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À La Une - Environnement

L’empreinte écologique, pour pointer du doigt les Etats pollueurs

Le 5e rapport du Forum arabe pour l’environnement et le développement (AFED) montre que si tous les hommes vivaient selon la moyenne de chaque habitant du Qatar, il nous faudrait 6,6 planètes bleues pour assurer les ressources nécessaires.

Vue d’ensemble des personnalités présentes à l’inauguration de la conférence annuelle de l’AFED, à l’occasion de laquelle le rapport du forum « Les options de survie : l’empreinte écologique » a été lancé. Photo AFED

Las d’appeler les États à ménager l’environnement, les militants verts ont innové en lançant un outil original, qui montre du doigt les États pollueurs, sur base de la consommation per capita, c’est-à-dire par individu : l’empreinte écologique. Outil de mesure de l’impact de l’activité humaine sur les ressources terrestres, cette empreinte est le résultat du rapport entre ressources utilisées et ressources disponibles. Plus l’empreinte est large, plus le pays est pollueur. Ce concept, élaboré par Mathis Wackernagel, président du Réseau mondial de l’empreinte écologique (Global Footprint Network), a fait l’objet du 5e rapport de l’AFED, lancé lors de la Conférence annuelle internationale du forum, qui s’est tenue cette semaine à Beyrouth, à l’hôtel Phoenicia. C’est à la demande de l’AFED en effet que le Réseau mondial de l’empreinte écologique a établi un atlas relatif aux pays arabes, dont les chiffres ont été utilisés dans le rapport.


Nagib Saab, président de l’AFED, a estimé que la conférence, ayant regroupé près de 500 experts du monde à Beyrouth, constitue « une première, puisque pour la première fois sans doute, ce sont les pays du Sud qui élaborent l’agenda des meetings et prennent le devant pour gérer leurs problèmes ».

Les Arabes consomment le double de leurs ressources
Mais au-delà d’inciter les pays du Sud à l’action, le rapport centré sur les pays arabes révèle, à travers le prisme de l’empreinte digitale, des résultats fort négatifs pour certains pays du Golfe, et pour la région dans sa globalité. Selon le rapport, en effet, les Arabes consommeraient le double des ressources naturelles dont ils disposent. Plus encore, trois États arabes occupent les trois premières places au monde en termes d’empreinte écologique : le Qatar, suivi du Koweït et des Émirats arabes unis. L’impact négatif de la consommation dans ces pays est lié surtout à l’utilisation de l’air conditionné et à la désalinisation de l’eau, deux processus pollueurs.

 

(Lire aussi : À Doha, le face-à-face des pays développés et en développement porte un nom, l’argent)


Les chiffres révèlent par exemple que si tous les habitants de la Terre vivaient selon la moyenne générale (ressources utilisées par rapport aux richesses disponibles) du citoyen arabe, l’humanité aurait besoin de 1,2 planète Terre. Et encore. S’ils vivent selon la moyenne de chaque habitant du Qatar, il nous faudrait 6,6 planètes bleues pour pallier la consommation des hommes et supporter les émissions de gaz carbonique. En revanche, si le monde vivait au rythme du citoyen maghrébin, l’humanité se suffirait des trois quarts de la planète.



Un début de prise de conscience ?
Ce raisonnement se transpose également à l’échelle individuelle. La métaphore de l’empreinte représente ainsi les dégâts que laissent les pas de chacun. Alors que l’ampleur du tort causé ne semblait pas jusque-là troubler les consciences, ni modifier quelque peu les choix des décideurs politiques, l’empreinte écologique a déclenché une prise de conscience au niveau de certains responsables arabes. Choqué par les résultats du rapport, le Qatar a établi un mécanisme interne, coordonné par un comité d’experts, pour mettre en œuvre les réformes nécessaires. Notons en outre que le Maroc constitue un modèle dans la région, depuis qu’il s’est engagé, en vertu d’un plan national, à convertir 60 % de son énergie en énergie renouvelable d’ici à 2020. Cette initiative a été présentée comme « l’une des plus importantes au monde », selon Mohammad el-Ashry, cadre du Réseau de la politique de l’énergie renouvelable (Renewable Energy Policy Network).

Le Liban peu prometteur...
Au Liban, rien ne présage d’une action en ce sens, même si le ministre de l’Environnement Nazem el-Khoury, représentant le chef de l’État Michel Sleiman à l’inauguration, a qualifié « d’inquiétants » les chiffres révélés par le rapport, appelant les gouvernements arabes à élaborer un plan d’action interne et à organiser régulièrement des forums de coordination. Certes, le Liban a été le premier dans la région à lancer un plan d’action national relatif à l’usage efficace de l’énergie (février 2012), suivi de l’Égypte et du Soudan, en réponse à la directive du Centre régional pour l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique (Le Caire), comme l’a relevé son directeur exécutif Tareq Emtairah, mais Najib Saab ne cache pas son scepticisme à L’Orient-Le Jour. Faisant remarquer, en référence au rapport, que « le Liban consomme trois fois plus que ce qu’il n’a », il a déploré « le manque de structure propice à la mise en œuvre de politiques environnementales mondiales. Autrement dit, les mécanismes actuels de prise de décision politique ne sont pas réceptifs aux réformes vertes.
D’ailleurs, le Liban était absent du panel ministériel, ayant regroupé d’anciens ministres de l’Environnement ou de la Santé, venus d’Égypte, du Koweït, de Palestine et du Soudan, pour prendre part à un débat sur les « politiques de survie et de développement », modéré par l’ancien Premier ministre jordanien Adnan Badran.

Écologie et bonheur individuel
Le mérite sans doute de l’empreinte écologique, indépendamment de l’exactitude de la mesure, est de pouvoir s’intégrer aux politiques de gouvernance nationale. Elle constitue en effet un indicateur du développement durable, comme l’est, pour l’économie du pays, le produit national brut, par exemple. Elle concrétise ainsi l’approche de « la Croissance verte », nouvel élément de l’argumentaire des environnementalistes, détaillé d’ailleurs dans le rapport MED 2012, coordonné par la Banque mondiale, et auquel a collaboré l’AFED. Planifier une croissance verte, c’est associer les intérêts économiques à la préservation des ressources naturelles. L’empreinte écologique pousse le raisonnement plus loin en associant la gestion raisonnable des ressources au bien-être des individus. L’empreinte du pays est directement liée à l’activité de chaque individu, ce qui devrait accroître la responsabilité citoyenne en faveur de l’environnement. L’exemple des subventions en est particulièrement révélateur. Plusieurs intervenants ont insisté sur le fait que l’abolition des subventions sur les prix des hydrocarbures n’appauvrit pas les citoyens, alors que le maintien de ces subventions enrichit les riches. Un premier enjeu pour les gouvernements serait d’insérer progressivement cette idée dans l’entendement des citoyens, tout en réduisant peu à peu les subventions. « C’est uniquement lorsque les prix des ressources sont élevés, que leur gestion est optimisée », ont convenu les intervenants.

 

(Pour mémoire : Fonte de la banquise, chaleur, froid... 2012, année des records)


D’ailleurs, Mathis Wackernagel, interrogé par L’OLJ sur la teneur de l’empreinte écologique, l’a définie comme « une opération de comptabilité élémentaire : il est important de respecter le budget de la nature, au risque d’être dans un grave pétrin ». » Le citoyen doit apprendre à ne pas se gaver, mais à être en bonne santé », a-t-il conclu.

 

 

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