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Moyen Orient et Monde - Reportage

« On ne partira pas, on ne revivra pas la tragédie de 1948... »

Menacé de destruction, le village palestinien de Soussia se bat pour sa survie face à des colons israéliens qui n'en finissent pas de l'attaquer.

Un habitant du village de Soussia, situé en Cisjordanie, regarde à travers la fenêtre de sa maison improvisée. Hazem Bader/AFP

Ils redoutent à chaque instant l'arrivée des bulldozers de l'armée israélienne. À Soussia, 340 hommes, femmes et enfants attendent anxieux et impuissants la destruction de leur village, déjà rasé à plusieurs reprises.
Leur sort, loin d'être unique dans les territoires occupés, est aujourd'hui au cœur de toutes les attentions : le département d'État américain a même indiqué « suivre de près » la question et mis en garde l'État hébreu contre « toute destruction à Soussia », qu'il considérerait comme une provocation. Le petit village du sud de la Cisjordanie occupée est en passe de devenir le symbole de la colonisation israélienne qui grignote chaque année un peu plus de terrain et bloque entre autres un processus de paix déjà au point mort. Pour l'ONG israélienne B'Tselem, une fois les maisons démolies, « soit les colons vont directement s'emparer des terres, soit les autorités vont les saisir pour les leur réattribuer ». Le Cogat, l'organe du ministère israélien de la Défense chargé de coordonner les activités israéliennes dans les territoires palestiniens, affirme que le « village s'est étendu de façon illégale et en dehors de sa zone historique », c'est-à-dire sans permis de construction. Il estime que la décision de la Cour suprême, qui a refusé dans un arrêt en mai de geler les ordres de démolition, devra être appliquée.

« Tentes, grottes »
Il y a quasiment 30 ans, les Palestiniens de Soussia, près d'Hébron, ont été expulsés de leur village après sa destruction et ont reconstruit leurs maisons un peu plus loin sur leurs terres agricoles. Ce n'était que la première expulsion. Depuis, il y en a eu deux autres, rapporte l'ONG Rabbins pour les droits de l'homme qui défend le village depuis des années devant les tribunaux israéliens. En 2001, explique Jihad al-Nawajaa, chef du Conseil du village, l'armée israélienne est venue détruire leurs maisons, affirmant qu'elles étaient construites sur un site archéologique.
Les habitants sont désormais installés sous des tentes ou dans des grottes naturelles. « Nous sommes inquiets, tout le temps sous pression depuis l'arrêt de la Cour suprême, on redoute que l'armée arrive pour tout détruire », raconte l'un d'eux Nasser Nawajaa. « Ils veulent qu'on aille habiter sur les terres des habitants du village de Yatta, et ça il n'en est pas question ! » lance-t-il. Car pour les habitants, le plan des Israéliens, c'est de les déplacer de la zone C, les 60 % de la Cisjordanie sous contrôle militaire et civil israélien, à la zone A, la seule relevant entièrement de l'Autorité palestinienne. Et tout cela, selon eux, pour laisser la place aux colons, déjà près de 400 000 en Cisjordanie et dont les représentants sont très influents au sein du gouvernement de Benjamin Netanyahu.

« On reviendra »
Selon l'Onu, moins de 1 % de la zone C est réservé au développement de la construction pour les Palestiniens, contre 70 % pour les colons. Les 29 % restants sont soumis à de drastiques restrictions qui rendent quasi impossible toute construction par les Palestiniens.
« Aujourd'hui, ils veulent nous expulser pour dégager l'espace et y faire un parc pour les habitants de la colonie de Soussia implantés sur nos terres », affirme le chef du village. « Ils nous ont volé nos terres et ils nous ont aussi volé le nom de notre village », ne décolère-t-il pas. Mais « on ne partira pas, on n'abandonnera pas notre village même s'ils nous en sortent de force, on reviendra dès le lendemain ». « On ne revivra pas la tragédie de 1948 », fulmine-t-il, en évoquant l'année de la Nakba, la création d'Israël qui a vu près de 800 000 Palestiniens fuir leurs terres sans y être jamais revenus depuis. La Cour suprême « utilise comme prétexte le fait qu'on n'aurait pas d'infrastructures dans notre village ». De fait aucune route, aucune ligne téléphonique, ne relie les 340 Palestiniens de Soussia au reste du monde. Mais, « en fait elles sont tout près », affirme Nasser Nawajaa. « À quelques mètres, nous avons des conduits d'eau et d'électricité, mais ils (les Israéliens) nous en interdisent l'accès et les ont détournés vers la colonie de Soussia », accuse-t-il. Ce sont ces colons de Soussia, aux côtés de l'organisation pro-colonisation Regavim, qui ont saisi la justice pour réclamer la démolition du village qu'ils appellent « colonie sauvage ». Au prix de plusieurs actions en justice pour différents motifs, la Cour suprême a finalement statué en faveur d'une démolition qui pourrait intervenir bientôt.
Samih SHAHEEN / AFP

Ils redoutent à chaque instant l'arrivée des bulldozers de l'armée israélienne. À Soussia, 340 hommes, femmes et enfants attendent anxieux et impuissants la destruction de leur village, déjà rasé à plusieurs reprises.Leur sort, loin d'être unique dans les territoires occupés, est aujourd'hui au cœur de toutes les attentions : le département d'État américain a même indiqué...

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