Le président russe Vladimir Poutine a rencontré dimanche le ministre saoudien de la Défense, Mohammad ben Salmane, à Sotchi, pour aborder les possibilités d'un règlement politique du conflit en Syrie, après l'implication russe massive sur le terrain. Au-delà de la réaffirmation de l'objectif « commun » de la lutte contre l'État islamique (EI) et le rappel de l'importance de la coopération russo-saoudienne sur le dossier syrien, aucune convergence sur un règlement politique du conflit ne semble pour l'instant s'esquisser. L'équation politique posée par Riyad, qui exige comme préalable à toute solution négociée le départ de Bachar el-Assad, est totalement incompatible avec la position de Moscou pour lequel toute solution au conflit doit inclure le président syrien. La rigidité de ces positions peut-elle évoluer à la faveur de la transformation significative des rapports de forces ?
Si le terrain militaire n'est pas le front de combat principal, et que la guerre se gagne ou se perd avant tout sur le terrain politique, en revanche ce sont bien les rapports de forces qui déterminent la force des positions des acteurs d'un conflit au cours des négociations. En dehors des déclarations de chancelleries, l'engagement russe n'a pas eu jusque-là d'incidence réelle sur le terrain politique depuis le début des frappes russes en Syrie. La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a admis hier que l'intervention russe en Syrie « change la donne ». Une transformation décisive des rapports de force ne pourrait s'opérer qu'au terme d'un processus long et coûteux qui nécessiterait l'engagement de troupes russes au sol, hypothèse exclue par Moscou jusqu'ici.
De son côté, l'Arabie saoudite persiste dans sa volonté de fournir de nouveaux approvisionnements en armes et munitions à l'opposition « rebelle modérée ». Depuis le début de la crise syrienne, le vœu le plus clair et le plus constamment exprimé par Riyad est la fin du régime de Bachar el-Assad. En 2011, la pétromonarchie saoudienne avait parié sur la chute du président syrien qui entraînerait la déliquescence d'un système politique structuré autour de la tête de l'exécutif et de ses réseaux. Cet engagement résolu contre le régime syrien ne prend sens que dans le cadre général d'une confrontation globale avec l'Iran qui a consolidé sa présence en Irak, joue un rôle important au Yémen et se présente comme l'allié indéfectible du régime syrien. Or l'échiquier syrien est une pièce maîtresse de la stratégie saoudienne d'endiguement de l'influence iranienne et pour contrebalancer le gain politique de Téhéran en Irak.
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Lointaine hostilité
Un article du New York Time publié le 16 juillet 2015 « WikiLeaks Shows a Saudi Obsession With Iran » analyse, à partir des dizaines de milliers de documents publiés par WikiLeaks, la lointaine hostilité envers Téhéran et le travail accompli depuis des décennies par la sourde diplomatie saoudienne des pétrodollars pour concrétiser son agenda politique. La stratégie de financement de groupes intégristes tous azimuts dans les pays de la région à l'équilibre précaire comme l'Afghanistan, et l'interdiction faite aux pays bénéficiaires d'accepter toute forme d'aide en provenance de l'Iran « chiite » en est la manifestation la plus directe. Sur les 60 mille câbles fuités, des documents et des rapports font état de l'implication saoudienne dans le soutien direct de certains groupes terroristes en Syrie. Dans un article éclairant de mai 2014 paru dans Le Monde diplomatique, « Affirmation de l'Iran, tensions avec le Qatar, la grande peur de l'Arabie saoudite », le politologue Alain Gresh revient sur l'implication saoudienne en Syrie et "la mise en œuvre d'une politique confiée au prince Mohammad ben Nayef, le ministre de l'Intérieur, qui avait écrasé l'insurrection islamiste de 2003, donne toujours la priorité à la « guerre contre le terrorisme ». Le prince Bandar ben Sultan, chef des services de renseignements depuis juillet 2012, a cherché de son côté l'efficacité dans le combat contre Assad, y compris en soutenant des groupes salafistes du Front islamique. Son manque de vigilance dans l'acheminement des armes aurait suscité l'inquiétude des États-Unis, etc."
Riyad a dès le départ compris l'importance du dossier syrien pour contenir l'influence de Téhéran. Mais dans un contexte où aucun des acteurs du conflit syrien n'a été jusque-là en mesure d'opérer un basculement définitif du rapport de forces, la politique saoudienne pourrait suivre une ligne plus sinueuse.
(Reportage : Quand les familles russo-syriennes reprennent espoir)
Contradiction russo-iranienne
Le rapprochement entre Riyad, Doha, Ankara et la coordination militaire sur le terrain syrien avait permis il y a quelques mois la mise en place d'une nouvelle alliance militaire, l'Armée de la Conquête qui a remporté d'importantes victoires dans une grande partie de la province d'Idleb, au nord de la Syrie. Mais la nouvelle donne introduite par l'intervention russe pourrait laisser place à d'autres calculs politiques qui n'excluent pas l'éclosion d'un consensus russo-saoudien à terme si Riyad parvient à jouer des contradictions entre Moscou et Téhéran. La relation qui caractérise l'Iran et la Russie est à la fois la convergence d'intérêts sur la question syrienne mais une concurrence entre deux puissances pour l'affirmation du leadership régional. Or la présence renforcée des Russes en Syrie risque d'accroître leur influence au détriment de celle de l'Iran. Dans ce scénario, Riyad qui, tout en maintenant sa relation privilégiée avec Washington, a diversifié ses partenariats, y compris avec Moscou, pourrait trouver un terrain d'entente avec la Russie. L'Arabie saoudite pourrait donc exercer une pression accrue sur ses alliés en Syrie en échange d'une concession russe sur le départ de Bachar el-Assad. Le pari sur les contradictions russo-iraniennes implique une évolution décisive sur le terrain qui consacrerait le leadership de Moscou. Or la situation est loin d'être acquise.
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commentaires (5)
La colere est mauvaise conseillere , les bensaouds l'ont bien compris et c'est pour cela qu'ils viennent demander allegeance a Poutine NPM ,comme l'a fait natibaba et ses 40 voleurs . La donne sur le terrain a change , on l'entend bien avec les appels au meurtre de russes et de mises a prix etc.. les huluberlus se feront toujours avoir parce que si ces appels faits avec vociferation pouvaient changer quoi que se soit , la Palestine serait liberee par les memes qui melangent torchon et serviettes . Il faut bien suivre les nouvelles et arreter de regarder l'avenir dans un retroviseur , en croyant pouvoir comprendre que la route devant soi est encore tres longue, avant le terminus . .
FRIK-A-FRAK
16 h 23, le 13 octobre 2015