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Scan TV - Clin d’œil

Variations autour d’un tribunal

Le député et ancien ministre Marwan Hamadé lors de son témoignage au Tribunal spécial pour le Liban, le 18 novembre 2014. Capture d’écran LBCI

En zappant frénétiquement devant son petit écran, le téléspectateur libanais tombe parfois sans le vouloir sur des audiences du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), déterminé à faire toute la lumière sur l'assassinat en 2005 de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri – des audiences retransmises en direct de La Haye et qui commencent à ressembler à un feuilleton.

Chaque saison, les têtes (des témoins) changent, mais le banc des accusés reste désespérément vide. Tels des écoliers qui rêvassent face à un professeur qui s'attarde interminablement sur une leçon incompréhensible, les Libanais, fatigués par tant de procédures qu'ils savent pourtant inévitables, attendent pourtant le prochain épisode. Masochistes ? Non. Juste affamés de cette justice dont ils sont souvent privés au Liban, ils s'accrochent, sans toujours vraiment comprendre ce qui se dit, aux lèvres de ce procureur, de ces juges, avocats ou greffiers.... Et il s'en dit des choses, comme dans un thriller juridique, presque comme à Hollywood... Alors ils se mettent à espérer, à y croire : que, pour une fois, un crime perpétré au Liban sera résolu, que des assassins seront punis, que la vérité éclatera et que justice se fera.

Ce tribunal a coûté concrètement et symboliquement très cher au Liban, certes, mais cela reste minime face au coût moral, aux pertes humaines : ces intellectuels et ces journalistes dont rien au monde, aucune justice ne pourront compenser la perte. Le souvenir de l'assassinat reste douloureux et une page du Liban s'est définitivement tournée, que lumières se fassent ou pas. L'opinion publique s'est blasée par tant de crimes insolubles, tant de vies anéanties et tant de plumes brisées, mais elle n'est pas pour autant devenue amnésique. Le quotidien an-Nahar essaye de perpétuer la mémoire de Gebrane Tuéni, mais rien malheureusement ne le ramènera à la vie et toutes les fondations au nom de Samir Kassir ne ressusciteront pas cet esprit brillant, imbibé de liberté et de tolérance à une époque où la majorité du monde médiatique, académique et politique était bâillonnée.

En attendant, beaucoup de Libanais impliqués de près ou de loin dans cette histoire prétendent défendre la justice, sans se rendre compte en réalité qu'ils ne font que promouvoir leur propre conception de la justice, leur version des faits, qui se résume souvent à ce que leur zaïm ne soit ni impliqué ni accusé. En attendant, le TSL garde encore toute sa crédibilité, malgré les tentatives pugnaces de certaines factions politiques, donc de certains médias, de l'entacher d'une manière ou d'une autre. Sauf que les Libanais aimeraient que toute cette énergie et tout ce zèle déployés par quelques médias libanais soient mis au service de vraies enquêtes, de vraies investigations, que des scandales, et il y a pléthore au Liban, soient déterrés et rendus publics.

La théorie du complot est fort sympathique et attire sûrement des téléspectateurs assoiffés de pseudobuzz à deux sous. Mais il est largement temps que cette mascarade cesse. Largement temps que certains médias, certaines télévisions, notamment, rectifient le tir et retrouvent réellement cette indépendance que le TSL voudrait, jurent-ils à coups de spots rageurs, leur voler. Ce tribunal est une instance onusienne. Qu'il soit du 14 ou du 8 Mars, du centre ou de la périphérie, aucun Libanais ne peut se passer de
l'Onu.
Les Libanais ne sont pas seulement résilients, mais patients. Ils attendront, devant leurs petits écrans ou pas, que ce TSL finisse sa mission. Godot, parfois, peut réserver de belles surprises...

 

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