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À La Une - La chronique de Nagib Aoun

Le rapt d’Allah

Le cours de l’histoire sera-t-il interrompu ou drastiquement modifié à cause de la montée de l’islamisme ? Le printemps arabe est-il déjà l’otage des fous d’Allah, de ceux qui veulent remonter aux sources de l’islam pour préparer l’avenir, paver la voie à leur accession au pouvoir ?


Ce qui se passe en Libye et en Tunisie, surtout dans la Tunisie de Bourguiba, celle qui avait placé l’héritière de Carthage sur la carte de la modernité, pose plus d’un point d’interrogation, laisse planer plus d’un motif d’inquiétude. La chute des dictatures a laissé des places vacantes et les régimes répressifs ont alimenté, au fil des décennies, le terreau de l’extrémisme revanchard. C’est donc tout naturellement que les salafistes s’évertuent à se faire une place au soleil, à s’imposer comme interlocuteurs prédominants.


Mais le tumulte que crée ce courant, le malaise qui s’accroche à ses basques du fait de dérapages contrôlés ne signifient nullement qu’il bénéficie de l’appui ou de la caution des populations concernées. Celles-ci ont eu le temps de réaliser ce qu’il en coûte de plébisciter une dictature, de soutenir une nouvelle « démocrature » pour reprendre le terme utilisé par Laurent Joffrin dans Le Nouvel Observateur.


Toutes les révolutions, ne l’oublions pas, sont suivies d’épisodes chaotiques et souvent sanglants, la plus célèbre de celles-ci, la française, ayant même dressé potences et guillotines, et amené au sommet de l’État de véritables despotes qui entendaient prêcher la bonne parole... par le fil de l’épée. Aujourd’hui, la France est une grande démocratie, mais nombreux ont été les événements avilissants qui ont précédé la sortie vers la lumière, le retour à la raison...


Tout cet avant-propos, toutes ces références à des bouleversements accomplis ou en cours constituent l’entrée en matière, le prologue à ce qui nous touche directement pour ce qui est autant du voisinage que des inévitables implications d’ordre politique ou sécuritaire. Quel avenir pour la Syrie, quelles conséquences sur la scène libanaise, quel rôle, présent et futur, pour les mouvances extrémistes, celles qui ont pris le train en marche et essayent de le détourner de sa voie initiale ?


Nul ne saurait le contester aujourd’hui : la Syrie est en pleine guerre civile, et la rébellion, qui, au départ, était dans la trajectoire naturelle du printemps arabe, s’est radicalisée du fait même des atrocités commises par le régime et de la répression qui a ciblé la communauté majoritaire du pays, à savoir les sunnites.


C’est dans ce contexte que salafistes et autres jihadistes ont fait irruption sur la scène syrienne. Les frontières sont poreuses, et la nature même du conflit qui a basculé dans les massacres collectifs, comme dans la localité de Daraya, a ouvert la voie à l’intrusion d’éléments étrangers venus combattre « l’hérésie » alaouite. Une dérive qui porte préjudice à la rébellion syrienne, mais qui perdra sa raison d’être le jour même où le tyran sera abattu, pour la simple raison que la Syrie, dans sa pluralité sociétale, reste, dans son immense majorité, réfractaire aux fanatiques et fous de Dieu.


Proximité géographique et imbrications politiques obligent : les vases communicants entre le Liban et la Syrie ne pouvaient qu’être réactivés, redynamisés, avec l’afflux de réfugiés et de « valises piégées », et les « visites nocturnes » musclées dans des localités frontalières. Que des extrémistes trouvent là un terrain fertile pour leurs activités, il n’y a pas lieu de s’en étonner. L’omnipotence armée du parti de Dieu chiite et la campagne systématique contre le sunnisme politique modéré, à laquelle s’était rallié le courant aouniste, avaient déjà pavé la voie à l’irruption d’islamistes fanatisés, déterminés à rétablir les équilibres rompus.


Mais au Liban, encore plus qu’en Syrie, le phénomène du salafisme reste conjoncturel et s’évanouira lorsque les raisons qui l’ont propulsé au premier plan auront elles-mêmes disparu. En d’autres termes, lorsque le régime baassiste en Syrie aura été terrassé, le Hezbollah affaibli, délesté de la « protection divine », et l’Iran privé de ses crocs invasifs.
Vues de l’esprit ? Nullement ! Au rythme où vont les choses au Moyen-Orient, c’est toute une carte qui se redessine, de nouvelles alliances qui se nouent et des fusions viscérales qui se dénouent. L’automne et l’hiver à venir seront-ils ceux de toutes les surprises ? La réponse viendra sûrement de la Syrie et peut-être d’Israël...

Le cours de l’histoire sera-t-il interrompu ou drastiquement modifié à cause de la montée de l’islamisme ? Le printemps arabe est-il déjà l’otage des fous d’Allah, de ceux qui veulent remonter aux sources de l’islam pour préparer l’avenir, paver la voie à leur accession au pouvoir ?
Ce qui se passe en Libye et en Tunisie, surtout dans la Tunisie de Bourguiba, celle qui avait...
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