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À La Une - Société

Les femmes retracent les lignes de front, dans les affaires, la politique et les médias

C’est pour célébrer la Journée internationale de la femme, le 8 mars, que l’Institut Média May Chidiac (MCMI) a organisé hier une conférence sur le thème « Femmes sur les lignes de front », à l’hôtel Phoenicia, à Beyrouth.

Un parterre de personnalités politiques et médiatiques a participé à la conférence du MCMI. Photo Nasser Traboulssi

Après le franc succès de son forum sur les réseaux sociaux, il y a quelques mois, l’Institut Média May Chidiac (MCMI) est revenu en force hier pour réaffirmer sa réussite, lors d’un forum d’un tout autre genre. Hier, c’est la femme qui était à l’honneur, la femme qui ne recule devant rien, celle qui sait qu’il lui faudra aller de l’avant pour se faire une place qui reste tout, ici, sauf un droit acquis. Et qui d’autre que May Chidiac pour mettre sur la table un sujet aussi épineux que celui des femmes sur les lignes de front, elle qui a su repousser les lignes de front vers des limites jusque-là non explorées, des limites où les principes prévalent, à n’importe quel prix.


« Quand nous levons le voile sur la situation de la femme, a déclaré May Chidiac, cela ne veut pas forcément dire que nous sommes féministes. Mais nous vivons dans une société où le confessionnalisme et la politique minent les droits des femmes. Il est grand temps de traiter la femme comme égale à l’homme, en lui permettant de transmettre la nationalité libanaise à ses enfants, en la protégeant de toute violence conjugale et en lui conservant ses droits dans les questions de mariage, d’héritage et de divorce. Dans le monde arabe, la militante qui soutient l’homme lors des révolutions, et impose le changement, ne doit pas être oubliée lors de la répartition du butin, des droits et des obligations », a souligné May Chidiac. Des affirmations soutenues par la Première dame Wafa’ Sleiman, qui a parrainé la conférence, et qui a déclaré que « les réalisations des femmes sont menacées aujourd’hui par la violence, l’extrémisme et l’individualisme, et il est nécessaire de s’intéresser aux femmes marginalisées et vulnérables tout autant que celles qui ont réussi leur défi ». Mme Sleiman a rappelé sur ce plan les réalisations de la Commission nationale pour les droits de la femme, qu’elle préside.

Trois Premières dames
Le forum s’est poursuivi par un panel modéré par Marcel Ghanem et regroupant trois Premières dames de la République libanaise : Joyce Gemayel, Nayla Mouawad et Mona Hraoui, qui ont évoqué les moments forts de leur expérience au palais présidentiel. « En 1968, a raconté Joyce Gemayel, je ne savais pas vraiment ce qui m’attendait. C’est avec le temps que j’ai découvert que la famille Gemayel était destinée à accumuler les sacrifices. Et comme j’aime le Liban plus que tout, j’ai accepté de tout donner à mon tour au sein de cette famille. Il était très difficile, à la mort de Bachir Gemayel, de sentir que je prenais le rôle de Solange, j’ai donc adopté un profil bas pour ne déranger personne, et nous avons vécu des jours très difficiles. Lorsque les menaces de Souk el-Gharb sont devenues imminentes, je me rappelle avoir renvoyé les enfants à Bikfaya, et j’ai décidé de rester auprès d’Amine. Plus tard, à Deir Zeraaya, nous avons ouvert un centre pour accueillir les enfants réfugiés, et cela reste une réalisation dont je suis fière. »

 

(Lire aussi : Douze Libanaises parmi les "100 femmes arabes les plus puissantes" de 2013)


