Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Le règne du végétal à la galerie Alice Mogabgab

C’est le monde végétal qui se déploie sous le regard et les mains de vingt-trois artistes jusqu’au 26 juillet. En peintures, sculptures ou céramiques, la sélection a été réalisée par la galeriste elle-même sous la direction de Gilbert Lascault.*

« Iconographie d’une absence » de Houda Kassatly.

«À l’ère des pixels et de la révolution virtuelle, quels regards portent les artistes peintres, sculpteurs, photographes et plasticiens sur ce puissant symbole de la vie qu’est la nature? Comment expriment-ils leur émerveillement devant l’évolution silencieuse de la terre fécondée par la lumière...?» se demande Alice Mogabgab Karam.
«La gloire du végétal», dirigée par Gilbert Lascault, écrivain, critique d’art et professeur émérite à la Sorbonne, tente de répondre à ces questions, et les vingt-trois artistes, venus du Japon, de Chine, d’Allemagne, d’Italie, de France, de Grande-Bretagne et du Liban, se retrouvent à Beyrouth pour saluer cette nature.
«Les artistes donnent à voir les rythmes des herbes et des fleurs, la floraison, les épanouissements, les éclosions, les sommeils, les renaissances, les surgissements, les germinations, les jaillissements...» dira Lascault dans sa présentation de l’exposition.

Déconstruction et reconstruction
Mort et renaissance, végétal et animal, douceur et tranquillité, mais aussi dévastation et invasion, la nature n’est pas une surface plane et monotone, un simple paysage visuel, mais bien un être vivant et vibrant. Elle est la vie, dans toutes ses pulsations et ses rythmes confondus. Elle est faite aussi, comme le rappelle Lascault en citant Goethe, de «verticales et de spirales». «La tendance verticale, souligne-t-il, est comme le tuteur spirituel qui fonde l’existence et qui est capable de la maintenir longtemps alors que le système spiral assure la
croissance...»
Omniprésente et salvatrice, cette nature nourricière accompagne l’homme jusqu’à sa mort. «Sur la tombe de Tyr, fleurs, feuilles, branches et rameaux n’enlacent-ils pas les héros des scènes mythologiques pour emporter les mortels et immortels?» dira Mogabgab? Au cours des siècles, les artistes de toutes disciplines ont compris son importance et lui ont accordé une place primordiale dans leurs œuvres.
Aujourd’hui encore, cette primauté n’est pas négligée. Ainsi, pour Luigi Billi, photographe italien, la nature ne peut être représentée que dans sa tridimensionnalité. Dans sa série «Le ciel vu à travers les branches», l’artiste manipule ses photos après les avoir développées, les froisse, les plastifie. En portant des gestes de destruction autant que de récupération, les clichés laissent percevoir un autre monde... au-delà de la lumière.

Des regards croisés
Si Billi offre à voir un autre monde, la photographe libanaise Houda Kassatly évoque à travers ses clichés un paradis perdu, parfois retrouvé. La nature (chaotique) s’est invitée en abondance à l’intérieur des vieilles demeures libanaises. Elle semble victorieuse et vengeresse d’un certain ordonnancement détruit par les mains de l’homme. Mais sa victoire est de courte durée, éphémère comme les roses de Ronsard, car à son tour elle sera remplacée par le bitume et le béton. À travers des diptyques ou triptyques, Kassatly tisse et brode les effilochements d’une mémoire qui s’étiole.
Pour le jeune plasticien français Samuel Coisne, l’hommage à la nature est rendu dans le geste artistique même. En découpant sur des billets de banque de fins motifs végétaux et en détruisant les cinq monnaies principales du monde, l’artiste dénonce la puissance de l’économie et célèbre la création artistique.
L’Anglais Mat Collishaw est pluridisciplinaire. À travers son travail plastique personnel qui se base sur l’image, l’artiste dévoile le mal terrifiant. Sa fleur (carnivore) dans Sordid Earth est carnassière, gluante, malfaisante. Régis Durand parle de cette œuvre comme annonciatrice de fin de monde et d’apocalypse.
Dans ses gravures, François Houtin a «le souci de la précision, du détail, mais aussi la rigueur du trait». Chaque gravure raconte des histoires du passé et du présent entrelacés, et introduit le regard dans un monde onirique.
Tradition et contemporanéité sont par ailleurs présentes dans l’œuvre de la Chinoise Li Wei qui croise, comme on peut le voir dans Xiang Mountain (encre de Chine sur soie), la peinture passéiste chinoise, véritable contemplation sur soie, avec la pixellisation moderne. Comme un post-pointillisme revisité.
Luciano Zanoni, lui, tord et retord la matière, chauffe et martèle le fer pour créer un noisetier puissant aux feuilles virevoltantes.
Grès émaillé pour Clémence Van Lunen (Belgique), qui remodèle des compositions florales voluptueuses et exubérantes, et acier brossé pour Jean-Bernard Susperregui, cet autodidacte qui réalise ses premières sculptures en 1969 et qui fait côtoyer dans ses œuvres vide et forme, légèreté et pesanteur ainsi que statique et dynamique.
Participent également à cette sublime ode à la nature : Axel Cassel et ses petites feuilles en acier, Didier l’Honorey et sa Décomposition composée, Fadia Haddad et ses masques végétaux, Charles Belle et ses fleurs ardentes, ainsi que Ludwika Ogorzelec et ses sculptures en branchages, Martine Lafon et son rouge de la garance qui se retrouve aussi dans son livre animé, Malgorzata Paszo et ses champs qui déclinent dans tous les tons de vert, les fleurs bariolées de Takashi Murakami, Pascal Courcelles qui rend un hommage aux nymphéas de Monet, et d’autres encore qu’il serait intéressant de découvrir sur place.

*Jusqu’au 26 juillet.
«À l’ère des pixels et de la révolution virtuelle, quels regards portent les artistes peintres, sculpteurs, photographes et plasticiens sur ce puissant symbole de la vie qu’est la nature? Comment expriment-ils leur émerveillement devant l’évolution silencieuse de la terre fécondée par la lumière...?» se demande Alice Mogabgab Karam. «La gloire du végétal», dirigée...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut