Les grandes puissances qui négocient un accord nucléaire avec l'Iran savent ne pas pouvoir exclure totalement la possibilité que ce pays se dote un jour de l'arme atomique. Mais elles cherchent à allonger au maximum le délai nécessaire pour que Téhéran ait cette capacité.
L'objectif est de s'assurer que toute tentative de l'Iran de franchir le pas « soit si visible et si gourmande en temps qu'elle n'ait aucune chance de succès », a résumé récemment la négociatrice en chef américaine, Wendy Sherman. Pou sa part, l'Iran a toujours formellement démenti des visées militaires, tout en revendiquant son droit à exploiter une filière nucléaire civile complète, garanti par le Traité de non-prolifération. Aussi, l'accord en cours de négociation à Vienne et qui doit être conclu avant la date-butoir du 24 novembre, ne prévoit pas de démantèlement complet des installations nucléaires de Téhéran.
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L'Iran pourrait ainsi mettre en service son réacteur à eau lourde d'Arak, susceptible de produire du plutonium, et continuer à exploiter un nombre plus ou moins important de centrifugeuses d'enrichissement d'uranium. Or le plutonium, tout comme l'uranium enrichi à haute concentration (90 %), peut servir à la fabrication de la bombe atomique. Une perspective que les grandes puissances du groupe des « 5+1 » (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) veulent rendre virtuellement impossible en rallongeant considérablement le délai nécessaire à l'Iran pour disposer de suffisamment de matière fissile.
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Délai d'un an minimum
Concernant le plutonium, les négociateurs souhaitent que l'Iran adopte à Arak un modèle de réacteur à eau légère et abandonne définitivement le procédé à eau lourde envisagé : ce dernier permettrait de produire de 5 à 10 kilos de plutonium, soit le nécessaire pour une bombe atomique, chaque année. Mais à la différence de la Corée du Nord, qui a choisi la filière plutonium pour ses essais nucléaires, l'Iran n'est a priori pas à même pour l'instant de valoriser cette matière, ce qui rend cette option peu préoccupante à court terme pour les grandes puissances. En revanche, l'Iran est capable de produire des quantités importantes d'uranium enrichi. La République islamique dispose actuellement de 8 tonnes d'uranium enrichi à 3,5-5 %, le degré utilisé pour les réacteurs nucléaires. Cela dit, le pays a accepté en janvier de cesser temporairement d'enrichir de l'uranium à 20 %, le degré mis en œuvre dans les usages médicaux. Il a aussi consenti à dégrader ses stocks déjà constitués.
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Mais selon des experts, comme Mark Fitzpatrick, de l'Institut international d'études stratégiques (IISS), il faudrait moins de quatre mois à l'Iran pour produire suffisamment d'uranium enrichi à 90 % pour fabriquer une bombe. L'objectif de la négociation est que ce délai soit porté à au moins un an pour donner à la communauté internationale le temps de réagir en cas de tentative, souligne Kelsey Davenport, de l'organisation Arms Control Association. Toutefois, reconnaît-elle, même si l'Iran disposait de la matière fissile nécessaire à la fabrication d'une bombe, il lui faudrait encore avoir la capacité de se doter d'un détonateur et d'une ogive, et à installer le tout sur un vecteur.
commentaires (3)
"L’enjeu ? Retarder la « capacité nucléaire » de l’Iran." ! C'est tellement drôle ! A pouffer de rire. Äâl la "capacité nucléaire" äâl !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
15 h 29, le 21 novembre 2014