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À La Une - Le point

Morsi seul contre (presque) tous

L’Égypte se démocratise. Un peu trop vite au gré des Frères musulmans, qui n’ont pas vu d’un bon œil la défection du procureur général Talaat Ibrahim, poussé à la démission par 1 300 magistrats en colère qui, pour l’obtenir, n’avaient pas hésité à faire le siège de son bureau. Le départ a été aussitôt qualifié de « crime » par la confrérie, inquiète devant la tournure prise par les événements au lendemain du premier tour du référendum sur le projet de Constitution où le « oui » a recueilli 57 pour cent des voix, un score jugé d’autant plus maigre que les votants représentaient un peu moins de 31 pour cent du corps électoral.
Les Ikhwane ont toutes les raisons de se faire du souci. Au lendemain de la pitoyable prestation de leur représentant à la tête de l’État dans la crise provoquée par le désormais célèbre décret du 22 novembre, largement abrogé depuis, Mohammad Morsi collectionne les gaffes. Aujourd’hui, la palette des mécontents va de l’opposition, ce qui est normal, à l’Union européenne, ce qui l’est moins, en passant par les militaires, les juges et... certaines fractions au sein de sa propre formation. La contre-performance, on le reconnaîtra, mérite d’être saluée.
Pendant ce temps, la vaste coalition regroupant les adversaires du régime, qui n’avait cessé ces derniers temps d’engranger des points, semble s’essouffler, ou à tout le moins vouloir marquer un temps de pause en prévision du second round de la confrontation appelé à se dérouler samedi dans les dix-sept gouvernorats qui ne se sont pas encore prononcés. Après s’être approprié la presque totalité des pouvoirs, le président de la République a donné l’impression de faire marche arrière lorsqu’il a aboli, la semaine dernière, la majorité des dispositions controversées. Sans pour autant amadouer ses critiques.
Les manifestations du 5 décembre sur l’emblématique place al-Tahrir ont fait des morts, une dizaine, ainsi que des centaines de blessés. Aujourd’hui, les parents de certaines de ces victimes se proposent, ont-elles laissé entendre, d’engager des poursuites contre le raïs, accusé d’incitation au meurtre et de négligences graves. Après tout, font valoir ces familles, c’est pour des raisons similaires que l’ancien président Hosni Moubarak purge actuellement une peine de prison à vie et que des têtes sont tombées qui appartenaient à sa camarilla.
L’ancien candidat à la présidentielle Khaled Ali, pour sa part, a déjà saisi la justice d’une demande d’annulation du référendum sur le projet de Loi fondamentale décidé, souligne-t-il à l’appui de sa démarche, suivant une procédure entachée d’illégalité. Avec un groupe d’activistes, il affirme que la Cour suprême constitutionnelle ne pourra qu’émettre un avis favorable, annuler la décision prise par Morsi à la mi-août et dépouiller le président des prérogatives qu’il s’était octroyés.
Tout cela n’est pas du goût des pays occidentaux qui, longtemps, avaient caressé le rêve d’un régime certes islamiste, mais assaisonné à la turque, et qui, gênés, le voient prendre une direction différente. Ajoutez à cela le fait que le pays connaît des difficultés de trésorerie, un problème endémique auquel ni Abdel Nasser, ni Sadate, ni Moubarak n’ont réussi à trouver une solution. Le chômage atteint des sommets inconnus jusque-là, le déficit culmine à 11 pour cent du produit intérieur brut, les touristes boudent un pays qui figurait jadis parmi les destinations favorites et les devises étrangères manquent cruellement, ce qui est dramatique pour une nation qui doit importer ses produits alimentaires. Le Fonds monétaire internationale avait consenti un prêt de 4,8 milliards de dollars qu’il a dû geler à la demande du chef de l’État.
Depuis quarante-huit heures on constate un net mouvement populaire en faveur de la nouvelle Constitution. Si le texte est approuvé à une majorité étriquée ou grâce à une faible participation, il lui manquera la légitimité que seule peut conférer la vox populi. Et l’image des Frères musulmans en souffrira, elle que l’on donnait il y a peu comme imbattable dans une consultation populaire.
Dans le choix de la « Personnalité de l’année », un classique de l’hebdomadaire Time, c’est Barack Obama qui l’emporte pour 2012, loin devant une dizaine de concurrents dont... Mohammad Morsi. Il est évident que les Américains n’ont pas cessé d’avoir pour le président égyptien les yeux de Chimène, mais pour un temps indéterminé. C’est là la force de l’intéressé. Sa faiblesse aussi.
L’Égypte se démocratise. Un peu trop vite au gré des Frères musulmans, qui n’ont pas vu d’un bon œil la défection du procureur général Talaat Ibrahim, poussé à la démission par 1 300 magistrats en colère qui, pour l’obtenir, n’avaient pas hésité à faire le siège de son bureau. Le départ a été aussitôt qualifié de « crime » par la confrérie, inquiète devant la...

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