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Culture - Livre

Quand Avignon reçoit « Racine par la racine »...

Jean Racine, le plus illustre versificateur de la langue française, a fait une entrée royale – noblesse oblige ! – à Avignon Off. À travers une œuvre théâtrale originale signée Serge Bourhis, intitulée « Racine par la racine ». Lecture pour redécouvrir un grand homme sous un jour inattendu.

Serge Bourhis.

Avant d’être un mince ouvrage entre les mains, jouant d’un mélange de citation, de répétition, d’analyse et d’interview, Racine par la racine (68 pages – côté scène – éditions art et comédie). de Serge Bourhis, metteur en scène et auteur dramatique, a fait les beaux soirs du théâtre Essaïon à Paris pour prendre ensuite un nouvel envol sur les planches d’Avignon Off.
Racine, loin des cours des lycées et des écoles, loin des explications soporifiques, de la pompe rhétorique et déclamatoire, du tragique gréco-latin, du drama queen de haut vol. Racine dans sa grandeur universelle certes, mais aussi moderne, humain, ludique, joyeux, divertissant. En flashs et zapping vertigineux.
Une hérésie? Pas du tout mais une aventure qui valait la peine d’être tentée. Un voyage inédit entre alexandrins taillés dans du cristal ou de l’airain, et biographie, prestement enlevée, qui a de l’allant et du piquant.
Onze tragédies, quintessence du théâtre classique français, D’Alexandre Le Grand à Athalie, 17 985 alexandrins et 215 820 syllabes pour ce voyage dans le grand siècle. Pour mieux retrouver un Jean Racine plus proche des humains qu’on ne le pense.
Pas de toge, pas de tunique, pas de pose cicéronienne, pas de récitation monocorde ou violente, pas de ces exclusives passions dévorantes. Ces passions comme une force fatale qui détruisent ceux qui en sont possédés. Et que l’auteur d’Esther brandit comme des épées luisantes, ruisselantes de sang et de larmes.
Mais tout Racine est là. Dans ce subtil et adroit patchwork de tableaux brefs, changeants, tournant comme différents décors de plateau où feux de la rampe et échos des coulisses s’imbriquent. L’on croise, comme une histoire qu’on va narrer, les premiers alexandrins raciniens de La Thébaïde, tissés comme mailles serrées.
Mais aussi les vers cultes d’Andromaque, Britannicus et ses bonus, Bérénice et ses «mots pour faire quelque chose de rien», Bajazet... rock, Mithridate exposé comme un «making of Racine», Iphigénie dans le dilemme «avec ou sans hache»...
Et ainsi se reconstruit le théâtre de Jean Racine dans un espace de liberté, d’impertinence, de cocasserie et de gravité, en bribes décousues mais dans un ensemble parfaitement cohérent. Après tout, les comédiens et leur auteur ont pris ici le pouvoir. Celui des mots, de la scène, de l’imagination, de l’invention.
Pour paraphraser cette lecture enrichissante d’un intérêt majeur, car elle abandonne toute norme de contrainte ou de rigueur classique amidonnée, on pourrait dire qu’il s’agit là, en quelques extraits et pas mal de facéties (après tout, le théâtre est l’aire de toutes les illusions et de toutes les impudences), sous des traits et des saillies séduisantes, de Racine par lui-même. Tel qu’en lui-même.
Les alexandrins retrouvent leurs auteurs, les personnages, leurs destinées, et Jean Racine reste le lien fédérateur d’un monde où les êtres s’entredéchirent et où les situations les plus invraisemblables – et pourtant si vraies – cimentent des histoires qui n’ont pas fini de nous tenir en haleine... Et de nous faire rêver. Quoique à l’ère d’Internet, les comportements, les valeurs et les attitudes ont bien changé...
Voilà une représentation et une lecture – tout en zapping – qui valent bien des cours de littérature compassés et savants. Si l’on est racinien chevronné, ce texte dramaturgique ne laisse guère indifférent. On le savoure dans sa nouveauté. Si l’on fuit comme la peste (ça peut arriver hélas!) ces vers qu’on croit porteurs d’air lourd et d’un autre temps, on sera ravi de découvrir la légèreté, la pureté, la beauté de ces rimes immortelles. Et, par-dessus tout, on retrouve un Jean Racine en toute simplicité et un soupçon de drôlerie, d’une décapante modernité.
À conseiller non seulement aux élèves (dérivation garantie) mais aussi et surtout à tous ceux qui veulent, par-delà des transformations multiples et le masque qu’imposent les manuels de littérature, connaître l’essence d’une œuvre et d’un auteur.
Avant d’être un mince ouvrage entre les mains, jouant d’un mélange de citation, de répétition, d’analyse et d’interview, Racine par la racine (68 pages – côté scène – éditions art et comédie). de Serge Bourhis, metteur en scène et auteur dramatique, a fait les beaux soirs du théâtre Essaïon à Paris pour prendre ensuite un nouvel envol sur les planches...

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