures aux rues d’Amsterdam, de Rotterdam, Londres et Paris. Ses photos de la tour Eifel, en pleine construction, sont de très belles compositions de silhouettes
dramatiques.
L’album de Maurice Denis est des plus intimistes, donnant à voir des images de son épouse et leurs sept enfants. Bonnard, de son côté, multiplie les instantanés de sa maîtresse nue, autant d’«études» pour l’illustration d’un ouvrage. Quant aux films de Vuillard, ils déroulent pour leur part le quotidien de sa mère et ses amis.
Ce dialogue, qui avait été établi au début du siècle dernier entre les pinceaux et une nouvelle technique visuelle, a commencé à être reconstitué en 1980 quand la responsable de l’exposition a découvert la riche collection des photos faites par Vuillard. Déterminée à révéler ce moyen d’expression inattendu chez ce groupe d’artistes, elle a collaboré avec les responsables des musées Van Gogh, d’Orsay et de l’Indianapolis pour reconstituer ce processus créatif. Dans l’œil de la caméra, elle a retrouvé ainsi... celui du peintre.
WASHINGTON, d’Irène MOSALLI Sur l’affiche annonçant l’exposition intitulée «Instantanées: les peintres et la photographie, de Bonnard à Vuillard», on voit, se jouxtant, un cliché en noir et blanc d’une jeune personne enroulée dans un large kimono et étendue sur un sofa, et sa réplique à l’huile. Tous deux sont signés George Hendrik Breitner. «Il ne faut surtout pas en...

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