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Culture - Vient de paraître

Le Beyrouth fragmenté de Mazen Kerbaj

Au « Beirut Art Center », Mazen Kerbaj a signé son ouvrage « Lettre à la mère » édité par l’Apocalypse. À cette occasion, l’auteur expose ses planches de travail dans le même espace, à l’étage supérieur, et cela jusqu’au 3 août.

Couverture recto de l’ouvrage.

C’est un livre d’un tout autre genre qu’offre à voir Mazen Kerbaj au BAC. Un ouvrage qui a nécessité sept ans de travail et qui est le concentré de son travail, de sa vision. Cet artiste – «un des plus actifs de la scène alternative libanaise apparue au début des années 90, après la guerre civile», dira son éditeur – aborde autant la musique improvisée que la peinture ou la bande dessinée. Après avoir publié de nombreux livres, en arabe, anglais ou français, dont Beyrouth, juillet-août 2006 (L’Association), le blog d’une autre guerre, il signe aujourd’hui des récits courts, différents par leurs sujets et leurs traités, au trait, en couleur ou en monotypes, mais aussi des fragments de poésie dans le fond et la forme.

Une écriture poétique
«Aujourd’hui maman est morte.» C’est ainsi que débute le récit des tranches de vie de Kerbaj. Empruntant ces paroles à Albert Camus, l’artiste et auteur libanais n’est pourtant pas étranger à la ville de Beyrouth qui est d’ailleurs cette mère dont il parle. Très fortement impliqué dans un processus de création, il est l’un de ces maillons (pas faibles du tout!) qui forment la chaîne humaine de la ville. Cette ville mère, qui selon les dessins se transforme en une Mare nostrum (Méditerranée) devenue castratrice, «monstre infanticide dont les enfants ne marcheront jamais derrière le corbillard», se déploie en différents croquis, tantôt en noir et blanc, tantôt en couleur.
L’ouvrage, donc d’un autre registre, est sombre, Mazen Kerbaj ayant habitué son lecteur à un style plus léger, plus drôle. Obscur tout comme son encre de Chine qui croque les tréfonds sous-marins – schizophréniques –, la peur de la foule ou encore le chagrin d’amour. Si l’auteur aime à taquiner la plume, il s’amuse parfois avec autodérision, mais aussi gravité, à exploiter toutes les possibilités de cette encre de Chine qu’il condense, dilue, souffle et étale sur ses planches. Une encre mouvante, qui bouge, circule et gonfle selon le texte. C’est ce côté sombre qui relie toutes les planches – souvent différentes l’une de l’autre, – signale Kerbaj.
Lettre à la mère est une ode à la capitale libanaise, écrite et dessinée en vers réguliers et irréguliers comme l’amour et la haine. Car, comme dira l’artiste, qui voue ce sentiment indescriptible depuis 35 ans à sa ville natale, «je ne tiens pas à expliquer ce texte, mais à partager les émotions qu’il suscite avec le lecteur».
Textes et dessins s’épousent et, telles des rimes poétiques, créent une osmose entre fond et forme. «Nous avons tenu l’éditeur et moi à créer un rythme qui n’étouffera pas le lecteur», confie encore Mazen Kerbaj.
Dans cet enchaînement d’idées et d’images, le temps se dilue, s’évapore, l’espace aussi, laissant place à cette noirceur «phagocytante» qui pénètre le regard en y laissant des traces indélébiles. Tout comme ces balles qui ont perforé et qui continuent à perforer la ville. Cette ville mère.
C’est un livre d’un tout autre genre qu’offre à voir Mazen Kerbaj au BAC. Un ouvrage qui a nécessité sept ans de travail et qui est le concentré de son travail, de sa vision. Cet artiste – «un des plus actifs de la scène alternative libanaise apparue au début des années 90, après la guerre civile», dira son éditeur – aborde autant la musique improvisée que la peinture ou la...
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