– « Je m’adresserai à lui (Obama) non pas en tant que mon collègue ou en tant que président des États-Unis, mais en sa qualité de Prix Nobel de la paix. » C’est Vladimir Poutine qui parlait ainsi, le 31 août dernier à Vladivostok, devant une horde de journalistes, au lendemain de la décision de Moscou d’accueillir Edward Snowden. Dans la capitale fédérale, on s’empresse de laisser entendre qu’un sommet à deux ne figure pas au programme, pour cause d’emploi du temps chargé.
Dire qu’entre ces deux hommes, que tout sépare, le courant n’est jamais passé constitue un aimable euphémisme. Quand le maître du Kremlin se dit prêt, dans l’affaire syrienne, « à agir le plus résolument et le plus sérieusement possible » à condition que les Occidentaux présentent au Conseil de sécurité des preuves « convaincantes » de l’emploi par les Syriens d’armes chimiques, tout le monde à Washington s’échine à décrypter ces propos, cherchant à déjouer le piège qu’ils peuvent cacher. Et quand l’occupant du Kremlin révèle avoir suspendu ses livraisons à Damas de batteries sol-air S300, un système de défense antiaérienne et antimissiles perfectionné, on ne veut voir là qu’une « reculade » motivée par les menaces à peine voilées émanant des faucons israéliens.
Vingt-cinq ans après la fin de la guerre froide et la brève lune de miel initiée par Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan, l’Amérique et la Russie sont entrées dans un nouveau cycle de tensions qui vont crescendo, attisées par une mutuelle détestation personnelle. Ainsi, lorsque Vladimir Vladimirovitch est réélu à la tête du pays, le 7 mai 2012, Barack Hussein lui fait parvenir un message de félicitations, mais avec quatre jours de retard. Un mois après, le sommet russo-américain prévu de longue date est annulé sur décision de Poutine, qui fait état d’un « calendrier chargé ».
Chez l’un, tout est dans le verbe et sa magie. Relisez son discours du Caire, ses adresses à la nation, ses bilans sur l’état de l’Union, ou encore la désormais célèbre anaphore « Yes we can ». Les commentateurs politiques américains ne s’y laissent plus prendre, qui de plus en plus souvent s’en gaussent à longueur de colonnes.
Chez l’autre par contre, tout est dans l’action, et quand il lui arrive de proférer une menace, chacun sait pertinemment qu’elle sera mise à exécution. Dès 2012, il affirmait : « Nul ne doit pouvoir recourir, dans le cas de la guerre syrienne, à un scénario à la libyenne. » Et quelques jours après avoir récupéré « sa » présidence, que Dmitri Medvedev avait sagement gardé chaude la place quatre ans durant, Poutine recevait Tom Donilon, conseiller du président américain pour les questions de sécurité, et débutait l’entretien, c’est le New York Times qui le révèle cette semaine, par cette question, posée à brûle-pourpoint : « Quand donc allez-vous commencer à bombarder la Syrie ? »
Les Vingt se retrouveront aujourd’hui à Saint-Pétersbourg où le chef de l’exécutif US doit rencontrer, en marge des travaux, ses homologues français et chinois ainsi que le Premier ministre japonais. Difficile d’imaginer que des entretiens avec le supertsar de toutes les Russies ne se tiendront pas, même s’ils ne figurent pas au programme de l’un et de l’autre. Difficile aussi de croire que l’on en restera à un bref mais poli échange, du genre : « How do you do? » américain – « Kak vach dila ? » russe. Ennemis à (presque) mort peut-être mais unis, au-delà de leur inimitié, par un même souci de donner la priorité à l’avenir économique. Et puis, aucun des deux n’est disposé, nonobstant ce qu’ils en disent, à mourir pour une Ghouta destinée à leur échapper, quelle que soit l’issue du conflit meurtrier en cours.
Maintenant que l’offensive de charme engagée en direction du Congrès paraît s’engager dans une direction favorable à la Maison-Blanche et où les premiers ralliements se confirment après le lâchage britannique, il reste à rendre publics les documents réunis par la Central Intelligence Agency pour justifier une frappe « chirurgicale », courte dans la durée, efficace et censée à la fois punir Bachar el-Assad et le dissuader de perpétrer de nouveaux crimes, comme on le répète depuis des jours.
Une entreprise qui ne présentera plus l’avantage de surprendre le régime baassiste. C’est Stendhal, et non pas Talleyrand, qui écrivait : « La parole a été donnée à l’homme pour cacher sa pensée. » Ouais, mais pas son (in)action, Monsieur Obama...
commentaires (5)
Un vrai de vrai Gnome et Nain, le KGBiste poutinien Post-byzantin et Extrême-sibérien....
Antoine-Serge KARAMAOUN
16 h 28, le 05 septembre 2013