De son côté, Nayla Mouawad affirme que « le titre de Première dame que j’ai conservé pendant seulement 17 jours est lié à la tristesse et au martyre ». « À l’assassinat de René Mouawad, j’étais à Ramlet el-Baïda quand l’information m’est parvenue. Je me préparais à me réunir avec l’ambassadeur d’Allemagne qui voulait financer un projet d’électricité pour le Liban, à la demande de René. La mort de ce dernier était un vrai choc. Après sa mort, je n’étais pas prête du tout à prendre la relève ; j’avais peur que l’on enterre la cause de René avec son corps, ainsi que son projet d’État, son accord de Taëf. Au départ, je soupçonnais les Iraniens, les Irakiens ou les Palestiniens d’avoir commis l’attentat. Ce n’est que plus tard que j’ai su que le régime syrien était derrière tout cela, quand les investigations n’ont pas été poursuivies », a-t-elle expliqué. Et d’ajouter : « René n’a jamais voulu que je me mêle de politique, en bon chéhabiste. Il m’était interdit de discuter politique. » Une déclaration qui pousse Joyce Gemayel à avouer : « Chez les Gemayel, en tout cas, les femmes n’ont pas le droit de parler. Moi aussi j’écoutais aux portes pour savoir ce qui se passait, par exemple lors de l’accord tripartite, qu’Amine dénonçait fermement. Je n’ai pas donné mon opinion, et je l’ai encouragé à prendre la décision qui lui convenait. »


Sur ce plan, Mona Hraoui tranche : « Il y a un seul président de la République. La Première dame n’est pas une présidente. Je soutenais Élias Hraoui et j’étais soucieuse de lui faire parvenir les critiques des gens. Mais pour des raisons d’État, Élias ne me mettait pas au courant des grandes décisions, comme lors du 13 octobre 1990, ou à l’arrestation de Samir Geagea. Ce jour-là, j’étais à Adma, et les forces de l’armée m’ont encerclée, croyant que je cachais Samir Geagea dans ma voiture. Plus tard, j’ai beaucoup compati avec Sethrida, mais il y avait une décision syrienne qu’on ne pouvait changer, et Élias avait mis en garde les Geagea à plusieurs reprises auparavant. » Concernant les mises à mort en série lors du mandat d’Élias, Mona Hraoui affirme qu’« elles étaient nécessaires ». Selon elle, « pour construire un État fort, il faut faire prévaloir la sécurité ».

Femmes d’affaires, diplomates, et correspondantes de guerre
Par la suite, la rencontre s’est poursuivie par une allocution de Naguib Sawiris, homme d’affaires égyptien ayant milité pour les droits de la femme ; et un témoignage de l’ancienne ministre Leila Solh Hamadé, vice-présidente de l’Association al-Walid ben Talal, qui a déclaré qu’« après avoir perdu son père, sa mère, son mari et sa sœur, elle n’avait d’autre choix que de se projeter sur les lignes de front ».


De leur côté, Annette Maalouf Rami, cofondatrice de la chaîne de restaurants Casper & Gambini’s, et Maha Arayssi Rifaï, cofondatrice de la ligne cosmétique Beesline, ont raconté l’histoire de leur succès dans le monde des affaires. Enfin, la cérémonie a été clôturée par deux tables rondes. La première, modérée par l’ambassadeur du Royaume-Uni, Tom Fletcher, a regroupé des femmes diplomates dans le monde arabe. La seconde a fait intervenir des correspondantes de guerre au Moyen-Orient. Raana Rahim, ambassadeur du Pakistan au Liban, a estimé que « les femmes au Pakistan possèdent des droits légaux beaucoup plus qu’au Liban ». La question du quota féminin a par ailleurs été soulevée, Angelina Eichhorst, ambassadrice de l’Union européenne au Liban, et May Chidiac l’ayant férocement défendue, comme « mécanisme temporaire nécessaire ». Mme Eichhorst a aussi noté que la représentation des femmes n’est pas encore excellente en Europe, 17 pour cent des ambassadeurs de l’UE étant des femmes.
Quant aux correspondantes de guerre, elles ont indiqué à l’unisson que leur métier ne diffère en rien de celui des hommes. Par contre, la correspondante de France 24, Sonia Dridi, a évoqué l’accident de harcèlement sexuel qu’elle a subi place Tahrir, estimant avoir rapidement minimalisé l’incident, devenu fréquent, malheureusement, en Égypte.

 

 

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