L’exposition aborde en réalité plusieurs aspects du travail de l’artiste. De la photographie noir et blanc à la prise de vues couleur, et d’une approche classique à un travail sur les procédés expérimentaux.
Dans la série «Beirut Lost Spaces: The Dome», les photographies de la jeune artiste sont intimement liées à la mémoire collective de Beyrouth, à un lieu qui a vécu et (à peine) survécu, mais dont on ne connaît pas trop l’avenir. La série « Nudes in Cold » présente le corps féminin tout en courbes botticelliennes rappelant, justement, la composition des peintures anciennes.
C’est dans les tirages argentiques de «Recueil» et les Polaroids de «The Land Series», que la photographe se lance dans l’exploration de la matière organique, la transformation manuelle et l’altération en chambre noire. Le procédé artisanal implique alors l’ajout de l’encre de Chine ou l’application de la gomme arabique, pour ajouter des contrastes et renforcer ou diminuer les intensités lumineuses.
En attirant l’attention sur le processus de fabrication, ce n’est pas seulement une expérience scientifique que Caroline cherche à partager. Pour elle, il s’agit là d’une sorte d’hommage à l’imperfection, un garde-mémoire sur le passage du temps et la fragilité des choses. Au-delà de l’aspect «contemplation esthétique», les photographies, médium qui immortalise les instants et les lieux par excellence, luttent aussi contre l’oubli.
Dans «Dialogues», l’artiste laisse la parole aux corps de trois danseurs, Zeina Hanna, Alexandre Paulikevitch et Khouloud Yassine. «J’étais fascinée par le travail de ces danseurs. Chacun a choisi le lieu qui l’inspirait le plus, avec lequel il pouvait faire corps et l’habiter avec le sien », indique la photographe. Le chantier jamais achevé du Tabarja Beach, la grande brasserie du Levant et l’imprimerie catholique rue Monnot. Trois endroits poussiéreux, certains avec un passé, tous avec un avenir incertain. Trois lieux squelettiques où les corps se courbent, s’accrochent ou se profilent entre les ruines...
Née à Beyrouth, ayant passé la plupart de son enfance en France, Caroline Tabet a étudié la photographie à Montpellier. De retour à Beyrouth en 1994, après avoir travaillé dans les domaines de la presse et de la mode, elle a rejoint une agence de production de films. Entre 1996 et 2000, elle fait de la photographie free-lance et assiste à la direction de plusieurs longs-métrages en France et au Liban. Elle cofonde le collectif artistique «Art.Core» et organise des événements rassemblant les travaux d’artistes peintres, photographes, musiciens et vidéastes au Beirut City Center. En 2002, elle signe la réalisation de son premier court-métrage, Faim de Communication, édité et distribué par Lowave. En 2003, Caroline Tabet entame une collaboration avec la photographe Joanna Andraos. L’œuvre commune, signée Engram, est focalisée sur la quête de l’identité et la place de l’être humain dans la mythologie urbaine, et a été exposée au Liban, en France et en Allemagne entre 2003 et 2008. En 2010, Engram publie un ouvrage éponyme d’une série, 290 rue du Liban. Ses œuvres sont présentées en moyen format. Son outil de prédilection: une caméra analogue de 35 mm.
Les œuvres de Caroline Tabet explorent la cité, les relations entre l’homme et la pierre, ainsi que les notions de réminiscence, de perte et de... poussière.
Jusqu’au 27 juillet, galerie Art Factum, secteur Quarantaine. Tél. 01/443263.
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