Pas plus que le 1er mai 2013, quand George W. Bush, atterrissant sur le pont du USS Abraham Lincoln, annonçait sous une bannière affichant prématurément : « Mission accomplished », soit la fin des opérations militaires en Irak, son successeur ne pourra revendiquer la réussite de son plan syrien. L’opération « Punir Bachar el-Assad » attend toujours son heure ; Washington, malgré une campagne digne d’un meilleur sort, n’est pas parvenue à convaincre et le Congrès et l’opinion publique; comble de l’ironie, le faucon russe fait aujourd’hui figure de colombe, à tout le moins de sauveur de la paix. Pas mal pour un Kremlin qui savoure les marrons tirés du feu, au risque de se brûler les doigts, par la Maison-Blanche.
Le 44e président US aura, nous dit-on, passé les dernières heures précédant sa harangue à ses « fellow Americans » à en modifier l’essence. Alors qu’il avait préparé un texte expliquant les raisons qui le poussaient à recourir aux Tomahawks pour faire entendre raison à Damas, il lui avait fallu passer brusquement de l’autre côté de la barrière et affirmer qu’il était prêt à donner sa chance à l’initiative du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov – lequel, il est utile de le rappeler, ne saurait être assez reconnaissant à son homologue américain John Kerry qui, la veille, avait avancé l’hypothèse d’un contrôle international de l’arsenal chimique syrien si l’on voulait éviter le recours à la manière forte. À cet égard, la hâte de Walid Moallem (mandé d’urgence dans la capitale russe), de l’onusien Ban Ki-moon, du Premier ministre britannique David Cameron à endosser la démarche russe en dit long sur le désir de la grande communauté internationale d’éloigner de ses lèvres le calice de la guerre.
Auparavant, reconnaissons-le, on avait passablement cafouillé sur les rives du Potomac. Alors que, pour le chef de la diplomatie, la frappe allait être « incroyablement minime » (« unbilievably small »), pour Obama il ne s’agirait nullement de « coups d’épingle » (« The US army doesn’t do pinpricks »). Et plus le langage se faisait belliciste, plus le « body language » semblait sévère et moins enclins étaient les Américains à laisser faire leurs dirigeants. Les sondages effectués quelques heures après le discours de mardi soir indiquent peu de changement bien que la donne, elle, ait, en l’espace de quelques heures, subi un profond bouleversement.
Un exemple de cette détermination à refuser de voir les boys aller au combat a été donné par Jason Chadffetz. Ce représentant républicain de l’Utah avait assisté tôt mardi à une réunion à la Maison-Blanche, tenue en présence du vice-président Joe Biden puis reçu un appel téléphonique en soirée de Denis McDonough, directeur du cabinet du président. Son tweet, au final, demeure un modèle d’éloquence dans sa brièveté : « C’est toujours non... »
On ne soulignera jamais assez combien il est difficile de se présenter en chef de guerre et, dans le même moment, de laisser la diplomatie suivre son cours. Combien aussi il est malaisé, par la seule magie du verbe, d’amener ses concitoyens à modifier leur opinion sur un thème aussi délicat que la guerre et la paix.
Si l’alchimie ne joue plus comme lors de la première campagne électorale, c’est surtout parce que le bon peuple d’Amérique ne voit plus aucun bénéfice à tirer de ces expéditions en terres lointaines ; peut-être aussi que le président a perdu la niaque ; et certainement parce qu’il n’est vraiment bon que dans les interventions qui lui permettent de se lancer dans d’interminables et fumeuses considérations quasi philosophiques : au Caire sur l’avenir des rapports avec le monde arabe ; à Oslo en recevant son Nobel de la paix ; à Philadelphia, ses réflexions sur la race (sans doute ce que la littérature politique yankee a produit de mieux).
Qu’un président doute, c’est déjà fort grave. Mais quand, avec lui, le monde entier s’interroge, inquiet de ne pouvoir trouver de réponses, c’est qu’il y a péril en la demeure.
commentaires (3)
Pas mal.... et + ou - "Objectif".
Antoine-Serge KARAMAOUN
13 h 26, le 12 septembre 2013