Est-ce que l'on naît modéré ou est-ce qu'on le devient? Combien de temps un agneau, s'il a envie ou besoin de se travestir en loup, ou si on l'y oblige, peut-il garder son déguisement sans leurrer personne, ou presque ? Que ressent-on, comment respire-t-on, comment dort-on la nuit, comment dit-on je t'aime à sa femme et à ses cinq enfants, tout président d'une République (islamique) soit-on, lorsque l'on sait que même sans raison, on peut être destitué, ou suicidé, par un Rahbar, en l'occurrence Ali Khamenei, et son Assemblée des experts, ou par Mohammad-Ali (dit Aziz) Jaafari, le patron en Iran et au Liban des gardiens de la révolution ? De quoi peut-on être responsable quand on est, finalement, qu'un scribe ou qu'un porte-voix du Rahbar ? Comment fait-on pour essayer d'écrire ou de réécrire un pan de l'histoire d'un pays sublime doublement dénaturé par la SAVAK, puis, surtout, par les pasdarans ? Hassan Rohani, président deus ex machina de l'Iran et sorti des urnes à la stupéfaction générale en août 2013, est un personnage Janus : à la fois kierkegaardien, nietzschéen ou sartrien, et né des imaginations débridées, entre black et pink, des frères Grimm, ou de Perrault. À toutes ces questions, il n'essaie aucunement de répondre, ni devant les micros et les caméras ni derrière, sauf peut-être avec Sahebeh, son épouse.
C'est dommage, et sans doute dommageable, de ne pouvoir appréhender M. Rohani qu'à l'aune de sa soumission, comme chaque président iranien, au guide suprême, une réalité qui l'absoudrait, de facto, de cent et une critiques de l'État, de la politique et des choix idéologiques et militaires de son pays sous son mandat. Pire encore : dommage et dommageable qu'inconsciemment, on ne puisse essayer de le comprendre qu'en le comparant à son prédécesseur, l'insensé Mahmoud Ahmadinejad, ne serait-ce qu'au niveau de son hygiène politique, morale et personnelle. Parce que dans un cas comme dans l'autre, Hassan Rohani sortirait auréolé d'innombrables vertus. Alors que les droits de l'homme, l'un de ses credo, continuent d'être largement bafoués en Iran : Farzaneh Moradi, pendue à 26 ans en mars de cette année, ne sait toujours pas, de là où elle est, si cet homme aurait pu la sauver. Elle ne sait toujours pas si cet homme est une simple vitrine, un vernis Guerlain sexy-chic et glitter, finalement stériles et sans espoir, ou s'il peut réellement, concrètement, aider l'Iran à évoluer.
En attendant, Hassan Rohani en mérite tout de même quelques-unes de ces vertus. Son doctorat en droit constitutionnel de l'université calédonienne de Glasgow. Sa maîtrise de six langues : farsi, anglais, français, allemand, russe et arabe. Sa participation indirecte à l'affaire Iran-contra en 1986. Sa mainmise du dossier nucléaire, en 2003 déjà, en compagnie de son inséparable Mohammad Javad Zarif, qu'il a imposé en 2013 à la tête de la diplomatie iranienne. Sa critique de l'oppression par le régime des manifs postélectorales de 2009. Son réformisme, soutenu par deux anciens présidents : le controversé Rasfandjani et, surtout, l'indispensable Khatami. Sa victoire shakespearienne à la présidentielle avec 50,71 % des voix. Sa maîtrise toute barthésienne de la sémiologie et des mythes du IIIe millénaire : son utilisation très smart de Twitter est un cas d'école à elle toute seule.
Hassan Rohani (d)étonne et il le sait. Hassan Rohani est aimé et il le sait. Peut-être un peu trop. De là à s'endormir et ronfloter sur ses lauriers, il n'y a qu'un pas. Facilement franchi(ssable). Hassan Rohani, simple leurre, simple attrape-nigaud, comme avant lui, sur bien des plans, un certain Barack H. Obama ? Ce qui est drôle, c'est à quel point ces deux hommes se ressemblent et pourraient s'entendre. Drôle, ou pathétique.
Moyen Orient et Monde - Portrait craché #9 Hassan Rohani
L’être et le néant
OLJ / Par Ziyad MAKHOUL, le 24 novembre 2014 à 00h00
commentaires (7)
Hassan Rohani avec tout ce baggage de culture est certes plus maniable que Barack H. Obama .
Sabbagha Antoine
21 h 49, le 24 novembre 2014