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Économie

L’amnésie allemande : un grave danger pour l’Europe

Par Joschka Fischer*

*Joschka Fischer, chef de file des Verts en Allemagne durant presque 20 ans, a été ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier allemand de 1998 à 2005.

La situation de l’Europe est grave, très grave. Qui aurait pu penser que le Premier ministre britannique David Cameron appelle les gouvernements de la zone euro à trouver le courage de créer une union budgétaire (avec un budget commun et une dette publique garantie conjointement) ? Cameron a également affirmé que seule une intégration politique plus poussée serait en mesure d’empêcher une disparition de l’euro. Un Premier ministre britannique conservateur ! La maison européenne est en flammes et Downing Street appelle à une réponse résolue et rationnelle des sapeurs-pompiers. Malheureusement, la brigade des sapeurs-pompiers est dirigée par l’Allemagne, avec à sa tête la chancelière Angela Merkel. L’Europe continue donc à tenter d’éteindre l’incendie avec de l’essence – l’austérité imposée par l’Allemagne – avec pour conséquence d’avoir transformé, en à peine trois ans, la crise financière de la zone euro en une crise existentielle européenne.
Ne nous faisons pas d’illusions : si l’euro venait à disparaître, l’Union européenne (la plus grande économie mondiale) disparaîtrait également, entraînant une crise économique mondiale d’une ampleur inédite pour la plupart des personnes vivant aujourd’hui. L’Europe est au bord du gouffre et ne manquera pas d’y tomber à moins que l’Allemagne – et la France – ne changent de direction. Les récentes élections en France et en Grèce, les élections municipales en Italie et la poursuite des manifestations en Espagne et en Irlande montrent que l’opinion publique ne croit plus aux strictes mesures d’austérité voulues par l’Allemagne. Le remède tuer pour guérir de Merkel est aujourd’hui confronté à la réalité – et à la démocratie. Nous constatons une fois de plus à nos dépens que ce genre d’austérité, appliqué en dépit d’une crise financière majeure, ne conduit qu’à la dépression. Cette idée devrait être de notoriété publique ; elle est après tout l’une des grandes leçons des politiques d’austérité du président américain Herbert Hoover et du chancelier allemand Heinrich Brüning de la République de Weimar dans les années 1930. Il semble hélas que l’Allemagne, qui devrait être le premier pays à s’en souvenir, ait oublié cette leçon. En conséquence, le chaos menace en Grèce, tout comme la possibilité de faillites bancaires en Espagne, en Italie et en France – soit une avalanche financière qui ensevelirait l’Europe. Et ensuite ? Devrons-nous faire une croix sur ce que plus de deux générations d’Européens ont créé – un énorme investissement dans la mise en place d’institutions qui a débouché sur la plus longue période de paix et de prospérité de l’histoire du continent ?
Une chose est sûre : l’abandon de l’euro et l’éclatement de l’Union européenne signifieraient la sortie de l’Europe de la scène mondiale. La politique actuelle de l’Allemagne est encore plus absurde à la lumière des conséquences politiques et économiques qu’elle devrait affronter dans ce cas de figure. Il revient à l’Allemagne et à la France, à Merkel et au président François Hollande, de décider quel sera l’avenir de notre continent. Le salut de l’Europe dépend aujourd’hui d’un changement radical de l’orientation économique de l’Allemagne, et de la position de la France concernant l’intégration politique et les réformes structurelles. La France devra cautionner une union politique : un gouvernement commun avec un contrôle parlementaire commun pour la zone euro. Les gouvernements nationaux de la zone euro agissent déjà de fait comme un gouvernement conjoint pour faire face à la crise. Ce qui est de plus en plus vrai en pratique doit être développé et formalisé. L’Allemagne devra de son côté accepter une union budgétaire. En fin de compte, cela revient à garantir la survie de la zone euro grâce aux moyens et à la puissance économiques de l’Allemagne : rachat illimité des obligations d’État des pays en difficulté par la Banque centrale européenne, l’européisation des dettes nationales par le biais d’euro-obligations, et des plans de croissance pour éviter une dépression dans la zone euro et encourager un redressement économique.
La réaction allemande à un tel programme est facile à imaginer : encore de la dette ! Perte de contrôle sur nos actifs ! Inflation ! Ce n’est pas possible ! Et pourtant, c’est possible : la croissance allemande, tirée par les exportations, repose précisément sur de tels programmes dans les pays émergents et les États-Unis. Si la Chine et les États-Unis n’avaient pas injecté de l’argent financé par la dette dans leurs économies à partir de 2009, l’économie allemande aurait connu de sérieuses difficultés. Les Allemands, qui ont le plus profité de l’intégration européenne, doivent aujourd’hui se demander s’ils sont prêts à en payer le prix ou s’ils préfèrent qu’elle soit vouée à l’échec. Au-delà d’une unification politique et budgétaire et les mesures de croissance à court terme, les Européens doivent rapidement mettre en œuvre des réformes structurelles visant à rétablir la compétitivité de l’Europe. Chacun de ces piliers est nécessaire pour que l’Europe parvienne à surmonter sa crise existentielle.
Nous Allemands, comprenons-nous notre responsabilité paneuropéenne ? Cela ne semble vraiment pas être le cas. En fait, l’Allemagne a rarement été aussi isolée qu’aujourd’hui. Quasiment personne ne comprend notre politique d’austérité dogmatique, qui va à l’encontre des expériences passées, et nous sommes considérés comme faisant fausse route ou comme étant franchement à contre-courant. Il n’est pas encore trop tard pour changer de direction, mais il ne reste aujourd’hui plus que quelques jours, quelques semaines, ou tout au plus quelques mois pour ce faire, pas des années. L’Allemagne s’est détruite elle-même – et l’ordre européen – deux fois au cours de XXe siècle, mais a su ensuite convaincre l’Occident qu’elle avait tiré les leçons de ses erreurs passées. Ce n’est que de cette manière – reflétée de la façon la plus vive par son adhésion au projet européen – que l’Allemagne a obtenu un consentement à sa réunification. Il serait à la fois tragique et ironique qu’une Allemagne unifiée provoque la ruine, par des moyens pacifiques et les meilleures intentions du monde, de l’ordre européen pour la troisième fois.

