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Liban - Feuille de route

Hoşgeldin M. Erdogan... ama...*

Certes, Recep Tayyip Erdogan est le bienvenu au Liban. Comme Mahoud Ahmadinejad. Comme, du reste, le reste du monde. Encore une fois, il faut s'opposer radicalement à toute velléité d'interdiction, à toute censure qui pourrait viser une personnalité pour ses opinions, ses idées, ses engagements. Le Liban est suffisamment vaste dans son exiguïté pour accueillir toutes les contradictions. S'il veut assumer la vocation historique de médiateur dont il s'est toujours prévalu, c'est le chemin à suivre.
Qui plus est, Recep Tayyip Erdogan est en visite officielle au Liban. Comme l'était Mahmoud Ahmadinejad avant lui. Le Liban et la Turquie entretiennent des relations privilégiées, et de nombreux protocoles bilatéraux ont été signés avec Ankara, comme avec Téhéran lors du passage du chef d'État iranien. Le Premier ministre turc s'est lui aussi offert un accueil populaire au Nord et à Saïda, comme l'avait fait le président iranien dans la banlieue sud, puis au Liban-Sud. Libre à chaque foule de laisser libre cours à ses passions, de choisir quels nouveaux leaders historiques elle souhaite idolâtrer - et dans quelle langue, l'arabe, le perse, le turc, et pourquoi pas bientôt, le russe et le chinois.
À première vue, il n'y a donc aucun problème, et il faudrait souhaiter longue vie au modèle libanais de pluralisme. Mais ce n'est malheureusement pas le cas. Car, dans la mêlée, l'effet mimétique parfait - à la seule différence qu'Ahmadinejad était, dans les faits, beaucoup plus l'invité du mini-État du Hezbollah que du rachitique État libanais - induit par les visites d'Ahmadinejad et d'Erdogan vient superbement cristalliser la polarisation sunnito-chiite dans le pays. Chaque groupe communautaire a donc pu applaudir son champion, dans cette course effrénée à l'inévitable montée aux extrêmes entre les deux principales communautés islamiques du pays et de la région. Laquelle montée, si le mimétisme continue d'opérer, si les sunnites jouent le jeu de la mobilisation et de la polarisation comme les chiites, ne pourra ultimement mener qu'à un cataclysme apocalyptique à l'échelle nationale. D'autant que, pour la première fois, le monde arabe - Arabie saoudite, Égypte, Syrie - se retrouve relégué au second plan dans ce renouveau de la lutte ancestrale entre l'Iran et le Touran, déjà immortalisé dans le Shâh Nâmeh de Firdawsi autour de l'an 1000. Or gare aux appels réciproques d'empire, et gare au réveil de ce nouveau pantouranisme, qui sort de sa torpeur pour embrasser de nouveau du regard le monde arabe, ce nouvel homme malade aux dirigeants vieillissants, pour retrouver en face un seul véritable rival potentiel : la Perse.
... Car c'est en effet sous l'angle de la conjuration de la violence et de la volonté de vérité, de justice, de réconciliation, de paix - et donc inévitablement de liberté - qu'il faudrait aussi vouloir envisager ces événements et cet effet mimétique. En cela, malheureusement, aussi bien l'Iran (de toute évidence) que la Turquie ne représentent guère des modèles à suivre (la Syrie et l'Arabie saoudite, c'était déjà un désastre). Loin de là. Or si Téhéran, à l'image de son satellite au Liban, le Hezbollah, s'obstine à rejeter l'idée d'une justice internationale dans l'assassinat de Rafic Hariri et des autres symboles de la révolution du Cèdre - quelles que soient les raisons de ce refus, idéologiques, politiques, etc. -, Ankara n'est probablement pas le meilleur soutien dont Saad Hariri puisse bénéficier en matière de vérité et de justice. Le sort réservé aux Arméniens qui manifestaient hier pour protester contre la venue d'Erdogan est d'ailleurs tout à fait démonstratif. Un État qui refuse jusqu'à présent de reconnaître un génocide commis il y a cent ans ne saurait être un allié très crédible dans le cadre d'une question de justice internationale. Évidemment.
Certes, l'Arménie, realpolitik oblige, a dû ployer l'échine. Le Liban, lui, étreint tous les modèles culturels qui l'empêchent d'aspirer à un renouveau culturel et démocratique. Il est, plus que jamais, l'emblème du malheur arabe, plus que jamais à mille lieues d'une nouvelle Nahda - et de sa propre renaissance.

*Bienvenue M. Erdogan... mais...
Certes, Recep Tayyip Erdogan est le bienvenu au Liban. Comme Mahoud Ahmadinejad. Comme, du reste, le reste du monde. Encore une fois, il faut s'opposer radicalement à toute velléité d'interdiction, à toute censure qui pourrait viser une personnalité pour ses opinions, ses idées, ses engagements. Le Liban est suffisamment vaste dans son...

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