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Une partition de la Syrie, pas inéluctable, mais redoutée

Le morcellement du territoire a commencé avec la création de zones libérées.

Azaz, dans le nord de la Syrie, une ville que les rebelles affirment avoir libérée, mais dont les bâtiments publiques sont, pour la plupart d'entre eux, en ruines. AFP/MIGUEL MEDINA

Souvent évoqué depuis le début du conflit, le risque d’une partition de la Syrie en plusieurs entités est redouté par les observateurs de la crise qui y voient le terreau de désordres futurs, internes et internationaux.


Le morcellement du territoire a commencé avec la création de zones libérées où le pouvoir du président Bachar el-Assad ne s’exerce plus. Quelque 700 000 personnes, selon des sources françaises, sur une population de 23 millions de Syriens, s’y auto-administrent, au Nord, près de la Turquie et au Sud, près de la Jordanie, sous la seule protection de l’opposition armée. De même, les quelque deux millions de Kurdes vivant sur des portions de territoire discontinues, dans le nord du pays jusque dans le nord-est, ont commencé à s’organiser, avec la volonté de constituer un embryon d’État.

 

« L’armée syrienne les laisse faire. Le régime n’a pas les moyens de tenir ces régions. Il sait en outre que les Kurdes sont très opposés à l’Armée syrienne libre (opposition), c’est une carte » pour lui, observe Fabrice Balanche, professeur à l’Université Lyon II. Un million de Kurdes environ vivent aussi à Damas et à Alep. La minorité druze (700 000 personnes) pourrait aussi être tentée de créer un territoire-refuge autonome, dans le Sud, souligne M. Balanche.

 

Mais un autre risque de partition vient de la minorité alaouite du chef de l’État, qui, s’il se sent aux abois, pourrait se réfugier dans son bastion de la zone côtière de l’Ouest, du sud-ouest de Homs jusqu’au port méditerranéen de Lattaquié plus au Nord et vers Hama. La minorité alaouite représente 11 % de la population. « Le processus de partition ne va pas de soi, mais si Bachar tombe, il est clair que les alaouites se barricaderont chez eux » sur la côte, une partie des chrétiens (10 % de la population) venant aussi se réfugier dans cette région, affirme M. Balanche. Si la majorité sunnite (74 % de la population) prend le pouvoir, Russes et Iraniens se contenteraient du maintien des alaouites, qu’ils soutiennent, sur cette portion du territoire côtier où Moscou dispose, à Tartous, de sa seule base en Méditerranée, prédit-il.

 

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a évoqué cette éventualité en début de semaine : « Si les choses restent en l’état, il y a un risque de partition de la Syrie, qui serait un drame, avec une partie qui serait une Syrie quasiment iranienne (...). Dans le contexte déjà très divisé de la région, c’est une certitude de conflits futurs. »
Le roi Abdallah II de Jordanie avait déjà en août vu dans ce « plan B » d’une enclave alaouite, « le pire des scénarios ».

 

« Dès qu’on commence à ouvrir la boîte de Pandore de la fragmentation, vous pouvez avoir des velléités de partition au Liban qui peut s’embraser comme dans les années 80, voire en Irak, en Turquie », affirme M. Balanche, prédisant en Syrie même des transferts de populations, massacres et épurations. Pour Karim Émile Bitar, de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), cette hypothèse d’un repli de Bachar el-Assad sur la côte « en dernier recours », bien que « plausible », ne serait pas tenable dans la durée. Un mini-État alaouite, selon lui, ne serait pas autonome économiquement, n’aurait pas de reconnaissance internationale et « assurer l’homogénéité communautaire ne pourrait se faire sans une sorte de nettoyage ou des déplacements de populations qui seraient assez tragiques ». « Même les Russes seraient un peu hésitants. L’Iran, aussi, a besoin d’une Syrie tout entière qui soit son alliée » et une enclave alaouite n’aurait pas les faveurs de Téhéran, dit-il.


Philippe Moreau Defarges, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), est plus catégorique : « Le risque en Syrie, ce n’est pas du tout la partition, mais c’est plutôt, hélas, l’enlisement, avec beaucoup de sang encore. »

Souvent évoqué depuis le début du conflit, le risque d’une partition de la Syrie en plusieurs entités est redouté par les observateurs de la crise qui y voient le terreau de désordres futurs, internes et internationaux.
Le morcellement du territoire a commencé avec la création de zones libérées où le pouvoir du président Bachar el-Assad ne s’exerce plus. Quelque 700 000...

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