Traduit de l’anglais par Julia Gallin
© Project Syndicate-Institute for Human Sciences, 2012.
La situation de l’Europe est grave, très grave. Qui aurait pu penser que le Premier ministre britannique David Cameron appelle les gouvernements de la zone euro à trouver le courage de créer une union budgétaire (avec un budget commun et une dette publique garantie conjointement) ? Cameron a également affirmé que seule une intégration politique plus poussée serait en mesure...

commentaires (7)

Christian, là où tu pèches, mon ami, c'est que tu crois que les emprunteurs aux banques ont emprunté 5 fois leur capitaux. Eh bien le jeu ne s'est pas arrêté là. Les banque qui te disais : tu investis 1 million tu peux jouer ( car c'était du casino ) 5 millions. En deux mots, si les actions ou autres produits financiers, supposés être des investissements chutaient de 20pct, tu perdais ton argent. Or, une banque qui avait reçu pour (jeux) investissements 1 milliard avait acheté pour 5 auprès des émetteurs de ces faux financements, la différence de son propre argent ( ou celui de ses clients bien sûr ), mais elle ne s'arrêtait pas là avec les 5 milliards la banque ( jouait ) investissait 5 fois plus ( 1 x 5 ) 25 milliards. Les 20 milliards étaient des ( bulles en l'air ) de l'argent non existant que sur du papier écrit tout simplement. L'OR d'aujourd'hui. D'pù toutes les banques et les companies financières ( puff ! ) ont bâti une énorme BULLE d'AIR, qui n'était même pas de l'air frais. Or, après la crise, ils ont continué dans ce chemin, à moindres ouvertures... Le second BOOM est là ! Le GRAND BOOM ( bulles en l'air ) viendra de la Chine !

SAKR LEBNAN

09 h 49, le 01 juin 2012

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Commentaires (7)

  • Christian, là où tu pèches, mon ami, c'est que tu crois que les emprunteurs aux banques ont emprunté 5 fois leur capitaux. Eh bien le jeu ne s'est pas arrêté là. Les banque qui te disais : tu investis 1 million tu peux jouer ( car c'était du casino ) 5 millions. En deux mots, si les actions ou autres produits financiers, supposés être des investissements chutaient de 20pct, tu perdais ton argent. Or, une banque qui avait reçu pour (jeux) investissements 1 milliard avait acheté pour 5 auprès des émetteurs de ces faux financements, la différence de son propre argent ( ou celui de ses clients bien sûr ), mais elle ne s'arrêtait pas là avec les 5 milliards la banque ( jouait ) investissait 5 fois plus ( 1 x 5 ) 25 milliards. Les 20 milliards étaient des ( bulles en l'air ) de l'argent non existant que sur du papier écrit tout simplement. L'OR d'aujourd'hui. D'pù toutes les banques et les companies financières ( puff ! ) ont bâti une énorme BULLE d'AIR, qui n'était même pas de l'air frais. Or, après la crise, ils ont continué dans ce chemin, à moindres ouvertures... Le second BOOM est là ! Le GRAND BOOM ( bulles en l'air ) viendra de la Chine !

