L'idée part d'un constat tout simple qu'il a fallu à l'auteur une bonne dose d'humilité pour dresser : l'Amérique n'a plus les moyens de jouer le shérif du monde. Et d'ailleurs, force est de le constater, les problèmes auxquels elle est confrontée demeureront, pour longtemps encore, insolubles. À titre d'exemples, il cite l'Irak - « peut-être qu'un jour ce pays deviendra-t-il une vraie démocratie... » -, les ambitions nucléaires iraniennes - trop tard peut-être pour les contenir - et les pourparlers de paix palestino-israéliens qui ne sont pas près d'aboutir. À supposer, dit-il, que l'on puisse venir à bout de ces trois casse-tête, il restera tous les autres, dont ce n'est pas la présente administration qui verra la fin.
Se mettre à la diète pétrolière pour ramener à leurs justes dimensions les trublions de la planète (empruntons les transports publics plutôt que de conduire nos voitures, préconise-t-il), avouons que nul avant notre distingué professeur n'y avait songé. Toujours est-il que son raisonnement tient la route. Suivons-le : les baby-boomers ont pris de la bouteille et l'État, en train de se transformer en compagnie d'assurances, paraît de moins en moins intéressé par la conduite des affaires du monde. D'ici à une vingtaine d'années, le service de la dette dépassera le budget de la défense. Le résultat : un leadership à peu de frais (« leadership on a shoestring »).
La cure d'amaigrissement préconisée a tout pour plaire à ceux qui, depuis longtemps à Washington, piaffent d'impatience en attendant de donner aux alliés aussi bien qu'aux ennemis une leçon qu'ils ne devraient pas oublier. Le risque de voir disparaître l'empire américain n'existe pas puisque les USA n'ont pas d'empire, dit le distingué professeur, après avoir cité Paul Kennedy, qui parlait d'« étirement impérial ». Il s'agirait en somme, ainsi que n'ont pas manqué de relever certains critiques, d'une illustration de la théorie de Noam Chomsky. On sait que, pour le célèbre linguiste, lorsque la principale source de nos maux est moins capable d'influer sur le cours des événements, le monde ne peut que mieux se porter.
Fort bien, mais ne plus s'approvisionner à la source ne signifie nullement la tarir, mais plutôt abandonner à d'autres une plus grande quantité d'eau - pardon, de pétrole. Surtout quand ceux-là ont pour noms la Chine, le Japon, les grandes nations émergentes si gloutonnes en matière d'énergie. Cela veut dire aussi laisser la voie encore plus libre devant des mouvements extrémistes qui n'en attendaient pas tant. Outre que l'on subodore dans tout cela des relents d'un monroïsme (du nom du cinquième président, James Monroe) du plus mauvais effet en cette ère placée sous le signe de la mondialisation - politique aussi.
Mandelbaum avance une date pour justifier le virage à venir : le 15 septembre 2008, jour de l'effondrement de la banque Lehman Brothers, prélude au grand bouleversement économico-financier qui allait changer la face du monde et bloquer la pompe à phynance si chère au père Ubu. En réalité, et même si le politologue évite d'en évoquer le spectre, sa démarche est inspirée par une succession d'expéditions désastreuses commencées au Pays du matin calme, poursuivies hier au Vietnam, aujourd'hui en Irak et en Afghanistan, et Dieu seul sait où demain. La conclusion se veut rassurante, sans y parvenir : nous nous acheminons vers une période de paix qui n'est cependant pas irréversible ; quoi qu'il en soit, l'Amérique n'est pas en mesure, pour des raisons fiscales, d'assumer le rôle qui a été le sien jusqu'à présent.
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- Est-ce à dire que nous allons nous retrouver sans Père Fouettard ?
- Probable, et c'est tant mieux.
* La superpuissance frugale : le leadership américain à l'ère de l'indigence - éditions Kindle.
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