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À La Une - Exposition

Flash-back en images sur les révolutions du XXe siècle

Au Beirut Art Center*, l’exposition thématique « Revolution vs revolution », un bouleversant flash-back en images, par quinze artistes internationaux, sur plusieurs révoltes sociales ou révolutions politiques ayant jalonné la deuxième moitié du XXe siècle.

Iran Revolution, de Abbas. (1978-9) © Abbas / Magnum Photos

Il est des expositions qui sont des émerveillements pour les pupilles et d’autres qui vous transportent dans le monde fantasmagorique de ceux qui les ont conçues. Il y a évidemment celles qui ne méritent pas que l’on s’y attarde, mais il y a aussi les autres, ces expositions qui vous accrochent dès la première légende et ne vous lâchent plus, même lorsque vous vous en éloignez à des dizaines, des centaines de kilomètres. Ces expositions-là, on n’en sort jamais.

 

Leur visite constitue une expérience enrichissante et marquante sur le plan intellectuel et humain. Tel est le cas de «Revolution vs revolution». Le Beirut Art Center, l’hôte et le curateur, propose d’explorer certaines conjonctures qui, durant les cinquante dernières années, ont occasionné des changements radicaux, la montée ou la chute de régimes et d’idéologies, des mouvements sociaux et politiques qui ont secoué le monde et continuent de le faire aujourd’hui.

 

Les thèmes abordés par quinze artistes d’envergure internationale sont : la révolution iranienne de 1979, à travers un reportage photographique de Abbas; l’effondrement de l’Union soviétique et la chute du communisme en Europe, avec les collages et les aquarelles de Vyacheslav Akhunov; la vidéo de Phil Collins intitulée Marxism Today; les centaines de photos petit format de Dacita Dean, prises à Prague juste après la révolution de Velours en 1991, et les documents visuels récoltés par Marysia Lewandowska et Neil Cummings des «films clubs amateurs» polonais.

 

Chandelier, Steven Cohen (2001). Performance, Newtown Johannesburg.

Photo: John Hogg Courtesy of the artist and Stevenson Gallery

 

Hai Bo se penche, pour sa part, sur la révolution culturelle chinoise avec des photos qui en disent long sur la disparition d’un grand nombre de ses protagonistes.

L’apartheid, ses atrocités et sa fin sont explorés par David Goldblatt et sa «photographie personnelle». Sujet, également, des films animés de William Kentridge et de la vidéo-performance de Steven Cohen.

Le mouvement estudiantin de 1968 est parfaitement bien illustré par une série de photos signée Alfredo Jaar, montrant deux étudiants opposant à la police armée... un grand miroir.

 

Fadi el-Abdallah, unique artiste arabe du lot, s’attaque, dans un texte très intéressant à lire et à relire, au nassérisme et à la montée du nationalisme arabe.

 

Le BAC a zappé, délibérément, le printemps arabe et toute référence directe à la situation actuelle dans la région. Mais voilà. La comparaison se fait insidieusement, subrepticement, indubitablement dans la tête du spectateur. Elle est d’ailleurs suggérée par le titre, en mettant en opposition une révolution vis-à-vis d’une autre. Un versus qui peut également faire référence à l’effet de domino d’une révolution sur une autre. Ou à un mouvement de microchangements qui se déroulent et se répercutent les uns sur les autres à travers l’espace et le temps.

 

Révolution contre révolution, donc. Mais voilà, aucune révolution ne ressemble à une autre. Les projets artistiques présentés ici en sont la preuve s’il en faut. Naviguant de salle en salle, de mur en mur, entre photographies, films d’animation ou projection de documentaires, ou encore présentation de données d’archives, le spectateur se rend compte que chaque «révolution» a son terreau, ses conjonctures régionales ou nationales spécifiques. Chacune est portée par des forces sociales et générationnelles particulières et se produit à un moment donné du développement du pays. Ces révolutions présentent toutefois un point commun, sans lequel elles ne porteraient pas leur nom: la prise du pouvoir. Mais, au fait, quand est-ce qu’une situation devient révolutionnaire? À cette question, Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, répondait: «C’est seulement lorsque ceux d’en bas ne veulent plus et que ceux d’en haut ne peuvent plus continuer à vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher.»

 

Lenin’s Plan of Monumental Propaganda, Vyacheslav Akhunov.

1981. Courtesy of the artist

 

Bon, il est clair que les analogies paresseuses et anachroniques entre révolution et totalitarisme ne convainquent aujourd’hui plus personne. Les temps ont changé et les artistes aux œuvres ici présentes invitent à interroger ce phénomène historique qui, à intervalles réguliers, vient rompre le cours du temps pour renverser les puissants et inventer des régimes censés être plus justes pour le plus grand nombre. C’est ce que propose aujourd’hui le Beirut Art Center à ses visiteurs libanais dans la tourmente des «révolutions» du monde arabe. Une exposition thématique qui nous invite à regarder la révolution (n’importe laquelle, passée ou présente, proche ou lointaine) bien en face, avec ce qu’elle charrie de méprises et d’occasions manquées, pour lui redonner sa dimension de laboratoire du politique.

 

Au final, pris d’un malaise devant ces pans d’histoires plus ou moins réussies, on ne peut s’empêcher de s’interroger: «S’il est nécessaire de casser des œufs pour faire une omelette, faut-il nécessairement que celle-ci ait un goût de sang?»

 

Les artistes participants

Abbas, Vyacheslav Akhunov, Francis Alÿs, Hai Bo, Phil Collins, Steven Cohen, Tacita Dean, Fadi el-Abdallah, David Goldblatt, Alfredo Jaar, William Kentridge, Susan Meiselas, Boris Mikhailov, Marysia Lewandowska et Neil Cummings.

 

* Jusqu’au 30 mars, du lundi au samedi, de 12h à 20h, Jisr el-Wati. Tél. : 01/397018.

 

Il est des expositions qui sont des émerveillements pour les pupilles et d’autres qui vous transportent dans le monde fantasmagorique de ceux qui les ont conçues. Il y a évidemment celles qui ne méritent pas que l’on s’y attarde, mais il y a aussi les autres, ces expositions qui vous accrochent dès la première légende et ne vous lâchent plus, même lorsque vous vous en éloignez à...

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