    SAKR LEBNAN

    09 h 49, le 01 juin 2012

  • Mon cher Sakr...d'abord,tu ne parles que des actions,et de la spéculation sur les matières premières..;mais ce n'est pas auusi simple que tu le décris..;exemple(l'un des premiers,en fait,et le plus gros à l'époque),la faillite de Ornge County,en Californie avec le "nettoyage"... du fond correspondant.Ce Comté investit donc lourdement en bourse en empruntant Xfois le montant des fonds dont il bénéficiait au départ...bien enetendu,il se plante,et bienenetendu,ilne peut pas payer les appels de marge,et bien entendu,il est léssivé...par les banques qui lui ont pr^té de quoi investir...mais ces banques ont elles "perdu" l'argent en question,eh bien nom très cher,que nenni...d'abord,parceque elles ont "récupéré" la totalité des titres de Orange county,et ensuite,parcequ'elles étaient assurées,elle,sue la différence éventuelle(qui en l'occurence était minime)...les pensionnaires de ornge county ont tout perdu...les banques se sont enrichies...cqfd

    GEDEON Christian

    08 h 20, le 01 juin 2012

  • Cher Christian, ne sois pas toujours obsédé pour savoir où est passé le pognon, car seulement pognon il n'y avait pas dans toutes ces transactions spéculatives, de l'air vide... C'est comme les prix surévalués des actions et des obligations, et partant des actifs illusoires des banques, comme des sociétés, qui ont mené aux crises. Tiens, l'or qu'on achète à la spéculation aussi. Crois-tu qu'il y a tant d'or dans les stocks de tous les etats du monde, et même mines comprises, que le millions de carats vendus aux imbéciles ? Il n'y en a pas. Le pognon, de quel genre qu'il était, ou qu'il soit, s'était et s'est tout simplement volatilisé, sans laisser de vapeur ou de trace.

    SAKR LEBNAN

    07 h 51, le 01 juin 2012

  • L’arrimage à une Europe, conforte en l'occurrence la géographie. Ce n'est plus Francfort et Paris qui, carrefour où s'entrecroisent ses sensibilités et ses intérêts, ont vocation d'en devenir le cœur, c'est ces deux pays ensemble qui confirmeront leur statut de plaque tournante d'où rayonnera vers le Sud, le Benelux, les pays scandinaves, l’Europe orientale, la Grèce et au-delà, ses libertés culturelles et politiques, et ses réseaux d’infrastructures et d’industries dignes d’un XXIème siècle ! Passage obligé des idées et des marchandises de cette Europe, ces deux Phares doivent, maintenant que l’Allemagne est pacifiée sur le plan militaire et constitutionnel, se mobiliser dans cette perspective. Ils sont en situation de préfigurer ce qui sera demain le challenge européen : substituer au cadre national, la vitalité de pays revigorés et ces prodigieuses européennes virtualités ! Encore faut-il qu’ils en soient conscients. Leur penchant, à ces Francs et à ces Germains, n'est pas la précipitation mais le funeste atermoiement. Alors que ça urge, ils ne sont capables que de se mettre d'accord sur Rien ! En cette période où les cabris sont légion, qui "crient Désunion !", il est pertinent d'exiger d’eux qu'un usage, même modeste, d’un Volontarisme accompagne leurs immodestes professions de foi en l’Air ! Et, par là même, prouver qu’ils peuvent avoir la politique d’un Véritable Européanisme digne de cet Avenir.

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    04 h 08, le 01 juin 2012

  • C'est marrant,une fois de plus...parceque personne,non personne ne pose la vraie question...mais où est passé le pognon?Parceque pognon,il y a!mais où est il ,ce pognon?Baè...khtafa?!Mais pas pour tout le monde,n'est ce pas?le hold up ultralibéral sur le monde ,les milliers de milliards des paradis fiscaux....ils sont bien là,non?ben ,il suffit d'aller les chercher....qu'on arrête de se moquer des peuples,et en les culpabilisant,en plus!

    GEDEON Christian

    03 h 40, le 01 juin 2012

  • Des réalités incontestables. Les première et seconde guerres mondiales, initiées par les Allemands, furent militaires, la troisième est économique. Les deux premières avaient détruit l'Europe, la troisième est entrain de la détruire.

    SAKR LEBNAN

    02 h 29, le 01 juin 2012

  • Si le titre évoque une amnésie, M. Fischer devrait aussi rappeler l'hyperinflation de l'époque de la République de Weimar, qui est passée de 60% en rythme annuel au début de 1921 à 122% pour le seul mois de janvier 1923. Article polémique d'un opposant au gouvernement Fédéral actuel qui ne fait que des propositions-souhaits vagues et politiques. Il aurait été plus intéressant si M. Fischer nous avait détaillé le mécanisme de la conjonction de réformes structurelles, (indispensables dans certains pays) avec des facilités de refinancement tel les euro-obligations pour sortir l'Europe de la crise par une croissance saine.

    Emile Antonios

    22 h 41, le 31 mai 2012

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