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Économie - Reportage

« Si je ne peux pas payer, je vais où ? Sous un pont pour mourir ? »

Les retraités espagnols paient un lourd tribut au fiasco bancaire.

Chaque semaine, ils sont des dizaines à se rassembler dans le centre de Madrid, devant Caja Madrid, l’une des caisses d’épargne dont la fusion en 2010 a donné naissance au géant bancaire espagnol Bankia. Sergio Perez/Reuters

« Quelle honte ! Le gouvernement sait que Bankia escroque les retraités » : malgré ses 70 ans, Antonio Rodriguez manifeste chaque jeudi à Madrid, victime des « preferentes », ces titres risqués vendus en masse à des retraités qui y ont englouti leurs économies. « En 2009, j’ai acheté pour 72 000 euros de ces titres. Notre banquier nous avait promis 7 % d’intérêt avec un produit sûr. S’il nous avait dit qu’on risquait de tout perdre, nous n’aurions jamais signé », témoigne ce retraité.
Comme lui, ils sont des dizaines à se rassembler chaque semaine dans le centre de Madrid, devant Caja Madrid, l’une des caisses d’épargne dont la fusion en 2010 a donné naissance au géant bancaire espagnol Bankia. Tous fustigent la vente massive de ces « preferentes », ou « participations préférentielles », et d’autres produits complexes par les banques et caisses d’épargne en mal de liquidités.
Cette pratique s’est répandue après l’explosion en 2008 de la bulle immobilière. Frappées par la crise, plusieurs banques espagnoles ont eu recours à la vente de ces titres, offrant une rémunération confortable, pour gonfler leurs fonds propres. De nombreux petits épargnants se sont alors retrouvés piégés, ne pouvant récupérer leur placement comme ils l’espéraient.
« Les banquiers avaient besoin de prendre l’argent où il était, auprès des vieux qui épargnent plus », s’emporte Antonio Baraona Ortiz, 75 ans. « Je travaillais la nuit. Nous avons quatre enfants. Nous avons fait beaucoup de sacrifices pour épargner 68 000 euros et ils nous ont tout volé », lâche-t-il. Tous disent avoir fait confiance à leur banquier. « Nous sommes des clients de toujours. J’ai placé 52 000 euros », regrette Puri Cano, une préretraitée de 56 ans.
Près d’un million de familles se sont retrouvées, souvent sans le savoir, détentrices de quelque 30 milliards d’euros de ces titres, affirme l’Adicae, une association de défense des petits actionnaires. « Aucun autre pays d’Europe n’a vendu de participations préférentielles à des petits épargnants. La pression du lobby bancaire est énorme en Espagne », dénonce Fernando Herrero, son porte-parole.
Selon les chiffres officiels, 22 milliards d’euros de « participations préférentielles » étaient aux mains de petits porteurs en mai 2011, émis par des banques dont certaines ont frôlé la faillite. Or, la valeur de ces titres a fondu avec la crise. D’autant que le sauvetage européen de plus de 40 milliards d’euros accordé en 2012 aux banques espagnoles en difficulté a imposé de lourdes pertes à leurs détenteurs pour ne pas allonger la facture du contribuable européen. Si la conversion des titres toxiques des banques nationalisées en actions d’une valeur quasi nulle (0,01 euro) évoquée dans la presse se confirme, leurs porteurs auront presque tout perdu, sauf à attendre une hypothétique remontée du titre en Bourse.
Les associations ont reçu des milliers de plaintes de petits porteurs, dont quelques-uns ont déjà obtenu gain de cause devant la justice. Pour les autres, le défenseur du peuple, chargé de superviser l’administration mais sans moyen coercitif, recommande, dans un rapport publié le 14 mars, « un arbitrage universel pour toutes les banques secourues » par l’argent public, dont Bankia qui a reçu 22,5 milliards d’euros d’aide. Cet arbitrage permettrait de réduire les pertes des épargnants en trouvant un accord avec les banques. D’autant que « sur les 1 274 plaintes reçues » par le défenseur du peuple depuis 2011, « une majorité provient de personnes âgées », selon un porte-parole de cet organisme.
Pour l’heure, le gouvernement est contre. Luis de Guindos, le ministre de l’Économie, a seulement annoncé un arbitrage pour « les cas où a été démontrée une mauvaise pratique dans la commercialisation de ces produits, en particulier si l’acheteur n’était pas à même de comprendre ce qu’il achetait ».
En attendant, Nemecio Martin, un retraité de 70 ans, qui avait placé 42 000 euros pour payer sa maison de retraite, est désespéré : « Si je ne peux pas payer, je vais où ? Sous un pont pour mourir ? »
(Source : AFP)
« Quelle honte ! Le gouvernement sait que Bankia escroque les retraités » : malgré ses 70 ans, Antonio Rodriguez manifeste chaque jeudi à Madrid, victime des « preferentes », ces titres risqués vendus en masse à des retraités qui y ont englouti leurs économies. « En 2009, j’ai acheté pour 72 000 euros de ces titres. Notre banquier nous avait promis 7 %...

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