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Moyen Orient et Monde - Analyse

Les États-Unis post-11-Septembre, ou « la plus puissante appropriation opportuniste du terrorisme »

Les attentats du 11-Septembre constituent au premier abord un tournant décisif dans la politique étrangère américaine. Pourtant, loin d'être une rupture brutale, il réhabilite la logique de l'expansionnisme pour le contrôle des ressources de la mer Caspienne.

Si, sous l'ère soviétique, le pétrole de la mer Caspienne est resté inexploité, l'épisode spectaculaire du 11-Septembre favorise la conquête de cette zone par les États-Unis. En effet, l'intervention en Afghanistan, présentée comme la réplique aux attentats terroristes, n'est en réalité qu'une nouvelle étape dans le Nouveau Grand Jeu, dixit Rudyard Kipling, de la rivalité féroce entre puissances. Pour de nombreux observateurs, le repositionnement géostratégique américain a été rendu à la fois possible par les attentats, mais également par l'accession des néoconservateurs au pouvoir, le triomphe de l'unilatéralisme et des utopies à caractère messianique.

Dominer le « heartland »
Lorsque le 7 octobre 2001, les États-Unis engagent l'offensive « Liberté immuable » en Afghanistan, la principale préoccupation de Washington est d'avoir la mainmise sur un pays qui constitue la clé de l'Asie centrale, une région aux enjeux géostratégiques cruciaux. Située entre l'Asie et l'Europe, l'Asie centrale est l'une des mieux dotées en ressources naturelles, notamment en gaz et en pétrole, ce qui lui confère un rôle économique de premier plan.
Cette zone a toujours occupé une place centrale dans les relations internationales. Historiquement, le continent eurasien qui s'ouvre sur le Pacifique et l'Atlantique est le carrefour stratégique majeur pour les échanges commerciaux, religieux et culturels, entre l'Europe et l'Orient et l'Orient et le monde slave. Il bénéficie d'une position naturelle exceptionnelle en raison de ses frontières communes avec la Chine, l'Afghanistan, l'Iran, la Russie et le Moyen-Orient. Ce rôle fondamental de l'Asie centrale est résumé par la citation populaire de Halford MacKinder : « Qui gouverne l'Europe de l'Est domine le heartland ; qui gouverne le heartland domine l'île-monde ; qui gouverne l'île-monde domine le monde. » Outre l'enjeu pétrolier, le contrôle et la stabilisation de cette région instable doivent également constituer un frein aux velléités expansionnistes des Russes et des Chinois. Ainsi la deuxième guerre d'Afghanistan qui fait suite au 11-Septembre est loin d'être étrangère aux intérêts stratégiques et économiques américains. Mais le repositionnement géostratégique n'aurait pas été possible sans l'accession des néocons au pouvoir, leurs reliquats de rêves messianiques et la doctrine de la guerre permanente.

Faire la guerre pour imposer la paix
Les attentats du 11-Septembre propulsent les États-Unis dans une nouvelle ère marquée par la volonté de sortir de leur dépendance énergétique vis-à-vis de leurs alliés historiques au Moyen-Orient. La priorité est donc de sécuriser le marché pétrolier à leur profit. Pour atteindre cet objectif, ils développent cette doctrine de la guerre permanente qui sert à légitimer le redéploiement militaire américain et l'implantation dans des pays de l'Asie centrale. Sous l'administration de Georges W. Bush, l'exercice de la puissance revient à des formes militaires traditionnelles. À cette époque, Washington renforce la défense antimissile et s'engage dans la voie de l'unilatéralisme absolu. Contrairement au principe fondamental du système westphalien selon lequel l'équilibre de la puissance est garant de la paix, la stratégie bushiste vise à recourir à la guerre pour imposer la paix selon la seule volonté des États-Unis. Cette guerre doit être menée en prévention de menaces réelles ou factices, comme le prouvera par la suite le prétexte des armes de destruction massive en Irak.
Michael Ledeen, l'un des néocons les plus radicaux, décrira la philosophie néoconservatrice en ces termes : « L'Amérique est un pays terriblement destructeur. Dans le monde, les gens nous aiment, et beaucoup nous détestent parce que nous les bousculons chaque jour... La destruction créatrice, c'est ça notre logo. Et nous menaçons ainsi la stabilité de tout le monde. » La vision des néocons est empreinte de messianisme national, nourri par la conviction que l'Amérique, dans sa grandeur, est porteuse de valeurs universelles, et qu'il lui revient la mission d'imposer par tous les moyens la liberté, la démocratie et la justice. Le 11-Septembre servira de prétexte fondateur pour lancer la guerre préventive, permanente et totale, pour poursuivre, martèleront les critiques des États-Unis, des objectifs impérialistes au mépris de toutes les dispositions du droit international et de la volonté des autres nations. « Il n'y a pas de juste milieu pour les Américains : c'est soit la victoire, soit l'holocauste », estiment David Frum et Richard Perle.
La république impériale impose alors sa logocratie au nom de la « guerre au terrorisme », notion floue et ambiguë qui, selon Jacques Derrida, ne permet pas « d'établir des démarcations claires entre guerre et terrorisme, terrorisme d'État et terrorisme non étatique, terrorisme et mouvements de libération nationale, terrorisme national et international ». Comme le résume l'observation de Derrida à propos de la guerre au terrorisme après le 11-Septembre : « La plus puissante et la plus destructrice appropriation opportuniste du terrorisme est précisément son emploi par toutes les parties impliquées dans la lutte, y compris les militaires, comme un concept évident en soi. »

 

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