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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Harardhere : son littoral, ses pirates et leur chef « Grande gueule »

Le village est considéré comme le lieu de naissance de la piraterie somalienne moderne.
S'ils s'éparpillent tous azimuts dans l'océan Indien pour attaquer les navires, les pirates somaliens reviennent souvent avec leur prise à Harardhere : ce village de pêcheurs est devenu la capitale de la piraterie mondiale et le fief d'un pirate incontournable, « Grande gueule ». Situé à 300 km au nord de la capitale Mogadiscio, Harardhere est la principale base d'un groupe de pirates retenant actuellement plusieurs navires ainsi qu'un couple de plaisanciers britanniques. Le village, situé en retrait du littoral et peuplé majoritairement de membres appartenant aux Suleiman, un sous-groupe du clan dominant somalien Hawiye, est réputé en Somalie pour ne se soumettre qu'à la loi du plus fort.
Un dicton populaire somalien résume l'affaire : « À Mogadiscio, il vous faut gagner votre salaire, à Harardhere, sortez les flingues ! » Le village est à présent considéré comme le lieu de naissance de la piraterie somalienne moderne, qui, depuis 2007, a fait des eaux de la Corne de l'Afrique les plus dangereuses au monde, conduisant la communauté internationale à déployer de nombreux bâtiments de guerre. La piraterie à Harardhere a germé en 2003-2004 dans l'esprit affairiste d'un homme : Mohammad Abdi « Afweyne » (« Grande gueule » en somali). « Il ignorait tout de la mer... J'ai dû tout lui apprendre sur l'aspect technique des bateaux, et les premières fois que nous avons pris la mer, il était systématiquement malade », se souvient un de ses associés dans un entretien à l'AFP.
Issu d'une région et d'un clan sans rapports avec la piraterie, « Afweyne » a recruté pour sa « start-up » certains des pirates somaliens les plus connus actuellement, notamment dans la région semi-autonome du Puntland (Nord-Est). « Harardhere offrait le point de chute parfait pour les pirates parce que c'était très éloigné des factions de la guerre civile somalienne », explique le chercheur norvégien Stig Jarle Hansen dans un récent rapport sur la piraterie. Selon lui, cet environnement politique apaisé a permis à « Afweyne » de garder pour son groupe et lui-même l'intégralité des rançons et d'investir dans l'expansion de sa petite entreprise au lieu de devoir reverser des commissions à des miliciens ou chefs de guerre locaux.
Cinq ans plus tard, « Grande gueule » est sans conteste au zénith de la piraterie somalienne et collectionne les plus belles prises de cette criminalité juteuse : un superpétrolier saoudien de 300 mètres de long et un cargo ukrainien rempli d'armes. L'homme a échappé à la mort et à plusieurs tentatives d'arrestation lors de raids des tribunaux islamiques, lorsque ces derniers contrôlaient au second semestre 2006 la majeure partie du sud et du centre du pays.
Devant la pression accrue des autorités du Puntland, plus au nord, sur la piraterie et le déploiement dissuasif des navires de guerre étrangers dans le golfe de Aden, la quasi-totalité des dernières attaques ont été menées dans l'océan Indien, au large des Seychelles, lancées depuis Harardhere ou Hobyo. Un bateau de pêche thaïlandais a d'ailleurs été pris d'assaut hier matin par des pirates au nord de l'archipel, a indiqué la force navale européenne Atalante.
La piraterie est devenue l'une des activités les plus florissantes d'un pays ravagé par une guerre civile débutée en 1991. Harardhere en a tiré les bénéfices et s'est quelque peu embourgeoisé : des rançons avoisinant souvent le million de dollars sont en partie redistribuées à la population pour s'assurer de son soutien, et les pirates ont investi sur place dans de coquettes villas et autres voitures neuves.
L'arrivée d'un bateau fraîchement capturé y est synonyme de regain d'activité : cigarettes et khat (une plante euphorisante) sont de nouveau disponibles tandis que des miliciens en armes convergent dans le village pour sécuriser la zone pendant les négociations sur le montant des rançons.

Jean-Marc MOJON (AFP)
S'ils s'éparpillent tous azimuts dans l'océan Indien pour attaquer les navires, les pirates somaliens reviennent souvent avec leur prise à Harardhere : ce village de pêcheurs est devenu la capitale de la piraterie mondiale et le fief d'un pirate incontournable, « Grande gueule ». Situé à 300 km au nord de la capitale Mogadiscio,...

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