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Moyen Orient et Monde - Le point

Du neuf avec de l’ancien

« Le temps est venu d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire de notre pays, une phase qui verra une nouvelle génération assumer ses responsabilités, dotée de capacités dynamiques et ayant des idées nouvelles. » Depuis qu’elle a été prononcée, mercredi, par cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, dans son discours d’abdication, cette petite phrase n’en finit plus d’alimenter les supputations, les plus farfelues quelquefois, du macrocosme médiatique. Les jugements vont d’un hâtif et péremptoire « cela veut dire n’importe quoi ou bien tout », à l’annonce tout aussi prématurée de profonds bouleversements à venir, et plus tôt qu’on ne le pense.
L’émir de cette nouvelle puissance régionale qu’est devenu, en peu de temps, le Qatar ne choisit pas, à un moment particulièrement délicat qui plus est, de confier les rênes du pouvoir à son fils sans susciter de multiples interrogations, non pas tant sur les motivations de son geste que sur les répercussions que celui-ci ne vas pas manquer d’entraîner sur le plan interne bien entendu, mais aussi à l’échelle proche-orientale et même internationale – après tout, l’émirat dispose d’un impressionnant fonds souverain, s’est lancé depuis quelque temps dans un gigantesque monopoly, abrite une chaîne de télévision qui représente une formidable caisse de résonance et, depuis l’affaire libyenne notamment, prétend jouer dans la cour des grands qui veulent aider certains pays (la Syrie entre autres) à se débarrasser de leurs dirigeants.
Une constatation préliminaire : aucun État peut-être de cette partie du monde n’aura autant investi dans les jeunes. Le taux de chômage dans la tranche d’âge des 21-24 ans s’établissait en 2009 (dernière statistiques connues) à une moyenne de 1,6 pour cent, soit 0,7 pour cent chez les hommes et 7,5 pour cent chez les femmes, ce dernier chiffre demeurant malgré tout assez inquiétant pour quiconque ignore la place de la femme dans la vie active de la société orientale. Les 22 et 23 mai dernier, s’est tenu à Doha le sixième « Annual Young Enterprise of the Year », un concours rebaptisé pour la circonstance « Moubadara », soit entreprise en français, réservé aux juniors auxquels l’association Injaz offre des programmes de formation professionnelle leur permettant de développer leurs compétences entrepreneuriales.
L’éducation est gratuite, même dans des universités étrangères de haut niveau, ce qui ouvre grandes les portes à un emploi, le plus souvent à vie. Il n’en reste pas moins que l’économie, contrairement à ce qui se passe à Dubaï par exemple, est télécommandée. Qu’importe puisque le produit intérieur brut atteint le chiffre pharamineux de 183 milliards de dollars, le revenu par tête d’habitant dépasse les 100 000 dollars, les soins médicaux sont prodigués sans contrepartie et il n’existe pratiquement pas d’impôts.
Tout cela pourtant ne suffit pas à faire taire les critiques, et la décision du monarque aurait été motivée, dit-on, par les effluves du printemps arabe alors même que l’idée d’un départ anticipé daterait, selon certains, de plus de trois ans. À Doha ces jours-ci, le ton est résolument à l’optimisme. Des élections, se plaît-on à rappeler, s’étaient déroulées en 1999 pour la désignation d’un conseil municipal de 29 membres, dont plusieurs femmes. Six ans plus tard, soit en 2 005, un organisme consultatif naissait, composé de 30 membres élus et de quinze autres nommés par l’émir. Enfin, pour l’année en cours, un engagement avait été pris pour l’organisation d’élections législatives que tout le monde continue d’attendre, en espérant que cheikh Tamim tiendra la promesse faite par son père.
Après l’annonce de mardi, la foule était nombreuse à se presser aux portes du palais pour faire acte d’allégeance, sourde aux commentaires, rarement positifs, formulés par des capitales occidentales. La démocratie ? Les analystes locaux répondent : « Il existe chez nous un système d’autogouverrnance qui a fait ses preuves à ce jour. » Bien entendu, il ne s’agit pas d’un système démocratique comme on l’entend en Europe ou aux États-Unis, avec des partis et des programmes d’action, mais les usages tribaux et les liens familiaux pallient cette carence ; et puis, il y a ces 25 milliards de barils de pétrole, ces 25 trillions de mètres cubes de gaz naturel (13 pour cent des réserves mondiales, les troisièmes en importance du globe) qui nous permettent d’entrevoir l’avenir en rose.
À propos, la démocratie, c’est combien de milliards ? ...
« Le temps est venu d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire de notre pays, une phase qui verra une nouvelle génération assumer ses responsabilités, dotée de capacités dynamiques et ayant des idées nouvelles. » Depuis qu’elle a été prononcée, mercredi, par cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, dans son discours d’abdication, cette petite phrase n’en finit plus...

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