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Économie

Une option de dévaluation pour l’Europe méridionale

Par Emmanuel FARHI, Gita GOPINATH, et Oleg ITSKHOKI*

Cette année est susceptible de marquer une épreuve décisive pour l’avenir de l’euro. La survie de la zone euro exige une solution crédible à sa longue crise de la dette souveraine, qui exige à son tour de résoudre les deux déséquilibres macroéconomiques – externes et fiscaux – au cœur de cette crise.
La crise a révélé que des disparités profondes dans la compétitivité se sont développées dans la zone euro. De 1996 à 2010, les coûts unitaires de main-d’œuvre ont augmenté d’à peine 8 % en Allemagne et de 13 % en France. Comparez cela à 24 % au Portugal, à 35 % en Espagne, à 37 % en Italie et à un 59 % en Grèce, qui bat tous les autres pays à plate couture. Il en a résulté de grands déséquilibres commerciaux entre les pays de la zone euro, un problème compliqué par les grands déficits fiscaux et les niveaux élevés de dette publique en Europe méridionale (et France) – dus en grande partie aux créanciers étrangers.
La réduction de ces déséquilibres exige-t-elle une rupture avec la zone euro ? Supposez par exemple que le Portugal doive quitter l’euro et réintroduire l’escudo. La dévaluation du taux de change qui s’ensuivrait abaisserait immédiatement le prix des exportations du Portugal, augmenterait ses prix à l’importation, stimulerait l’économie et provoquerait la croissance si nécessaire. Mais une sortie de l’euro serait une affaire désordonnée. L’agitation qui en résulterait pourrait très bien battre tous les gains à court terme dans la compétitivité due à la dévaluation. Il y a une alternative remarquablement simple qui n’exige pas les économies préoccupées de l’Europe méridionale à abandonner l’euro ni à dévaluer leur taux de change. Elle implique d’augmenter la taxe sur la valeur ajoutée tout en réduisant les cotisations sociales. Notre recherche récente démontre qu’une telle « dévaluation fiscale » a des effets très semblables sur l’économie en termes d’impact sur le PIB, la consommation, l’emploi et l’inflation. Une dévaluation de la monnaie fonctionne en rendant les importations plus coûteuses et les exportations moins chères. Un échange TVA-cotisations sociales ferait exactement la même chose. Une augmentation de la TVA augmente le prix des marchandises importées, car les sociétés étrangères font face à des taxes plus élevées. Pour s’assurer que les sociétés nationales n’ont pas d’incitation à augmenter les prix, une augmentation de la TVA doit s’accompagner d’une réduction des cotisations sociales. D’ailleurs, puisque les exportations seront exemptées de TVA, le prix des exportations nationales chutera. Les effets désirés des effets de la compétitivité sur la dévaluation du taux de change peuvent être ainsi obtenus tout en restant dans l’euro.
Cette politique peut également aider sur le front fiscal. De même que pour une dévaluation de taux de change, l’impact positif sur la croissance d’une augmentation de la compétitivité peut renforcer la position fiscale en augmentant les recettes fiscales. D’ailleurs, un avantage important des dévaluations fiscales est qu’elles produisent des revenus additionnels, proportionnellement au déficit commercial du pays. Pour les pays qui souffrent d’une faible compétitivité et, par conséquent, de déficits commerciaux en cours, ceci signifie typiquement plus de revenus, spécialement à court terme.
Comme les dévaluations du taux de change, les dévaluations fiscales ont leurs gagnants et leurs perdants. Toutes les deux agissent comme des impôts sur la richesse : l’inflation signifie que les obligataires souffrent d’une vraie perte proportionnelle à leur richesse et à la taille de la dévaluation. Si des impôts sur le capital ne sont pas ajustés, les détenteurs d’obligations nationales subissent une perte comparable. En revanche, beaucoup de transferts, tels que ceux des allocations chômage, des prestations de maladie et des pensions publiques, sont indexés sur l’inflation et maintiennent ainsi leur valeur réelle. Il en va de même pour les salaires minima. Ces effets distributifs jouent un rôle important dans la politique de dévaluation du taux de change et la plupart de ces effets apparaissent aussi dans les dévaluations fiscales. Les dévaluations fiscales ont déjà quelques défenseurs. En effet, le gouvernement du président français Nicolas Sarkozy vient juste d’en annoncer une. Et les inconvénients d’une dévaluation fiscale entrant en conflit avec des règles de l’euro peuvent apparaître, en précisant simplement que le gouvernement de l’Allemagne en a effectué une en 2007, en lui donnant cependant un autre nom, quand il a augmenté la TVA de 16 à 19 % et réduit la part de contribution des employeurs à la Sécurité sociale, de 6,5 à 4,2 %.
En bref, il y a des solutions fiscales de rechange simples à la dévaluation du taux de change, qui peuvent résoudre les problèmes à court terme de la compétitivité de l’Europe méridionale. Ce qui est sûr, c’est que les dévaluations fiscales faisables seront limitées en taille. Mais avec la restructuration de la dette, la politique d’accompagnement monétaire, l’appui de liquidité de la Banque centrale européenne et les réformes structurales tant attendues, elles peuvent aider ces économies dans la gêne à reprendre une assise ferme sans dissolution de l’euro, ni une importante récession induite par l’austérité.

(*) Emmanuel Farhi est professeur de sciences économiques à l’Université de Harvard. Gita Gopinath est professeur de sciences économiques à l’Université de Harvard. Oleg Itskhoki est professeur de sciences économiques et des affaires internationales à l’Université de Princeton.
© Project Syndicate, 2012.
www.project-syndicate.org
Par Emmanuel FARHI, Gita GOPINATH, et Oleg ITSKHOKI* Cette année est susceptible de marquer une épreuve décisive pour l’avenir de l’euro. La survie de la zone euro exige une solution crédible à sa longue crise de la dette souveraine, qui exige à son tour de résoudre les deux déséquilibres macroéconomiques – externes et fiscaux – au cœur de cette crise.La crise a révélé que...

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