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Moyen Orient et Monde - Reportage

Les bénévoles d’Alep au secours des plus pauvres

Au péril de leur vie, une poignée de citoyens distribuent des aides humanitaires à ceux qui ne peuvent quitter la ville ni se ravitailler.

Des bénévoles distribuent de l’aide alimentaire aux plus pauvres dans Alep. Les sacs en plastique transparents contiennent de l’huile d’olive et de cuisson, du riz, des pâtes, du thé et du sucre, notamment.  Marco Longari/AFP

Sans aide extérieure, avec le peu d’argent qu’ils collectent, une poignée de bénévoles organisent dans un quartier d’Alep des distributions de nourriture pour les familles trop pauvres pour quitter la ville.
Sur les listes d’Abou Ahmad (il ne veut révéler qu’un surnom), fonctionnaire âgé de 28 ans, figurent 5 000 familles. « J’ai uniquement de quoi apporter un peu de nourriture à 2 000 foyers », dit-il dans un triste sourire. Jeudi après-midi, la quinzaine de civils, ne dépendant d’aucune organisation, se retrouve dans ses locaux du quartier Tarik el-Bab. Ils demandent à des journalistes étrangers de ne pas préciser davantage les lieux, de peur d’en faire une cible. « L’Armée syrienne libre (ASL) nous accompagne pendant les distributions, pour assurer la sécurité, mais elle ne fournit pas les vivres », dit le jeune homme au regard fiévreux et aux gestes rapides, ajoutant : « Pour le régime, nous sommes des terroristes car nous aidons la population des zones rebelles. »
On glisse dans des sacs plastique transparents de l’huile d’olive et de cuisson, du riz, des pâtes, du thé, du sucre. Les fonds proviennent de particuliers, de riches familles d’Alep ou d’ailleurs, avec lesquels Abou Ahmad achète ces produits de base. « Nous ne recevons rien d’aucune ONG, syrienne ou étrangère, dit-il, un Saoudien est venu nous voir il y a deux semaines. Il a promis de nous aider, d’envoyer de l’argent. Nous attendons. »
Une femme voilée frappe timidement à la porte. À 37 ans, le visage mangé par des cernes, Fatima en paraît vingt de plus. « Je cherche du lait pour bébé. Il n’y en a nulle part, gémit-elle. Mon fils a trois mois, je n’ai que du thé à lui donner, avec des morceaux de biscuit trempés... » Mais du lait maternisé, Abou Ahmad et ses amis n’en ont jamais eu et ne savent pas où s’en procurer. « Il me faudrait aussi une chaise roulante pour ma mère », implore Fatima. « Nous l’avons demandée... Peut-être la semaine prochaine », répond le jeune homme. D’autres femmes arrivent, en groupe. « Il faut vous enregistrer avant, mais pour cela attendez que l’on vienne vous voir chez vous », leur dit Abou Ahmad.
Il a recensé les familles les plus pauvres du quartier, la tournée va commencer. Les sacs sont chargés sur le plateau d’un camion. Deux rebelles armés ouvrent la route. Dans une ruelle, faute de numéro sur les maisons, on demande où vivent les récipiendaires. Le jeune homme tape, avec son stylo, sur les portes de métal qui s’entrouvrent. Les enfants jettent des regards étonnés, les femmes réajustent leurs voiles noirs. Abou Abdo, 33 ans, était manœuvre avant le début des combats à Alep. Il gagnait l’équivalent de 6 euros par jour. « Cela fait deux mois que je n’ai pas travaillé. Nous ne mangeons que du pain et du thé », dit-il. Il sourit en s’emparant d’un sac en plastique, le premier qu’ils reçoivent depuis le début des affrontements à Alep le 20 juillet.
Dans ce quartier pauvre, contrairement à d’autres plus aisés, presque toutes les familles sont là, cloîtrées derrière de hauts murs. Elles n’ont pas de voiture, pas d’argent pour fuir les bombes et les tirs plus au nord, dans la région proche de la frontière turque tenue par l’ASL. Même si les zones sous contrôle rebelle d’Alep continuent à être ravitaillées, notamment par la route menant à la ville voisine d’el-Bab, les prix ont tellement augmenté que les plus pauvres ont du mal à se ravitailler. Dans le ciel tournoient les avions de chasse, qui lâchent leurs bombes sur la ville, et les hélicoptères de combat, dont les mitrailleuses lourdes résonnent au loin. Non loin de là, jeudi, leurs tirs ont fait 11 morts, fauchés à un carrefour. Abou Ahmad frappe à une autre porte. Une femme ouvre. En quelques secondes, le ton monte. « Je n’en veux pas de votre nourriture ! Tout ça, crie-t-elle en montrant le ciel, c’est de votre faute ! Que Dieu vous maudisse ! » On tente de lui donner le paquet, elle tourne les talons. Son fils l’entraîne à l’intérieur.

© AFP
Sans aide extérieure, avec le peu d’argent qu’ils collectent, une poignée de bénévoles organisent dans un quartier d’Alep des distributions de nourriture pour les familles trop pauvres pour quitter la ville.Sur les listes d’Abou Ahmad (il ne veut révéler qu’un surnom), fonctionnaire âgé de 28 ans, figurent 5 000 familles. « J’ai uniquement de quoi apporter un peu de...

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