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Moyen Orient et Monde - Éclairage

El-Qaëda épargné par Riyad, mais jusqu’à quand ?

Un militant fidèle au président Hadi, hier à Taëz. Taha Saleh/AFP

En guerre contre el-Qaëda, l'Arabie saoudite a pourtant épargné jusqu'ici le réseau jihadiste sunnite dans ses raids au Yémen contre des rebelles chiites, mais elle devra à terme s'attaquer à lui pour y rétablir un semblant de stabilité, selon des experts. « La nature confessionnelle croissante du conflit donne aux extrémistes des deux camps une plus grande marge de manœuvre. Il en découle que le combat contre el-Qaëda ne semble pas être la priorité » de Riyad, explique Élie al-Hindy, professeur de sciences politiques à l'Université Notre-Dame au Liban.
L'Arabie saoudite a ainsi assisté sans réagir à la prise le 2 avril par el-Qaëda de Moukalla, capitale du Hadramout, la province la plus vaste du Yémen située dans le Sud-Est.
Des analystes ont alors évoqué un « effet pervers » de l'intervention et une « alliance de circonstance » entre l'Arabie, berceau du wahhabisme, et les extrémistes sunnites d'el-Qaëda qui considèrent les chiites comme des « hérétiques ».
Cependant, Riyad est en guerre depuis plus d'une décennie contre le « groupe déviant » de feu Oussama Ben Laden et « une alliance, même de fait, est exclue » avec el-Qaëda qui garde l'Arabie « dans son viseur », rappelle M. Hindy.
Selon des experts, el-Qaëda dans la péninsule arabique (Aqpa) a profité de l'absence de frappes saoudiennes sur le Hadramout pour pousser son avantage en s'emparant le 16 avril de l'aéroport de Moukalla, puis d'une base militaire où les jihadistes ont saisi des armes lourdes. « Pendant que la coalition est occupée à faire le travail (contre les houthis), Aqpa profite de la situation pour prendre des positions », note Mathieu Guidère, professeur d'islamologie à l'université de Toulouse. Il prévoit que si la coalition « parvient à faire reculer les houthis, la prochaine étape sera de s'attaquer à Aqpa qui menace également le pouvoir légitime au Yémen ».
L'ouverture d'un nouveau front compliquerait la tâche des Saoudiens. C'est pourquoi Washington, allié de Riyad et qui partage des renseignements avec la coalition, poursuit ses attaques de drone Predator contre Aqpa, en dépit de la fermeture de son ambassade et du départ précipité de ses forces spéciales. Aqpa a admis le 14 avril qu'un de ses idéologues, cheikh Ibrahim al-Rubaish, avait été tué dans une attaque de drone américain à l'ouest de Moukalla. Et, dans la nuit de samedi à hier, trois membres présumés d'el-Qaëda ont péri de la même manière dans la province de Chabwa.

La guerre « fait le jeu des jihadistes »
Depuis l'année dernière, le gouvernement central yéménite était pris en tenaille entre les chiites houthis du Nord et Aqpa, implantée dans le Sud-Est et considéré comme la branche la plus dangereuse d'el-Qaëda.
Selon Jean-Pierre Filiu, professeur à l'École de Paris des affaires internationales, l'Arabie « s'est trompée de cible en désignant Téhéran et les houthis comme ses principaux adversaires, alors que c'est l'ex-président Saleh (au pouvoir de 1978 à 2012) qui est le principal responsable de la descente aux enfers du Yémen ».
En outre, ajoute-t-il, « la mobilisation antichiite plutôt qu'anti-Saleh fait le jeu des jihadistes, sur fond de rivalité entre Aqpa et Daech (acronyme de l'État islamique) », notamment dans le Hadramout, berceau de la famille Ben Laden.
Riyad doit en outre prendre en compte l'implication des tribus locales. Après la prise d'un terminal gazier le 14 avril dans la province de Chabwa, des combattants de tribus se sont emparés trois jours plus tard des champs pétrolifères de Masila, dans le Hadramout. Un de leurs chefs, Ahmad Bamaes, a affirmé à l'AFP que ses hommes voulaient « protéger le gisement » et éviter qu'il « ne tombe sous l'emprise » d'el-Qaëda ou des houthis.
Selon M. Filiu, l'occupation de ces sites est « une nouvelle illustration de l'effondrement de l'État et participe d'une volonté de "réappropriation" de ressources qui avaient été accaparées par le régime Saleh ».
Selon des sources militaires, des membres ou d'ex-membres d'el-Qaëda se mêlent parfois aux hommes des tribus sunnites dans des opérations qui revêtent avant tout une dimension tribale. Pour Riyad, les jihadistes ne sont pas forcément tous des combattants d'el-Qaëda, mais plutôt les fils de tribus qui peuvent être des alliés naturels dans le conflit actuel. Dans un tel contexte, le retour à un semblant de stabilité sera ardu : « Le rétablissement à terme de la légitimité (du pouvoir central) est la voie à suivre pour éradiquer les factions extrémistes, mais cela prendra du temps », prévient M. Hindy.
René SLAMA/AFP

En guerre contre el-Qaëda, l'Arabie saoudite a pourtant épargné jusqu'ici le réseau jihadiste sunnite dans ses raids au Yémen contre des rebelles chiites, mais elle devra à terme s'attaquer à lui pour y rétablir un semblant de stabilité, selon des experts. « La nature confessionnelle croissante du conflit donne aux extrémistes des deux camps une plus grande marge de manœuvre. Il en...

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