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Moyen Orient et Monde - Conférence

Que sont réellement l’Unité 8200 et le Prism Program ?

De passage à Beyrouth, l'auteur et journaliste James Bamford s'est penché sur le rôle de la NSA, l'agence de surveillance américaine, dans la région.

L’ancien consultant du renseignement américain Edward Snowden. Photomontage OLJ/AFP

James Bamford aura passé trois jours à Moscou avec l'ancien consultant du renseignement américain Edward Snowden, plus longtemps qu'aucun journaliste depuis la fuite du « whistleblower » en Russie. De passage à l'American University of Beirut (AUB), le journaliste de Foreign Policy Magazine et auteur de best-sellers est revenu sur cette rencontre au cours de laquelle il a obtenu des diapositives et des informations détaillées sur le fonctionnement de la National Security Agency (NSA). Truffée d'anecdotes – comme le fait que les auteurs de l'attaque contre le Pentagone se trouvaient dans un motel de l'autre côté de la rue –, la conférence a porté sur l'omniprésence de la NSA dans le monde, mais plus particulièrement au Moyen-Orient où Israël joue un rôle majeur dans la cyberguerre lancée par Big Brother. De fait, explique James Bamford, « personne n'est à l'abri de la surveillance massive de l'agence dans le monde, pas même les Américains ». Les tentacules de la plus grande agence de surveillance du monde, dont les quartiers généraux dans le Maryland fonctionnent comme une petite ville à part entière, s'étendent aux quatre coins du globe depuis longtemps déjà.
Mais depuis les attaques du 11-Septembre, plus aucun pays n'est épargné. Si la NSA a des relais principaux qu'elle a surnommés les cinq « yeux », ou « five eyes » (États-Unis, Canada, Australie, Royaume-Uni et Nouvelle-Zélande), plus d'une trentaine de pays participent également à son réseau de surveillance massive. Les Émirats arabes unis, la Jordanie, l'Arabie saoudite, la France, Israël, l'Allemagne, l'Algérie... autant de pays qui sont impliqués dans un système d'espionnage et de surveillance à l'échelle nationale et internationale. L'État hébreu a même créé une organisation militaire secrète, l'Unité 8200. À travers elle, toutes les communications Internet et téléphoniques venant d'Israël, des territoires palestiniens, du Liban et du reste de la région se retrouvent dans les bases de données de la NSA. Comme le journaliste l'avait déjà dénoncé dans un article dans le New York Times en septembre 2014, ces données sont censées être retransmises sans détails personnels, comme les patronymes et les coordonnées. Au lieu de cela, tout est retransmis sans filtration aucune. Plus encore, quelques jours avant la parution de l'article dans le NY Times, 43 membres de l'Unité 8200 ont dénoncé dans une lettre à leurs supérieurs, au Premier ministre Benjamin Netanyahu et au chef d'état-major Benny Gantz les abus à large échelle dont se rend coupable l'Unité 8200. Dans des témoignages et des déclarations à la presse, ils ont également révélé la récolte de toutes sortes d'informations concernant la majorité des Palestiniens, comme l'orientation sexuelle, les infidélités, les problèmes financiers, les conditions médicales des familles et autres sujets privés. Ces informations sont ensuite utilisées dans la « persécution politique » des Palestiniens, même innocents ; en d'autres termes, le chantage est utilisé par cette Unité pour forcer des Palestiniens à devenir des collaborateurs de l'État hébreu et/ou pour créer des divisions au sein de leur société.

Et le pays du Cèdre ?
De l'autre côté de la frontière, le Liban n'est pas épargné par les méthodes de la NSA. Cette dernière a plusieurs façons de récolter les informations, surnommées « bottes de foin » ou « haystacks » en anglais.
La première méthode consiste à utiliser les communications satellites (téléphones, e-mails, etc.) à travers trois points principaux : la Grande-Bretagne, le Japon et les États-Unis. Au Moyen-Orient, c'est le satellite Arabsat5c qui joue ce rôle et aurait un relais au Liban, à Arbaniyé dans le Metn-Sud. La deuxième « botte » se base sur les « microwave signals » qui sont directement transmis aux satellites de la NSA. En troisième lieu, les câbles sous-marins, installés depuis le milieu des années 1990 avec le boom du réseau Internet dans le monde. James Bamford explique que, dans ce cas précis, la NSA a été obligée de faire des accords secrets avec des compagnies de télécoms dans le monde entier pour pouvoir utiliser leurs bureaux... Au Liban, ces câbles vont de Saïda à Tartous en Syrie, passant par Ras Beyrouth, Jdeideh et Tripoli. Précisons au passage qu'un seul de ces câbles retransmet plus de 100 millions de communications simultanées. Quatrièmement, les communications Internet via e-mails et les moteurs de recherche. Le programme le plus utilisé est le Prism Program, qui permet l'accès à toutes les données stockées par les plus grandes compagnies : Google, Yahoo, Microsoft, AOL, Facebook, YouTube, Skype, etc. Enfin, la cinquième « botte » est la retranscription de « métadonnées » ou « metadata » (plus précisément, ce sont des données qui en détaillent d'autres). Toutes ces informations ne vont pas se trier toutes seules, relève James Bamford, qui révèle la création aux USA d'un ordinateur Exaflop, capable de faire un quintillion d'opérations... par seconde.
Toutes ces opérations de collecte de données et tous les coûts qu'elles laissent supposer ont-ils de fait été utiles au gouvernement américain? Dans un seul cas, dénonce M. Bamford, citant le cas d'un Somalien arrêté pour avoir envoyé quelques milliers de dollars aux islamistes somaliens shebab... Si le journaliste ne nie pas l'importance de la NSA, il estime en revanche qu'elle n'a pas de rôle à jouer dans la guerre contre le terrorisme. « Ces gens devraient être poursuivis en justice » pour avoir violé la loi à l'échelle internationale et l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui porte sur l'atteinte à la vie privée. « Au lieu d'espionner les gens, ils devraient plutôt utiliser les énormes moyens à leur disposition pour combattre Ebola, par exemple », conclut James Bamford.

James Bamford aura passé trois jours à Moscou avec l'ancien consultant du renseignement américain Edward Snowden, plus longtemps qu'aucun journaliste depuis la fuite du « whistleblower » en Russie. De passage à l'American University of Beirut (AUB), le journaliste de Foreign Policy Magazine et auteur de best-sellers est revenu sur cette rencontre au cours de laquelle il a obtenu des...

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