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Culture - Exposition

Une guerre, comme toutes les autres

Avec l’obsession d’un chercheur et la pertinence d’un artiste bousculeur d’idées, Salah Saouli présente à la galerie Agial une installation multimédia autour de l’opération Blue Bat, plus connue comme la crise de 1958 ou l’intervention militaire US au Liban.

Des photos, accrochées comme des portraits de famille, racontent les conflits libanais.

Pour certains, il s’agissait d’un véritable conflit civil. Pour d’autres, une révolution. Et pour d’autres encore, «des événements» (un terme très prisé sous nos cieux pour désigner une guerre civile) ou des «rivalités». Cette «crise» de 1958, avec ses différentes tensions politiques et religieuses, semble aujourd’hui, de manière rétrospective, posséder toutes les racines des maux qui ont frappé non seulement le pays, mais aussi toute la région. Petit rappel, simpliste, des faits: en 58, en plein guerre froide entre les USA et l’URSS, alors que la France et la Grande-Bretagne se sont retirées de la région du Moyen-Orient, que l’Égypte de Nasser reçoit le soutien militaire et politique du bloc soviétique, que la Syrie est en pleine phase d’armement, après la crise de Suez en 1956, et la création de la République arabe unie entre l’Égypte et la Syrie, la doctine Eisenhower et les débats sur le nationalisme arabe, notamment au Liban où les tensions montent. Assassinats, attentats à la bombe, manifestations à la rue... Devant ces chambardements et avec les distensions qui s’intensifient, le président Camille Chamoun obtient l’intervention des marines américains: c’est l’opération Blue Bat. Ils ont pour mission de rétablir le calme en sécurisant les lieux stratégiques (port et aéroport de Beyrouth, routes et ponts). L’ONU et la Ligue des États arabes interviennent (ou plutôt pas, comme d’habitude). Les Soviétiques se rebiffent. Un consensus, mi-diplomatie, mi-bras de fer, est finalement trouvé: c’est le fameux «la ghaleb, la maghloub», ni vainqueur ni vaincu. Le chef de l’armée, le général Fouad Chehab, succède à Camille Chamoun à la présidence de la République et le chef de l’insurrection, Rachid Karamé, est nommé Premier ministre.
Pour raconter l’histoire, la critiquer et la mettre en valeur, Salah Saouli juxtapose deux dialectiques, toutes deux présentes dans les journaux: l’illustration et le récit. La photo et le mot.
Dans l’exposition, «Days of the Blue Bat» onze «tableaux» sous plexiglas, des unes de journaux d’époque, manipulés par l’artiste installé à Berlin. Réinventés à sa guise. Selon une logique que lui seul peut connaître, laissant au spectateur le soin, le loisir et le plaisir de découvrir et de déchiffrer les clés de ce rébus visuel autant qu’intellectuel. Ces journaux portent l’empreinte artistique de Saouli, qui collecte, superpose, découpe, colle, imprime, colorie. Masque des visages, en accentue d’autres par des traits de pinceaux colorés. Marque des cercles (vicieux) ici et là.
Sur un mur de la galerie, plusieurs photos également d’époque, encadrées, se présentant ainsi comme des portraits de famille. De petits écrans de télévision diffusent des témoignages historiques. Chercher la vérité? Les racines du mal? Plutôt des bribes de récits, comme si les membres d’une famille vous racontaient chacun sa version des faits, sa propre expérience personnelle.
Saouli s’est embarqué dans ce projet artistique il y a deux ans. En vidant la vielle maison familiale (qui n’a pas échappé au sort des bulldozers de l’immobilier), il découvre les archives de son père, récemment disparu. Avec les titres, les unes et les manchettes de l’époque qui auraient pu être tirées des éditions du jour. Cinquante-cinq ans plus tard, c’est la même rengaine. Les dates changent. Les noms, parfois, restent les mêmes.
Au final, reste le récit d’une guerre, où il n’y a ni gagnants ni perdants. Que des victimes. Les collatéraux dont on ne parle pas trop, dans les nouvelles. Que des chiffres, en somme.

*« The Days of the Blue Bat », à la galerie Agial, rue Sadate, jusqu’au 20 avril.
Pour certains, il s’agissait d’un véritable conflit civil. Pour d’autres, une révolution. Et pour d’autres encore, «des événements» (un terme très prisé sous nos cieux pour désigner une guerre civile) ou des «rivalités». Cette «crise» de 1958, avec ses différentes tensions politiques et religieuses, semble aujourd’hui, de manière rétrospective, posséder...

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